L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
Nouvelliste grandiose et atypique, conteur de génie et romancier singulier l’Autrichien Stéphane Zweig est décidément à l’honneur cette année dans les théâtres parisiens. Il l’est à double titre : autant par la multiplicité des adaptations scéniques données de ses nouvelles - que l’on se remémore la brillante mise en scène d’Yves Kerboul pour le Lucernaire - que par la qualité et le respect profond de ses textes dont le gratifient ses divers épigones. Trop longues pour être considérées comme de canoniques nouvelles quoique trop courtes pour constituer de véritables romans, les nouvelles de Zweig tirent de cette « malédiction » formelle une grâce particulière faisant d’elles des fictions au caractère aussi insaisissable qu’onirique. Toujours ce sont de courts voyages qui entraînent le lecteur dans les méandres de passions humaines qui ne cessent de frôler la folie, toujours ce sont des croisières où rôde sans tarir une odeur doucereuse, captivante et fascinante de mort, toujours ce sont des errances au cœur de ce qui fait la vie.
C’est dans l’une de ces randonnées maritimes que le petit-fils de Jean Gabin Alexis Moncorgé embarque un public toujours neuf pendant près d’une heure et demi, au travers d’une adaptation habile et fidèle. Déjà nominé en 2015 pour le Molière de la révélation masculine, il l’est de nouveau cette année dans la même catégorie. Il l’est de nouveau, certes, mais l’adaptation que ce jeune et prometteur acteur nous donne d’Amok porte la marque d’une audace, d’une originalité et d’un souffle encore enflé par l’étroitesse de la salle du Théâtre de Poche ne laissant pas de ravir les yeux, le corps et l’ouïe.
Le vent se lève quand le rideau tombe et les rumeurs marines du port se font entendre. La scène, désormais confondue sans excès avec le pont d’un bateau où traîne quelques caisses en bois pour le décor, laisse apparaître Moncorgé bouffi d’une barbe belle époque et affublé d’un costume hétéroclite. Moncorgé, l’amok solitaire, se fait voir, reconnaît son semblable et se confesse à un public plus nombreux qu’il ne paraît le voir. Le spectateur pris à partie reçoit les aveux d’un homme qu’un amour impossible, autant peut-être que les maladies, les chaleurs humides et les songes asiatiques, a rendu fou.
Et, si l’on peine aux premières répliques à se laisser emporter par le ton de Moncorgé, la fièvre du personnage qu’il incarne finit par nous saisir à mesure que croît sa folie. Notre acteur et notre personnage grandissent de pair. Moncorgé, par son ton, ses gestes, son jeu devient l’Amok. Il prend son essor et atteint son apogée lors d’une danse de l’Amok où son corps tangue derrière un drap, parmi les ombres. Il est toujours risqué d’interrompre une pièce de théâtre par de la musique et une chorégraphie. Le pari est réussi et nous ne pouvons que saluer ce qui nous apparaît ici comme un formidable travail de mise en scène.
Enfin, le tragique de la pièce se fait de plus en plus puissant et nous sommes définitivement malmenés avec les personnages. L’œuvre de Zweig se découvre, nous tourmente et nous submerge. Moncorgé s’offre à elle, autant sans doute qu’elle s’est offerte à lui. Et puis le spectateur arrive au port avec lui, à l’aube, à l’heure où tout est consommé lorsque le basculement tragique et irréversible des destins s’est achevé. À l’heure où la grâce, déjà, a opéré.
Le R&N a besoin de vous !
ContribuerFaire un don
Dernières dépêches : [NOUVEAUTÉ] Sortie du jeu de société chrétien « Theopolis » • Retour de la communion sur les lèvres à Paris • Etats et GAFA : l’alliance impie est en marche • [CHRISTIANOPHOBIE] Retour sur le concert raté d’Anna von Hausswolff • [ÉGLISE] Les hussards de la modernité à l’assaut des derniers dogmes de l’Eglise • [IN MEMORIAM] Charles, entre idole des jeunes et divinité laïque • [CHRÉTIENTÉ] L’épée d’Haïfa et la chevalerie rêveuse • Le service public l’a décrété : le wokisme n’existe pas • [IN MEMORIAM] L’Heure des comptes viendra-t-elle bientôt ? • [IN MEMORIAM] 4 novembre 1793 : Louis de Salgues de Lescure
Le Rouge & le Noir est un site internet d’information, de réflexion et d’analyse. Son identité est fondamentalement catholique. Il n’est point la voix officielle de l’Église, ni même un représentant de l’Église ou de son clergé. Les auteurs n’engagent que leur propre conscience. En revanche, cette gazette-en-ligne se veut dans l’Église. Son universalité ne se dément point car elle admet en son sein les diverses « tendances » qui sont en communion avec l’évêque de Rome : depuis les modérés de La Croix jusqu’aux traditionalistes intransigeants.
© 2011-2025 Le Rouge & le Noir v. 3.0,
tous droits réservés.
Plan du site
• Se connecter •
Contact •
RSS 2.0