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[DIEUDONNÉ] Quenelle : gare à l’indigestion !

9 janvier 2014 Bougainville ,

Depuis quelques mois, Dieudonné est en train de parvenir au couronnement de sa carrière : désigné ennemi public numéro 1, ses vidéos sont visionnées par des centaines de milliers d’internautes, et sa « quenelle », devenue le geste subversif ultime, se diffuse partout. Les politiques, unanimes pour le dénoncer, sont ridiculisés, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, avec la retenue et la hauteur de vues qui sont les siennes, en premier.

Il convient d’ailleurs de s’interroger si la polémique Dieudonné n’est pas instrumentalisée par le régime, toujours en quête d’ennemis, et qui fait marcher sa clientèle de bobos hystériques à l’émotionnel, autour de leurs obsessions de racisme, d’antisémitisme et d’homophobie.

Par conséquent, faut-il en parler ? Apparemment oui, car la confusion gagne la « Cathosphère », et la « Réacosphère » : certains jugent même intelligent de trouver des vitraux de saints « faisant la quenelle ».

En trois actes, votre serviteur jouera le rôle de l’empêcheur de queneller-en-rond, en essayant de démontrer que :

  • Acte I : Dieudonné doit être perçu pour ce qu’il est : un humoriste provocateur.
  • Acte II : Il est vain de l’interdire…
  • Acte III : … Tout comme il est vain de l’ériger en exemple.

Acte I

Depuis son éviction du « show-biz », Dieudonné marche à la provocation. Tout chez lui n’est que sketch. Ses allers-et-venues au palais de justice de Paris sont des tragi-comédies grandeur nature. Son organisation du mariage gay de deux assassins dans une prison ? Un sketch qui a achevé de démontrer le ridicule de la loi Taubira.

En-dehors de sa posture de provocateur sans limites, ce qui fait son succès, Dieudonné a un véritable talent d’humoriste. L’oral d’anglais, la fine équipe du 11, ou le dictateur africain sont des séquences hilarantes. Il y a parfois une réelle finesse dans ses sketchs, par exemple sur la télévision cherchant le sensationnel à tout prix (voir Les plus grands criminels de l’histoire), et sur la rivalité entre Antillais et Africains (cf. Le championnat de la victimisation — dans lequel on perçoit le grief initial de Dieudonné envers la Shoah, qu’il accuse d’occulter la Traite noire).

Acte II

Il est vain de chercher à interdire Dieudonné. Même l’éditorialiste Olivier Duhamel, social-démocrate bon teint, estime que « dans une démocratie, interdire ses spectacles serait très contestable » :

En matière de libertés publiques, une démocratie réprime a posteriori, elle n’interdit pas a priori. Nul ne peut garantir que tel spectacle contiendra des propos antisémites, puisqu’il n’a pas encore eu lieu. La liberté d’expression s’impose a priori.

Acte III

Pour autant, il faut être cohérent et lucide envers Dieudonné. Cohérent, tout d’abord. Des petits cathos BCBG qui trouveraient vulgaire de faire des bras d’honneur, ou de souhaiter une bonne sodomie à quelqu’un, se délectent à glisser des « quenelles ». Ce geste est éminemment subversif, mais la « quenelle », c’est aussi éminemment scatologique.

Lucide, ensuite, en reconnaissant qu’il vulgarise et diffuse l’antisémitisme. Il est d’ailleurs significatif que l’obsession juive de Dieudonné provient, comme l’a bien synthétisé Gérard Leclerc, de l’antiracisme de gauche :

À l’origine, l’humoriste entend, en effet, se battre contre le racisme anti-noir. Et c’est dans le même mouvement qu’il va être amené à désigner un ennemi, contre lequel retourner la haine dont il s’estimait la victime. D’où l’importance de bien réfléchir à la signification de l’antiracisme qui peut devenir un racisme contraire

Par ailleurs, l’« antisionisme » de sa mouvance dissimule la volonté de voir l’Etat d’Israël disparaître, alors que l’enjeu de la paix est de reconnaître une double réalité : Israël existe, les Palestiniens également ; et de parvenir à les faire vivre ensemble sur la même terre.

Enfin, Dieudonné, n’en déplaise aux petits cathos qui le soutiendraient, reste imprégné du laïcisme du monde du spectacle, et d’anticléricalisme envers « l’Église chrétienne » (sic) qui aurait « trahi » le message du Christ (voir Rendez-nous Jésus). Au cours de son évolution antisioniste, il a ensuite professé une quasi-adhésion à l’islam, appelant même, dans une interview de 2011 à la télévision iranienne, les chrétiens à rejoindre « le mouvement islamique ». Fidèle à lui-même, Dieudonné cultive l’ambiguïté. On serait bien en peine de dire s’il est athée, adepte d’une sorte de christianisme sans Église (comme son compère Alain Soral), ou s’il mélange l’islam et Jésus. Mais il est inutile de spéculer sur sa spiritualité.

Dans cette polémique qui ne les concerne guère, les rédacteurs et lecteurs de la Cathosphère feraient bien de réfléchir avant de « queneller » gaiement.

9 janvier 2014 Bougainville ,

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