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Paysan Breton et Carl Moy-Ruifey, intrigués par la bruyante populace qui se massait place Louis XV, se mêlèrent – horreur ! – à la foule des idolâtres sarkozystes. Éreintés par un contact si long et si peu convenable avec un tel troupeau, ils s’en allèrent rejoindre les salons feutrés d’un club au charme britannique. Saluant au passage Monseigneur Mixa, qui leur offrit courtoisement un cigare, ils purent apprécier un vieux whiskey.
Paysan Breton : Monsieur Sarkozy nous refait le même coup qu’en 2007, j’ai vaguement l’impression d’être pris pour une buse.
Carl Moy-Ruifey : La démocratie est honnête en elle-même. Elle prend le peuple pour ce qu’il est en effet : un enfant gros, plat et bête. Lorsque les gens s’assemblent pour former ce machin qu’on appelle « peuple », et qui va bientôt voter, les meilleurs s’effacent devant les moins bons. Tous les nobles sentiments font face aux bas instincts. Sarkozy nous avait promis d’être l’homme intransigeant nécessaire pour briser les syndicats, faire taire les tire-au-flanc de la FSU, dépecer les gras fonctionnaires, remettre la France au travail, épargner notre argent pour rembourser des dettes honteuses, bouter les bolcheviks hors de nos écoles, asséner des coups de crosse aux laïcards acharnés, bâtir le second porte-avion qui manque à la Royale …
Mais ne nous étonnons pas. On n’obéit point à quelqu’un qui nous est redevable. Un Président qui n’est pas un despote, celui de la majorité oppressant la minorité, un Président qui n’est pas un oppresseur, donc, n’a aucune chance de gouverner en France. L’Angleterre n’a pas ce problème, puisque c’est toujours une minorité qui porte un gouvernement au pouvoir. L’autorité réside donc dans la Tradition, pas dans le suffrage.
Ainsi faut-il reconnaître à Monsieur Sarkozy que rien ne saurait lui conférer d’autorité sinon de mater le peuple, comme Mitterrand répondant à un journaliste qui lui demandait s’il allait se retirer après une défaite aux législatives : « On ne peut rien contre la volonté d’un homme ». Le Président de la République n’en a pas eu la force. Mais son programme, quoiqu’insuffisant, esquissait ici et là un léger redressement.
Paysan Breton : J’ai quand même en mémoire la politique scolaire, et son européisme forcené. Tout ceci m’est un peu resté en travers de la gorge.
Carl Moy-Ruifey : Et à raison. En matière européenne, si vous me permettez de commencer par là, cher ami, il joue à l’équilibriste entre les deux versants d’un gouffre. Soit il faut une Europe fédérale, soit il ne faut pas d’Europe. Quant à moi, je n’ai pas peur de déclarer que la France qui fit l’admiration du monde est morte, et que sur les décombres humains qui jonchent l’Europe, il faut faire une puissance, dont le catholicisme sera le ciment, qui puisse pourfendre les États-Unis et la Chine. Mais qu’on veuille continuer à agiter vainement les bras sordides du cadavre national, ou qu’on veuille restaurer une puissance en Europe, on ne saurait en tous les cas soutenir la farce bruxelloise. L’Union européenne est un géant impuissant qui ne nous fait pas honneur.
Quant à la question scolaire, il n’était pas imaginable de la confier à un vendeur de parfum. Cependant, un peu à la façon dont Joseph de Maistre considère Buonaparte, c’est-à-dire comme le fléau de l’Europe et le bras armé du châtiment de la Providence, laquelle réalise ainsi l’économie du Salut, Chatel met en terre une école fondée par la Gueuse et dont rien ne pourra sortir.
Paysan Breton : Qu’avez-vous pensé franchement de ce discours ? Des accents gaulliens, une marée de drapeaux, une marseillaise fervente... Le tout pour finalement arriver avec une ouverture à gauche. Il a quand même le don de faire s’associer les contraires.
Carl Moy-Ruifey : Les tours de passe-passe, c’est le principe même de la politique démocratique. Et il faut avouer que Monsieur Sarkozy est à ce jeu le meilleur. Aussi est-ce sans doute ce qui fait de lui le meilleur candidat pour tenir les rênes du pouvoir. L’ouverture à gauche, il la promet à nouveau, certes. Mais encore faut-il qu’il trouve des proies à nommer au gouvernement. Il n’en trouvera pas. Ce sont plus les chiraquiens, qui, retenant les leçons de leur maître, ont de furieuses envies de trahir.
Alors voyez-vous, je prends les accents gaulliens, et je dois pardonner l’ouverture, ou du moins, la souffrir.
Paysan Breton : Mais il y a d’autres candidats au 1er tour. A la limite, autant voter pour le candidat du cœur pour le 1er tour, et nous reporter sur lui pour éliminer l’enragé à teinture.
Carl Moy-Ruifey : Pour ainsi dire, je suis, comme vous, de droite. Je n’estime pas nécessaire de m’affubler d’aucun autre qualificatif, celui-là seul pouvant déjà donner lieu à bien assez de débats. J’honore une tradition intellectuelle, celle de Barrès et Maurras, de Bernanos et de Péguy, de Maistre et de Chateaubriand. Mais la doctrine des deux premiers est faite de réalités, et point de fantasmes délirants. S’il n’y a pas grand-chose à sauver, il n’est pas besoin d’être de la race damnée des politistes pour savoir que dans les présentes circonstances, les dernières chances du Président résident dans un score capable de faire illusion au premier tour. Il ne prendra aucun accord avec Madame Le Pen, qui ne gagnera rien dans la position où elle se trouve.
Paysan Breton : Mais le moindre mal n’est-il pas l’ennemi du bien ? Quitte à changer les choses, ne vaut-il pas mieux que l’UMP éclate et que la droite se recompose ?
Carl Moy-Ruifey : Je crois parfaitement légitime de ne pas souhaiter le retour de SOS-Racisme au pouvoir. La Halde et la LICRA devraient nous avoir suffi pour ne pas souhaiter en rajouter davantage encore. Et on peut bien proposer toutes les chimères électorales que l’on veut. L’appât du gain fait comprendre à tous ces messieurs de l’UMP que leur intérêt est de rester dans leur parti, pas d’en rejoindre un autre. On peut créer d’excellents partis ; encore faut-il qu’ils aient des électeurs. Rien n’est moins assuré, quand on sait le prix des concessions que Madame Le Pen doit consentir pour attirer à elle les classes les plus pauvres. Il y a là des trésors de démagogie qui ne devraient pas nous attirer.
Donc si vous voulez un redressement de la France, rien ne vous sert de voter de façon radicale. Préservez plutôt ce que vous pouvez. Ce redressement, vous l’obtiendrez avec des journalistes et des écoles ayant de bons principes, avec plus d’enfants au catéchisme. Le reste, ce n’est que des chimères.
Paysan Breton : La France forte, dans une Europe à qui nous avons abandonné toute notre souveraineté, ne trouvez-vous pas cela un peu drôle ?
Carl Moy-Ruifey : Je trouve même cela cocasse. La France n’a rien de forte. Dominée par les Allemands, incapable de se réformer. Nous sommes loin d’une Europe dominée par la France.
Mais Sarkozy mord un peu encore. Voter pour quelqu’un d’autre que lui, c’est mettre Hollande à sa place. Imaginez-vous Hollande résister aux canons prussiens sous lesquels des traîtres poussent nos citoyens ?
Paysan Breton : Oui... Mais quand on compare, Sarkozy vaut-il mieux que Hollande ? Avec Bachelot au gouvernement, et la théorie du genre à l’école, je ne sais pas s’il est le meilleur garant des "valeurs chrétiennes". Il a peut-être parlé de racines chrétiennes, mais qu’en a-t-il fait ?
Carl Moy-Ruifey : Il n’y a pas de valeurs chrétiennes : il y a la doctrine catholique. Il y a éventuellement des principes philosophiques, si on veut bien prêter du crédit à un homme comme Philippe Némo, par exemple.
La vérité, c’est que Sarkozy appliquera la doctrine catholique le jour où la France l’observera. Ce n’est pas demain.
En revanche, soyons certains que François Hollande nous conduira dans une sorte d’apocalypse molle, de fin du monde hésitante. Je ne peux rien souhaiter de plus ennuyant.
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