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A mesure que se fait plus évidente l’hostilité du gouvernement envers l’Église, et que les chrétiens, en ces temps de politiquement correct, constituent une portion de la société que chacun se fait profession d’offenser, il convient de rappeler quelques éléments qui nous aideront à ne pas nous enfoncer dans une posture victimaire. Car en définitive, les chrétiens, comme toute la société, sont, du moins pour partie d’entre eux, entrés dans la civilisation de la plainte. Or, s’il est légitime de se défendre des outrages portés à l’Église, dont chaque catholique est membre, il ne faut ni s’en étonner, ni revendiquer la tolérance. N’oublions pas les paroles du vénérable pape Pie XII, qui, dans sa sublime encyclique Mystici Corporis, nous rappelle que notre gloire est d’avoir un roi crucifié :
« Notre intention, en effet, est de parler des richesses cachées dans le sein de cette Église que le Christ s’est acquise par son propre sang, et dont les membres sont fiers d’avoir un Chef couronné d’épines. C’est là un éclatant témoignage que les plus belles gloires, les biens les meilleurs ne naissent que de la douleur, et que, par conséquent, nous devons nous réjouir d’avoir part aux souffrances du Christ, afin qu’au jour de la manifestation de sa gloire, nous soyons aussi dans la joie et dans l’allégresse. Il faut le remarquer tout de suite : de même que le Rédempteur du genre humain fut accablé de calomnies et de tortures par ceux-là mêmes qu’il avait entrepris de sauver, ainsi la société instituée par lui doit en cela aussi ressembler à son divin Fondateur. »
A la vérité, les événements actuels, les destructions d’églises dans nos villages, les railleries dont nous sommes victimes, les agressions, même, procèdent de cette haine du Christ qui habite nos adversaires. Car en s’attaquant à l’Église, ils s’attaquent à Jésus-Christ lui-même (Mt 10, 40). Or, ne l’oublions jamais : Il a vaincu le monde par le Sang de sa Croix. Prions pour qu’à ceux qui se sont fait un devoir de l’outrager, Jésus-Christ se manifeste à la manière du Chemin de Damas : « Je suis Jésus que tu persécutes ». Notre devoir est avant tout de prier pour nos persécuteurs, et pas de les insulter, ou d’être à l’affût de leurs moindres faits et gestes, même si cela nous coûte. Moi-même au premier chef.
La véritable question à poser est la suivante : sommes-nous encore disciples de Jésus-Christ ? Si je me permets cette question, c’est parce que cet article est en premier lieu une exhortation personnelle, un admonition qu’une âme paresseuse et tiède s’adresse à elle-même. Gardons-nous dans le cœur que le fait de devenir chrétien, comme le disait Benoît XVI dans Deus Caritas Est, ce n’est pas une grande idée éthique, mais une rencontre avec Jésus-Christ ? Ces questions se posent avec d’autant plus d’insistance depuis que je côtoie quotidiennement de nombreux séminaristes de diverses partie du monde. L’un d’entre eux me disait voilà quelques semaines que son évêque était en prison depuis plus de dix ans. Je pouvais presque comprendre en l’écoutant qu’il risque la même chose lorsqu’il rentrera au pays. Mais en définitive, il a fait le choix de Jésus-Christ. Pour ma part, petit breton de classe moyenne, si j’ai décidé de suivre Jésus-Christ, je n’ai pas à payer un tribut aussi élevé. Les chrétiens, en France, ne sont pas victimes de persécutions, loin s’en faut. Nous sommes raillés et méprisés, et l’on peut s’émouvoir parfois de la différence de traitement entre de fausses religions et l’Église. Peut-être cela changera-t-il à l’avenir, mais en attendant, grâce à Dieu, il nous est toujours permis d’aller à la messe, de prier le bréviaire, d’aller nous confesser ou de réciter le chapelet. La liberté est même si grande que de nombreux chrétiens se paient le luxe de ne pas le faire. Les exhortations de Jésus-Christ, nous expliquant l’impérieuse nécessité de la pratique, semblent être passées aux oubliettes. Il est là, le nœud du problème. Au lieu de regarder à l’extérieur de l’Église, la véritable persécution vient de l’intérieur. Et il ne faut pas chercher bien loin pour les trouver, ces persécuteurs de l’Église. C’est l’un d’entre eux qui écrit ce papier, et c’est peut-être l’un d’entre eux qui le lit à cet instant. Comment ne pas se souvenir des visions aux sept Églises, dans l’Apocalypse de saint Jean, face au concours de tiédeur auquel nous nous livrons avec, pour le coup, une véritable ardeur :
« Tu n’es ni froid ni chaud, que n’es-tu l’un ou l’autre ! Ainsi, puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche. Tu t’imagines : me voilà riche, je me suis enrichi et je n’ai besoin de rien ; mais tu ne le vois donc pas : c’est toi qui es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! Aussi, suis donc mon conseil : achète chez moi de l’or purifié au feu pour t’enrichir... Allons ! Un peu d’ardeur et repens-toi ! Voici je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi ». (Ap 3, 15 – 21).
Il ne faut pas croire que cette mise en garde ne s’adresse qu’aux autres, ou encore qu’elle ne concerne que le passé. La Parole de Dieu s’adresse ici directement à chacun. La véritable misère des catholiques en France est leur méconnaissance de leur propre foi, de la personne même de Jésus-Christ, de ce que notre foi implique dans la vie quotidienne. L’on a séparé la foi de la morale, alors que l’on ne saurait vivre chrétiennement en remettant en cause sans cesse les commandements de Jésus-Christ. « Qui renvoie sa femme pour en épouser une autre commet l’adultère », par exemple, semble être porté disparu dans nos écrans radars. Et si cela n’était pas tout, Jésus-Christ Lui-même, la Voie, la Vérité et la Vie, qui nous a sauvés du péché par son Sang et qui nous a ouvert la porte du ciel, n’est plus considéré comme Dieu, mais comme un prophète humaniste porteur d’un message politico-social. L’Église n’est plus le Corps mystique de Jésus-Christ, mais une société d’opinions, assez lointaine et archaïque. L’on pourrait redéfinir les dogmes, les soumettre à l’approbation du peuple de Dieu, le tout en oubliant que si nous sommes membres de l’Église, nous ne sommes pas l’Église. L’Église, c’est Jésus-Christ. On n’a jamais vu le foie ou la rate commander à la tête. Alors l’on fait gentiment son marché, refusant de voir que qui suit le Christ doit prendre sa croix, et le suivre. Être chrétien implique d’abord un choix entre sa volonté et celle du Père, entre ses propres conceptions et la Vérité. Ce n’est pas à nous de changer la Foi. Mais nous devons tout faire pour que la Foi nous change nous-mêmes, pour être imitateurs du Fils bien-aimé. Le grand débat sur les jours fériés qui nous a agités récemment pose une question : si un jour ils venaient à être supprimés, combien poseraient des jours de vacances pour pouvoir aller à l’Église ? Est-on vraiment plus au Christ qu’à son emploi, qu’à sa position sociale, qu’à ses amitiés, qu’à ses propres convictions ?
Alors à quoi bon pointer du doigt nos adversaires quand nos cœurs eux-mêmes sont si lointains de Jésus-Christ ? Je rappelle à celui qui s’agace devant son écran que ces questions, je me les pose avant tout à moi-même : pour suivre Jésus-Christ, il faut porter notre Croix. C’est un peu une agonie à Gethsémani que d’apprendre à faire la volonté du Père. Car aussi prompts que nous soyons à dire « que ta volonté soit faite », dès qu’il s’agit de passer à l’action, cela ne se fait pas sans larmes, et bien souvent, cela se transforme en retraite en rase campagne. Par conséquent, le premier axe de la lutte contre la « christianophobie » passe par une réforme de nos propres vies, et d’orienter tous nos choix vers Celui qui a donné Sa vie pour nous, de nous savoir aimés de Dieu et de recevoir son pardon dans le sacrement de pénitence. Si nous bâtissons sur de vains espoirs partisans, ou en nous confiant au monde de quelque manière que ce soit, alors nous participerons avant tout à l’édification de la cité terrestre, c’est à dire du néant. « Cherchez avant tout le royaume de Dieu et sa justice, et tout vous sera donné par surcroît » : Voici notre programme. Ne l’oublions jamais : c’est la constance des martyrs qui a vaincu les persécuteurs.
Cette réforme de notre vie est avant tout nécessaire pour faire preuve de cohérence. Car si l’on dit aimer Dieu sans aimer son frère, nous savons très bien ce que cela signifie : nous sommes des menteurs. Cela vaut pour évangéliser le monde autant que pour suivre en vérité Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ainsi, celui qui ne pratique pas les commandements du Maître bâtit sa maison sur le sable. La continence, entre autres exemples, n’est pas réservée aux autres. Cela veut notamment dire qu’il nous est nécessaire d’aimer nos ennemis et de prier pour ceux qui nous persécutent. Bien sûr, il ne s’agit pas de se tourner les pouces et de laisser faire, sous prétexte que Jésus-Christ s’est abaissé. Mais je me pose bien souvent une question, qui peut être désagréable : ma façon d’agir est-elle conforme à ma vocation de baptisé, c’est-à-dire la sainteté ? Il ne faut ni chercher le martyre, ni rester insensible aux malheurs qui nous accablent, aux injustices qui peuvent être commises. Restent de nombreux moyens d’action : souvenons-nous, par exemple, de l’Apologie de Justin, où le philosophe chrétien, soucieux de convaincre l’empereur Antonin le pieux de légaliser le christianisme, lui adressa une lettre magnifique, en usant de la raison pour convaincre le maître de Rome. Si les persécutions se sont poursuivies, il nous a laissé un superbe témoignage sur la dignité des chrétiens d’alors. Notre arme, c’est la prière. C’est la perfection des vertus évangéliques. Et peu importe si cela semble n’avoir pas d’effet. Notre véritable trésor est à chercher au ciel, pas en ce monde. Aussi, rappeler à chaque instant que le gouvernement est franc-maçon, qu’il ne nous aime pas, que la presse est vendue, que nous allons nous faire envahir par les musulmans, est une perte de temps. Être conscient des dangers du monde ne suppose pas de les marteler sans cesse. Être lucide sur la haine dont nous sommes victimes doit nous inciter à prier pour nos persécuteurs. Préférons la méthode de Justin, qui, s’adressant au persécuteur, lui parlait du Christ. Les chrétiens ont eu raison des persécutions par leur constance, et pas par leurs plaintes.
Qui plus est, cette posture représente un danger pour notre vision même de la Foi. Au fond, revendiquer d’être traités à égalité avec d’autres, cela revient à ranger le christianisme au même rang que toute opinion, qui aurait sa place dans la société. Bien sûr, nul doute que personne n’entend ranger le christianisme au rang de n’importe quelle fausse doctrine, mais dans une société habituée au relativisme, l’appel au respect du pluralisme n’est pas satisfaisant, car il revient à mettre le Christ et Mahomet sur le même plan, ce qui revient à placer la Vérité et l’erreur au même niveau. Le Christ étant la Voie, la Vérité et la Vie, pourquoi réclamer que son enseignement soit traité à égalité avec les fausses doctrines ? Ne vaut-il pas mieux exposer la seule vraie doctrine, celle de l’Église catholique romaine, par nos paroles et par notre vie toute entière, plutôt que de nous évertuer à revendiquer une place dans la société ? Nous utilisons, en définitive, les mêmes armes que nos adversaires. Utiliser le relativisme contre le relativisme ne semble pas être une stratégie d’une grande cohérence au premier coup d’œil. La Vérité, qui nous rend vraiment libres, n’est certes pas acceptée de nos jours, mais elle ne l’était guère plus dans l’antiquité, et pas toujours en des temps plus chrétiens. Le monde a persécuté le Maître, et nul n’est au dessus de Lui.
En définitive, ce monde que nous condamnons, nous y sacrifions sans vergogne. Nous y sommes même empêtrés : matérialistes, enivrés de pathos, relativistes, timorés, mondains... Nous faisons davantage confiance aux hommes qu’à Dieu, en nous imaginant dans la politique une voie de salut. Il n’y a rien à attendre de ce côté-là, rien à attendre des prophètes du néant auxquels s’applique cette parole de l’écriture : « Celui qui est dans les Cieux se moque d’eux » (Ps 2, 3). Quant à nous, notre secours est dans le nom du Seigneur. Réfugions-nous en Lui, et prions le sans cesse de nous donner sa grâce, de convertir nos adversaires. Par les temps qui courent, nous avons besoin d’un nouveau chemin de Damas.
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