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Le 17 mai dernier nous nous rendions en grand arroi de S. Eugène à Notre-Dame avec quelques paroisses de Paris. S. Elisabeth de Hongrie, par exemple, qui organise demain une ostension de reliques autour de S. François, le maître spirituel de S. Louis, de sa sœur la B. Isabelle et de S. Elisabeth elle-même.
Parmi les paroisses qui ont marché avec nous figure S. Louis-en-l’Île qui nous accueille aujourd’hui en ce lieu qui vit la proclamation de la dernière croisade, celle qui conduisit Louis à Tunis et des soucis du royaume temporel à la gloire du royaume céleste comme le dit la collecte de sa fête.
A l’époque, l’île était déserte et les chroniqueurs racontent que Louis, qui vivait au Louvre tout proche, aimait à s’y retirer pour méditer ou pour rendre la justice. La physionomie de l’île a bien changé : urbanisée au 17e siècle elle présente, avec son église, les traits équilibrés et élégants de l’architecture classique.
D’une architecture qui, s’inspirant de la haute époque antique, se voulait justement par son équilibre et la pureté de ses lignes, le symbole politique de l’ordre, anticipation terrestre de l’harmonie céleste.
Le style de S. Louis-en-l’Île nous éloigne, semble-t-il, du roi dont nous fêtons le 8e centenaire de la naissance. Elle nous ramène plutôt à l’antiquité et pourquoi pas à cette période qui en fut architecturalement et politiquement l’apogée, le « siècle d’Auguste ». Cette année voit d’ailleurs le 2e millénaire de la mort de celui qui fonda l’Empire en Occident, Auguste, qui reçut du Sénat un bouclier où étaient gravés ces quatre mots : virtus, clementia, iustitia, pietas . Quatre vertus qui ne sont pas sans rappeler les quatre vertus cardinales que l’héritier de César réussit à incarner avec plus de succès que l’élève d’Aristote. Si Alexandre céda en effet à la démesure, son émule romain cultiva avec tempérance le sens du possible, le réalisa avec la persévérance que donne la force, jouant des circonstances avec l’habileté que permet la prudence. Quant à la justice, souvent malmenée par l’ambition du jeune Octave, elle reste fameuse dans la clémence d’Auguste.
A ce portrait de prince manquait ce que produit l’infusion des vertus théologales, qui surnaturalisent les vertus cardinales.
Huit siècles plus tard, en 814, mourait Charlemagne, dont la statue de bronze se dresse tout près d’ici, lui qui investit toute son énergie dans la rénovation de l’empire, d’un empire chrétien, et qui pour ses contemporains incarna le prince idéal. Mais si Charles s’efforça d’agir en chrétien, les temps, encore barbares, ne lui permirent guère de vivre en plénitude les vertus cardinales. S’il incarna, dans l’ordre politique, la prudence et la force et dans une certaine mesure la justice, appliquée cependant avec une dureté proche de la cruauté, subsistait un hiatus entre la foi sincère de l’homme et la moralité parfois plus que douteuse de ses actes.
Quatre siècles plus tard, en 1214, naissait celui qui devait réaliser d’une manière pour nous parfois déconcertante la synthèse des vertus théologales et des vertus cardinales aussi bien dans le gouvernement du royaume que dans sa vie personnelle.
« La tempérance est la vertu qui modère l’attrait des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés » (CEC 1809).
Tempérant, Louis le fut depuis son plus jeune âge, aussi bien dans l’usage des biens que dans sa vie matrimoniale. Une tempérance radicalisée par les épreuves, en particulier celles de la guerre et de la captivité, surnaturalisée encore par la vertu de pénitence. Louis s’identifia de plus en plus au Christ qui ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu mais qui se fit serviteur de tous, modèle du roi qui soignait de ses mains les pauvres dans les hôpitaux qu’il avait fondés.
« La force est la vertu qui assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien » (CEC 1808).
Cette vertu, Louis l’exerça dès qu’il accéda au trône, ne cessant de lutter, avec énergie et douceur, avec un grand sens de l’équité, pour ramener les vassaux, y compris les plus puissants, à l’obéissance féodale. Il ne cessa de l’infléchir, à la mesure de sa foi, au service du bien commun de la chrétienté en orientant la puissance retrouvée du royaume vers la délivrance de Jérusalem, cette trace terrestre du royaume de Dieu, étape dans notre pèlerinage vers le Ciel.
« La justice est la vertu qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû » (CEC 1807).
La justice de S. Louis est devenue proverbiale, qu’elle s’exerçât sous les chênes de Vincennes et de l’Île aux Vaches, ou bien lointainement au Levant entre princes toujours rivaux. Louis fut l’arbitre de l’Europe, celui à qui on recourait de toutes les cours pour obtenir une sentence juste. Mais une justice, là aussi, informée par la foi et la charité, une justice qui ne préférait rien au service de ce Dieu envers qui on est toujours un débiteur insolvable. Louis lui offrit toute sa personne et, sur ses deniers, ce qui à ses yeux était le plus précieux sur la terre, faisant de son royaume le reliquaire de la Passion pour entraîner son peuple à devenir une communauté sainte.
« La prudence est droite règle de l’action, écrit S. Thomas d’Aquin après Aristote. Elle ne se confond ni avec la timidité ni avec la peur, ni avec la duplicité ou la dissimulation » (CEC 1806).
Prise en ce sens, la prudence coïncide avec la pureté de cœur. Louis la possédait à un degré éminent, tant dans ses intentions que dans le choix des moyens pour les réaliser. Il tira son royaume de l’anarchie qui le menaçait à son avènement et sa prudence s’appuyant en lui sur la justice et sur la force, il se gagna l’affection de tous, y compris de ses ennemis, et le respect de l’autorité qu’il détenait. Mais une prudence là aussi surnaturalisée par la foi puisqu’il n’hésita pas à s’absenter longtemps du royaume pour mener des expéditions périlleuses ou travailler à relever les établissements francs du Levant menacés par les Turcs.
A travers sa vie et son action publique, aussi bien en son royaume qu’outremer, Louis nous apparaît comme l’incarnation du prince rêvé par les philosophes de l’antiquité, plus mesuré qu’Alexandre, plus noble encore qu’Auguste.
C’est que le S. Esprit était venu remplir son cœur et l’embraser du feu de son amour. C’est qu’en lui les vertus cardinales purent déployer toute leur harmonie parce qu’elles étaient irriguées par les vertus théologales.
Avant tout, Louis fut un homme de foi, d’une foi qui transfigure la raison tout en s’appuyant sur elle.
Son amitié avec les dominicains et avec S. Thomas d’Aquin en particulier, en témoigne. Louis fut encore l’homme d’une foi communicative, qui entraîne les foules sur les chemins de Dieu, à l’image de S. François dont il se fit le disciple.
Mais pour lui qui exerçait la fonction royale, ce fut pour les entraîner au même pas, en corps organisé – armée, administration, ordre social, nation – vers la cité céleste. Une foi qui se teinte alors de toutes les nuances de la charité, car il revient au chef d’avoir souci de tous.
Louis fut enfin l’homme d’une foi qui, comme la collecte de sa fête le rappelle, ne cessa d’amener le regard de ses contemporains de la considération des choses terrestres à celle du grand œuvre qu’est notre rédemption, un salut – pour le roi – à l’échelle d’une nation.
Sur les chemins ardus du 13e siècle, Louis s’avance en berger de son peuple, toujours plus dépouillé, à l’image de son Maître, en ce long pèlerinage intérieur qui le mène vers la cité de Dieu. Louis, pèlerin, qui voulut que son peuple entreprît la route qui mène, à travers la Jérusalem terrestre, vers celle du Ciel, se souvenant avec l’auteur de l’épître aux Hébreux que nous n’avons pas ici-bas de demeure définitive, et cela jusqu’à mourir les bras en croix sur un lit de cendres sur une terre étrangère.
S. Louis, figure ô combien lumineuse de l’espérance surnaturelle qui donne un sens à toute vie dès qu’elle s’ouvre à la foi. Vous dont la couronne se revêtit d’épines à mesure que vous exerciez votre fonction de passeur de la terre vers le ciel, continuez de veiller sur la longue colonne du peuple de France qui erre en son histoire mouvementée.
Intercédez pour que le S. Esprit qui transfigura votre âme embrase encore aujourd’hui le cœur des chefs dont nous avons besoin et que, dans l’espérance, nous croyons qu’il suscitera pour le bien de tous.
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