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Sermon de l’abbé Iborra — Cinquième dimanche après l’Épiphanie

13 février 2014 Contributeurs extérieurs

Sermon de monsieur l’abbé Éric Iborra

vicaire de la paroisse Saint-Eugène-Sainte-Cécile à Paris (IXe)

lors de la messe en forme extraordinaire du dimanche 9 février MMXIV, 5e dimanche après l’Épiphanie

Jésus nous propose aujourd’hui deux comparaisons pour comprendre ce qu’est un disciple. Deux choses m’ont frappé. La première, c’est la diversité et en même temps la complémentarité des deux images. La seconde, c’est que le portrait du disciple, c’est le portrait même du Maître.

Diversité et complémentarité d’abord. Une diversité même qui ressemble fort à un antagonisme. Jésus commence par comparer les disciples à du sel. Dans l’antiquité, le sel tient lieu de réfrigérateur. On attend du sel qu’il soit efficace, qu’il conserve les aliments, mais en même temps qu’il soit discret, qu’il ne les rende pas immangeables. Le sel est donc un serviteur : il doit remplir une fonction importante mais sans se mettre en avant. Il est au service des aliments dont il relève le goût. Le témoignage que le chrétien doit rendre est analogue : on n’agit pas pour être vu mais pour rendre un service. C’est ce que Jésus veut dire lorsque, dans le texte que nous lisons le mercredi des cendres, il invite ses disciples à prier dans le secret de leur chambre, lorsqu’il dit que la main gauche doit ignorer ce que fait la droite, et ainsi de suite. Ce que Jésus souligne donc avec cette première image, c’est la discrétion du témoignage. Le témoin ne se met pas en avant, il s’efface dans sa mission.

Jésus compare ensuite ses disciples à une ville sise sur une montagne ou à une lampe. Ici, on dirait qu’il prend le contre-pied de l’image précédente. La lampe étant destinée à éclairer, elle doit être visible. Le témoignage que le chrétien se doit de rendre est là aussi analogue : lorsqu’il le faut, il ne doit pas avoir peur de se mettre en avant, de poser des actes qui tranchent sur le conformisme ambiant. Il a une mission envers ses frères : les exhorter ou les confirmer dans leur foi, être un signe pour le monde. « Que votre lumière brille devant les hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ». Ce que Jésus souligne donc avec cette seconde image, c’est le caractère public du témoignage.

Je disais que ces deux images sont antagonistes. Il est plus vrai de dire qu’elles sont complémentaires. Dans un cas comme dans l’autre, ce qui est souligné, c’est le service. Dans un cas comme dans l’autre, on n’agit pas pour soi mais pour les autres. Il s’agit de se faire serviteur. Et on comprend alors l’ordre adopté. Il faut d’abord mettre en garde contre la tentation de se faire valoir : fais-toi discret comme le sel caché dans les aliments, lui qui n’hésite pas à s’effacer quand son service est accompli : on dessale les aliments avant de les préparer ou les accommoder. Mais n’hésite pas non plus quand il le faut à te manifester visiblement. Là, c’est plus difficile car lorsqu’on tient le premier rang, on risque de s’enorgueillir. Souviens-toi alors que tu n’es qu’une lampe. On ne regarde pas une lampe allumée, mais grâce à elle, on voit ce que l’on désire voir. Ce n’est pas toi que les gens regardent, mais c’est grâce à toi qu’ils voient. Même si ton témoignage est plus spectaculaire, il est encore un service. Là encore, tu n’agis pas pour toi mais pour les autres.

Cette complémentarité apparaît encore à un second niveau. La lumière éclaire : elle permet de voir. Le sens de la vue symbolise l’acte de comprendre. La lumière éclaire : c’est le signe que le témoignage doit faire apparaître le vrai et donc nourrir l’intelligence. De même, le sel donne le goût : il permet de savourer. Le sens du goût symbolise le bien. Ce qui a du goût est bon. Le témoignage doit conduire à faire apprécier le bien et par là stimuler la volonté qui tend vers lui. Ainsi, par la conjonction de ces deux images, Jésus veut dire que les disciples doivent stimuler les deux facultés supérieures de l’homme que sont l’intelligence et la volonté. Le témoignage d’un chrétien ne peut même mouvoir la volonté vers le bien que s’il a contribué à nourrir l’intelligence avec le vrai.

Enfin, deuxième chose qui m’a frappé, ce portrait du disciple, c’est le portrait même du Maître. Cela signifie deux choses. La première, c’est que pour désigner ses disciples, Jésus les désigne par ce qu’il est. Jésus dit en S. Jean : « Je suis la lumière du monde » et il dit à ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde ». Le disciple est donc un autre Christ. Et je dis bien un autre Christ : Jésus ne compare pas les disciples à un miroir qui refléterait sa propre lumière, il les compare à une lampe. Une lampe, dans l’antiquité, c’est ce qui brille de sa propre lumière, même si elle est allumée par une flamme extérieure. Il en est de même du disciple. Sa lumière ne vient pas de lui mais elle lui est donnée. Et lui étant donnée, elle devient sienne. C’est toute la doctrine chrétienne de la grâce qui est ici esquissée.

La seconde chose, c’est qu’être à l’image du Christ un autre Christ constitue une redoutable exigence. De celui dont on attend beaucoup, on exige beaucoup. Si on fait le bien, conformément à notre mission, on glorifiera Dieu ; sinon, on se retournera contre nous et on nous piétinera. C’est un peu la leçon de la parabole des talents, qui fait allusion au Jugement. Notre mission n’est donc pas un hobby, quelque chose que l’on fait en plus, quand on a du temps. C’est le cœur de notre vie, quelque chose d’irremplaçable car Dieu compte sur chacun pour que tout homme soit séduit par la vérité, attiré par le bien. Devenir disciple du Christ, c’est devenir son ambassadeur, être attaché à son service pour, comme lui, servir son prochain. Examinons donc comment nous pouvons devenir toujours plus sel et lumière dans notre vie quotidienne. Témoigner, discrètement ou ouvertement, mais réellement de la Vérité et du Bien pour mieux servir notre prochain, et ainsi entrer dans la joie du Maître, qui est aussi la nôtre. Il est clair que l’actualité sociétale dans notre pays nous fournit de multiples occasions d’être sel de la terre et lumière du monde. Au passage, vous aurez peut-être remarqué qu’il s’agit là du titre des deux livres d’entretiens que Benoît XVI avait consacrés aux défis que le christianisme avait à relever en ce début de millénaire...

13 février 2014 Contributeurs extérieurs

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