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Sermon de l’abbé Iborra : fête de l’Annonciation (2013)

Sermon donné par l’abbé Iborra pour la fête de l’Annonciation.

L'Annonciation de P. de Champaigne

La fête que nous célébrons aujourd’hui est bien sûr une fête de la Vierge Marie, mais elle est davantage encore une fête de notre Seigneur. C’est la fête de l’incarnation du Fils de Dieu dans une nature humaine individuelle. Le fiat de Marie, dont saint Bernard a magistralement mis en scène le caractère dramatique pour l’économie du salut, conditionne le succès du dessein rédempteur voulu par Dieu pour l’humanité. Grâce au oui de Marie, la deuxième personne de la Sainte Trinité devient un homme, un homme singulier parmi des milliards d’autres. Un homme qui se fait solidaire de la condition humaine dans ce qu’elle a de plus humble, de plus fragile aussi. Le Fils de Dieu, celui que les cieux ne peuvent contenir, devient un embryon microscopique. Confirmation, s’il en est, du caractère sacré de la vie dès son plus modeste commencement. Et à cet égard on peut être frappé par le fait que le rejet du projet de loi sur la manipulation des embryons ait eu lieu quasiment au lendemain du 25 mars...

Mais revenons à Marie. Marie accepte une mission qui la dépasse totalement et qui la requiert dans tout son être, son intelligence, sa volonté, sa corporéité. En elle s’accomplit de manière prophétique la promesse transmise par Isaïe au sujet de l’épouse du roi Achaz qui devait mettre au monde un héritier : grâce à elle va naître le véritable Emmanuel, nom qui se traduit, comme le rappelle l’évangéliste, par Dieu avec nous. Il ne s’agira plus, comme dans l’oracle d’Isaïe, d’une présence seulement providentielle de Dieu dans l’histoire d’Israël : c’est bien Dieu qui sera avec nous, le nous de la génération de Jésus, le nous ensuite de tous ceux qui lui seront incorporés par le baptême, l’Église donc, et qui reconnaîtront, dans la foi, sa présence véritable dans les sacrements et par-dessus tout dans l’eucharistie. Dieu est avec nous : c’était un des leitmotive de l’enseignement de Benoît XVI. Dieu est devenu l’un de nous par l’Incarnation, il est même en nous par la grâce. La présence de Dieu, quoique invisible, est désormais indéfectible : elle durera aussi longtemps que durera cette figure-ci du monde. Dieu, dans la personne de son Fils, nous accompagne chacun, dans toutes les dimensions de notre vie, jusque dans notre mort. Il est le chemin qui nous conduit au Père, la vérité qui éclaire notre liberté, la vie qui nous divinise et nous donne le goût de l’éternité.

L’oracle d’Isaïe désignait la jeune épouse du roi. La transposition du almah hébreu en parthenos grec par la traduction des Septante fait de cet oracle une prophétie. Oui, c’est bien la Vierge qui va engendrer. La naissance virginale de Jésus n’est pas un prodige vide de sens. Elle nous apprend que ce Fils a pour Père unique et véritable Celui qu’au moment de quitter Marie de Magdala, le matin de Pâques, il appelle son Père et notre Père. Elle rappelle la priorité de la paternité divine sur toute autre paternité. Jésus, le nouvel Adam contemplé par saint Paul dans la lettre aux Romains, est l’homme universel. A chacun de ceux à qui il s’est en quelque sorte uni par son incarnation, il donne son Père pour père archétypique. La naissance virginale du Fils de Dieu incarné fait de nous simultanément les enfants d’un même Père et les frères d’un même Fils.

Tout ceci se réalise par la coopération libre de Marie qui accepte d’être conduite au-delà de ce qu’elle pouvait comprendre et imaginer. Trois attitudes caractérisent Marie : disponibilité, acquiescement et obéissance. Trois attitudes qui correspondent aux trois dimensions du temps. La disponibilité relève du passé. C’est parce que Marie est disponible depuis toujours à Dieu et à sa parole qu’elle est en mesure de percevoir cette parole lorsqu’elle lui est transmise par la médiation de l’Archange. Marie perçoit dans l’obscurité de la foi ce qu’aucune autre n’aurait pu percevoir, une vocation unique à coopérer au salut de tous par l’accueil de cette Parole, le Verbe qui vient se faire chair en elle. Elle acquiesce aussitôt à la volonté divine qui lui est signifiée par l’Archange. Le oui surgit de son cœur comme actualisation d’une possibilité encore ouverte. La puissance se fait acte avec aisance à cause du décentrement qui depuis toujours caractérise Marie : elle est tout entière – par sa pauvreté – rassemblée, résumée, dans ce oui, dans ce présent qui éclipse tout. Et ce oui, cet acquiescement à la volonté de Dieu sera décliné à chaque instant de sa vie future dans une attitude d’obéissance qui la conduira de la crèche à la croix, puis du sépulcre au cénacle, c’est-à-dire de Noël à la Pentecôte en passant par le glaive de la passion et l’extase de la résurrection. Marie, de mère de Jésus, devient ainsi mère de l’Église, toujours sous l’ombre de l’Esprit qui descend sur elle à l’Annonciation et qui revient sur elle à la Pentecôte tandis qu’elle priait au milieu des disciples de son Fils. L’Esprit accompagne Marie tout au long du Rosaire de sa vie comme l’archet qui fait vibrer surnaturellement toutes les cordes de son être, produisant une musique que tous peuvent percevoir, une polyphonie même où chaque âme, de la plus éloignée à la plus mystique peut saisir ce qu’est la réponse de l’être humain à l’appel de la grâce divine. Marie est ainsi le canal par lequel nous est communiqué l’Esprit, elle est celle qui nous enfante à la vie surnaturelle. Elle est, à bon droit, la mère spirituelle de tous les disciples de son Fils.

Nous avons à recevoir d’elle et à développer les qualités dont elle a fait preuve dans sa vie spirituelle. Comme le disait Benoît XVI à Lourdes, en 2008, « s’en remettre pleinement à Dieu – comme le fit Marie par son fiat et par toute sa vie – c’est trouver le chemin de la liberté véritable. Car en se tournant vers Dieu, l’homme devient lui-même. Il retrouve sa vocation originelle de personne crée à l’image et à la ressemblance de Dieu ». Marie, par son exemple, nous recrée, elle est la nouvelle Ève. Nous devons devenir disponibles comme elle à la Parole de Dieu et à la volonté divine qu’elle contient ; nous devons consentir avec promptitude à ce que cette volonté nous demande ; nous devons lui être fidèle à travers toute notre vie dans une attitude d’obéissance aimante et filiale. Ainsi, en imitant Marie, nous imiterons Jésus, lui dont la nourriture fut toujours de faire la volonté du Père.

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