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[Avant-première] Derrière le « mariage pour tous » : l’ombre de l’Ennemi de la nature humaine

10 novembre 2012 Nicolas Valmurier

Ce sermon est publié, et publié en avant-première, car de nombreux paroissiens de Saint-Eugène se rendront à Saint-François-Xavier demain, pour la messe pontificale dite par Monseigneur Aillet.

Sermon du 11 novembre 2012 à Saint-Eugène
Monsieur l’Abbé Eric Iborra

Il est probable que samedi et dimanche prochains les stands de nos Journées d’amitié connaissent une moindre affluence car bon nombre d’entre vous seront partis manifester contre le projet gouvernemental de mariage pour tous. Essayons ce matin d’en décrypter quelque peu les tenants et les aboutissants.


Et d’abord répondons à ces quelques questions que vous vous êtes peut-être déjà posées. En quoi le mariage pour tous me concerne-t-il, moi qui suis déjà marié normalement ou célibataire et décidé à le rester ? En quoi l’extension du mariage aux personnes de même sexe constitue-t-elle une menace pour cette institution ? Le refus de cette évolution ne serait-il pas, de ma part, un manque de compassion, voire un déni de justice pour des gens qui s’aiment ?

Eh bien oui : premièrement, l’extension du mariage aux personnes de même sexe nous concerne tous parce que, deuxièmement, elle aboutit à ruiner l’institution du mariage. Et enfin, troisièmement, ce n’est pas parce que des gens s’aiment qu’ils ont automatiquement le droit de se marier, comme l’a pertinemment relevé le cardinal Barbarin il y a quelques semaines.

Sur tous ces points il faut être clair et résister, comme l’a dit le cardinal Vingt-Trois, « aux lobbies qui saturent les espaces de communication ». Et qui cherchent plus particulièrement à prendre en défaut les chrétiens, ces chrétiens qui professent d’être charitables à l’égard de tous. Être bon, c’est une chose. Mais il ne faudrait quand même pas remplacer la 2e lettre de l’alphabet par la 3e, si vous voyez ce que je veux dire ! D’ailleurs, comme l’a dit notre archevêque, « nous ne sommes pas dans la défense de je ne sais quels privilèges confessionnels. Nous parlons pour ce que nous estimons le bien de tous. C’est pourquoi nous ne mettons pas en avant la question du sacrement de mariage, qui est une vocation particulière, mais la fonction sociale du mariage qui ne dépend d’aucune religion ». C’est à cause de la distinction entre foi et raison que nous pouvons nous situer sur le terrain, universel, de la loi naturelle qui s’impose à tous. Et cela est pour nous d’autant plus nécessaire que dans notre société postmoderne, où règne la « dictature du relativisme » (Benoît XVI), nos contemporains sont de moins en moins convaincus des possibilités qu’a la raison d’atteindre aux vérités anthropologiques. Les chrétiens exercent donc un rôle de suppléance absolument nécessaire dans ce domaine : ils sont les derniers défenseurs de la loi naturelle, de cette loi que tous, pourtant, devraient défendre.


Avant de voir en quoi le projet de loi dénature le mariage, rappelons brièvement en quoi le mariage est, pour l’Église, un sacrement. Un sacrement, c’est un signe visible qui renvoie à une réalité invisible qui pourtant le soutient. Le mariage est un sacrement, en ce sens, pour deux raisons.

Première raison : elle est exprimée par S. Paul dans la lettre aux Ephésiens au moyen d’une analogie. La relation de l’homme et de la femme est semblable à celle du Christ et de l’Église, relation qui précise celle de Dieu avec son peuple, Israël, que l’on trouve dans l’Ancien Testament et qui remonte à celle qu’il a voulu établir entre lui et l’humanité lorsqu’il a créé le monde. La relation entre l’homme et la femme est une relation qui doit imiter ce don total, jusqu’au sang, de l’amour du Christ pour l’Église, sur la croix, et de l’amour de l’Église pour le Christ, jusqu’au martyre.

Seconde raison : elle est exprimée dans le livre de la Genèse, au moyen d’un mythe. L’homme, créé homme et femme, et femme à partir de l’homme d’ailleurs, appelés à ne faire plus qu’un dans l’amour, est dit image de Dieu. Il ne l’est donc pas seulement parce qu’il est une créature spirituelle. Il l’est aussi parce qu’il est l’image de ce que Dieu est au plus intime de lui-même : communion d’amour des trois personnes dans la Trinité. La famille, c’est-à-dire l’homme, la femme et l’enfant, ce dernier étant la visibilité de « l’unité des deux » dans le mariage, est une sorte d’icône de la Trinité où le Fils provient du Père et l’unité du Père et du Fils est la personne du Saint-Esprit.
Voilà pourquoi le mariage sacramentel ne peut être que l’union d’un homme et d’une femme ordonnée à la procréation.


Qu’en est-il maintenant au plan du droit naturel, si nous faisons abstraction de la foi ? Eh bien nous nous apercevons que dans notre monde un peu difficile à habiter (la faute en est à la Chute originelle), il existe partout une institution qui vise à pérenniser la société par la génération : c’est précisément le mariage. Avant d’être la reconnaissance sociale de l’expression des sentiments, avant même d’être un contrat qui émane de la liberté, le mariage est cette institution axée sur la procréation qui permet la régénération continuelle du corps social grâce à la génération de nouvelles cellules qui l’entretiennent et le renouvellent. Le mariage est avant tout une institution qui permet la survie du corps social menacé par la mort. Comme me le rappelait l’un d’entre vous, voici ce qu’écrivait Portalis, le principal rédacteur du Code civil : « Qu’est-ce donc que le mariage en lui-même, et indépendamment de toutes les lois civiles et religieuses ? C’est la société de l’homme et de la femme, qui s’unissent pour perpétuer leur espèce ; pour s’aider, par des secours mutuels, à porter le poids de la vie, et pour partager leur commune destinée ». Et il ajoutait : « Il était impossible d’abandonner ce contrat à la licence des passions ». En effet, cher M. le Comte, à chaque fois que l’institution du mariage a été gauchie par les passions, un coup fatal fut porté à la civilisation. La chute de Rome trouve ses racines véritables dans la décadence de l’institution matrimoniale à l’époque impériale disent les historiens.

Il faut donc bien se mettre cela dans la tête : le mariage n’est pas uniquement la reconnaissance sociale d’un amour humain. C’est d’abord l’institution qui articule l’alliance de l’homme et de la femme avec la succession des générations grâce à la procréation d’enfants. Autrement dit, le mariage est l’institution sociale antérieure à toute forme politique, qui ancre la personne dans une histoire, grâce à la continuité des générations. Comme le disait le pape Jean-Paul II, c’est « une société souveraine ». C’est-à-dire une société qui précède toute autre forme de société politique et qui permet de toutes les relativiser. C’est pourquoi tous les Etats totalitaires ont attenté peu ou prou à l’institution matrimoniale, parce qu’elle constitue un contre-pouvoir naturel.

Le corollaire de l’extension du mariage aux personnes de même sexe, c’est la possibilité d’adopter des enfants. Et l’on nous dit que ces personnes sont tout à fait capables d’aimer ces enfants. Certes. Mais pas d’un amour structurant, c’est-à-dire d’un amour qui les situe, comme on vient de le voir, dans une histoire et aussi dans une existence sexuée, c’est-à-dire comme garçon ou comme fille. Substituer la parentalité à la parenté, c’est réduire le rôle des « parents » tout au plus à celui d’éducateurs, à nier l’ancrage dans une histoire et dans un sexe.


Je parlais au début de décrypter les tenants et les aboutissants du projet gouvernemental. Nous y voici justement. L’expression du mariage aux personnes de même sexe est avant tout une machine de guerre pour détruire l’institution naturelle du mariage. Pourquoi en effet vouloir à ce point cette extension ? Rien n’empêche aujourd’hui, par exemple avec le Pacs, de mener une vie commune avec qui on veut en jouissant d’à peu près tous les avantages juridiques liés au mariage. Pourquoi alors vouloir ruiner la définition du mariage ? Regardez bien : c’est là que l’Ennemi de la nature humaine, le Démon, s’avance, masqué sous les bons sentiments.

Vouloir ruiner la définition du mariage, c’est vouloir effacer la différence sexuelle en ce qu’elle a de structurant dans la relation entre adultes et dans la relation avec les enfants. Effacer la différence sexuelle, c’est nier ainsi le fondement de l’altérité, c’est donc promouvoir l’individualisme et avec lui le solipsisme et finalement l’enfermement dans l’égo qui caractérise si bien notre société moderne. C’est donc dénaturer profondément l’amour en en faisant la satisfaction de ce qui n’est plus qu’un besoin individuel, comme la nourriture par exemple. L’autre n’est plus qu’un objet et non plus un sujet qui mérite que je m’oublie pour lui. Cela se vérifie dans le rapport à l’enfant. Si l’adoption existe depuis toujours, c’est pour donner des parents à un enfant ; ce n’est pas pour donner un enfant à des adultes en manque. On passe, là aussi, de l’enfant-sujet à l’enfant-objet.

Enfin, allons plus loin : nier la pertinence de la différence sexuelle, c’est vouloir nier la finitude inhérente à l’être humain, en tant que créature. Platon l’avait fort bien vu lui qui faisait dire à Aristophane dans le Banquet que les humains étaient à l’origine doubles et que, dotés de deux têtes, quatre bras et quatre jambes, ils menaçaient d’escalader l’Olympe comme autrefois les titans. Ils furent donc foudroyés et devinrent ce qu’ils sont maintenant. Autrement dit, la sexualité est aussi une marque de finitude : elle nous rappelle que nous ne sommes pas tout-puissants, que nous avons besoin de l’autre, et de l’autre sexué, pour exprimer l’intégralité de notre humanité. L’expression du mariage aux personnes de même sexe est donc un attentat contre le Créateur  : en niant notre être de créature ; en outre c’est une imitation de celui qui veut être unique comme Dieu en oubliant la différence, c’est-à-dire en n’étant pas autodifférencié : le démon, qui se condamne de lui-même à une éternelle solitude dans son solipsisme stérile.


On comprend que le cardinal Vingt-Trois nous appelle à résister à ce projet. Aux parlementaires, il a dit : « Je ne pense pas que l’organisation des mœurs conjugales et de la transmission de la filiation fassent partie des éléments d’une alternance politique. Elle engage trop profondément l’avenir de la société pour n’être qu’une conséquence automatique d’une élection » et aux évêques réunis à Lourdes : «  L’élection présidentielle et les élections législatives ne constituent pas un blanc-seing automatique, surtout pour des réformes qui touchent très profondément les équilibres de notre société ». L’archevêque nous appelle à réagir : « Nous continuons d’appeler les chrétiens, et tous ceux qui partagent notre analyse et nos questions, à saisir leurs élus en leur écrivant des lettres personnelles, en les rencontrant et en leur exprimant leurs convictions. Comme citoyens, ils peuvent, et peut-être doivent, utiliser les moyens d’expression qui sont ceux d’une société démocratique, d’une démocratie participative, pour faire connaître et entendre leur point de vue ». Vous trouverez d’ailleurs sur la feuille paroissiale des adresses de sites pour trouver des modèles de lettre et des arguments aussi pour poursuivre la réflexion.

Réaction qui pourra faire participer non seulement nos mains, en écrivant des lettres, mais aussi nos pieds, en manifestant notre opposition au projet gouvernemental le week end prochain.

10 novembre 2012 Nicolas Valmurier

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