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Carl Moy-Ruifey : Artège est une maison récente, mais aussi un beau succès entrepreneurial à l’origine duquel il y a deux personnes. Pouvez-vous vous présenter, ainsi que votre associé, Loïc Mérian ?
Bruno Nougayrède : Loïc Mérian et moi-même avons fait des études d’ingénieur. Loïc Mérian a eu une expérience professionnelle dans ce domaine, ce qui n’est pas mon cas. Loïc a ensuite travaillé pendant longtemps dans une agence de voyages culturels. Pour ma part, ma seule expérience professionnelle avant Artège est un passage de quatre ans au magazine La Nef.
C.M.-R. : Comment avez-vous fait la connaissance de Loïc Mérian ?
B.N. : Loïc et moi-même avons été présidents à dix ans d’intervalle d’un mouvement d’évangélisation qui s’appelait Jeune Chrétienté et qui est devenu Missio. Ce qui nous a rapproché, c’était la volonté de partager certaines valeurs, et de les transmettre par le biais de tracts d’évangélisation que nous diffusions dans les paroisses. Très vite, nous avons souhaité créer une structure professionnelle pour faire évoluer cette activité du soir vers quelque chose de pérenne.
C.M.-R. : Vous êtes donc passés de l’engagement bénévole au domaine de l’entreprise. Comment avez-vous construit ce nouveau projet ? Quelle en est la philosophie ?
B.N. : L’entreprenariat n’est pas la finalité de notre action. Comme chef d’entreprise, je veux transmettre quelque chose, faire vivre des salariés, et également dégager de l’argent pour investir... Nos engagements et nos formations, à Loïc et moi-même, ont nourri notre projet. La finalité, c’est bien transmettre ; l’entreprise n’est qu’un moyen.
C.M.-R. : Qu’est-ce qu’un patron chrétien ?
B.N. : Aujourd’hui, le groupe Artège emploie une petite quarantaine de personnes dont une bonne partie n’est pas chrétienne. Les salariés ne sont pas recrutés sur leur certificat de catéchisme ! Mais quand, par exemple, des auteurs du Rocher s’inquiètent de notre identité catholique, j’essaie de les rassurer en leur expliquant que, pour eux, le principal avantage c’est que j’essaierai de ne pas les voler et de ne pas leur mentir. Je cherche à vivre en catholique au sein de l’entreprise. Rien dans ce que nous faisons, avec Loïc Mérian, ne s’oppose à ce que nous sommes.
C.M.-R. : Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans le secteur de l’édition ?
B.N. : Un livre peut changer la vie d’un homme ! Être éditeur, c’est donner accès à des trésors, à des richesses qui ne sont pas forcément nouvelles. En créant Artège comme maison d’édition religieuse, nous avions conscience que nous ne réinventerions pas l’eau chaude dans nos contenus. En revanche, nous jouons un rôle de médiateur très important. Un livre n’est pas reçu de la même manière par tous les lecteurs. Cela se rattache à mon expérience personnelle et à un rapport singulier au livre. À l’âge de 16 ans, une de mes interrogations était de savoir à partir de quel moment il est possible de se faire une idée sur un livre, de l’appréhender, de prendre du recul sur certaines parties et d’exploiter les autres. Je pense donc que c’est aussi notre rôle d’éditeur de permettre aux gens de se forger une conscience littéraire et spirituelle.
C.M.-R. : Les secteurs de l’édition et de la presse sont en difficulté. L’édition religieuse ne représente plus officiellement qu’environ 1,5 % de l’édition en général. Quelles sont vos perspectives d’avenir pour le groupe Artège ?
B.N. : L’édition religieuse représente plus que les statistiques officielles. Dans ces dernières, on ne compte pas, par exemple, une bande dessinée, même si elle raconte la vie de saint François d’Assise, ou encore un manuel de caté qui est considéré comme un manuel scolaire. Cela dit, je ne me fais pas d’illusions. Tout le monde possède aujourd’hui un smartphone ou une tablette, qui donnent l’illusion à une génération de tout savoir. À cause de ces appareils, le temps de lecture s’est considérablement réduit. En plus de cela, on publie beaucoup d’ouvrages, pas toujours de très bonne qualité. Mon idée c’est de publier le moins de livres possible. Par cette boutade, je veux dire qu’il faut réduire le nombre de nouveautés. Les nouveautés sont le catalogue de demain et c’est un investissement. Il faut qu’elles soient de bonne qualité, mais aussi portées commercialement, mieux accompagnés. La difficulté de notre métier, c’est qu’on est à la fois l’éleveur de chevaux et le maquignon.
C.M.-R. : Pourquoi, dans ce contexte difficile, avez-vous fait le pari de racheter Desclée de Brouwer (DDB) et les éditions du Rocher ?
B.N. : Pour être un éditeur reconnu, il faut un catalogue et pour en établir un, il faut beaucoup de temps. Le catalogue d’une maison d’édition c’est comme un bon whisky, il se bonifie avec le temps. DDB, Le Rocher ou François-Xavier de Guibert ont des catalogues dont on est loin de sonder toute la profondeur. Cela représente environ 25 000 livres pour lesquels une notice a été déposée à la Bibliothèque nationale de France (B.N.F.) depuis la fin du XIXe siècle. Or, il existe aujourd’hui de nouveaux services comme l’impression à la demande. Cela permet de maintenir au catalogue un livre dont on ne vendrait qu’un exemplaire par an. Le numérique permet également de proposer des livres anciens. Enfin, nous voulons travailler pour offrir des livres au format poche, à des prix très réduits. C’est une manière de donner une seconde vie aux livres.
C.M.-R. : Vous avez également investi dans le domaine de la presse. Votre publication la plus connue est Parole et prière dont vous diffusez aujourd’hui 25 000 exemplaires. D’où vient le succès de votre formule ?
B.N. : Parole et prière est un mensuel de prière quotidienne axée sur les textes de la liturgie. Partant de là, on propose un texte pour la prière du matin et celle du soir, quelques éléments pour construire une prière personnelle. Notre particularité est d’irriguer le tout par des textes d’une école de spiritualité, d’un saint ou d’un ordre religieux.
C.M.-R. : Comment avez-vous conçu cette formule et réussi à lui faire une place sur un marché qui propose déjà plusieurs mensuels ?
B.N. : Notre succès vient de cet accent mis sur les textes de spiritualité, guidés en cela par notre expérience personnelle de chrétiens, pour Loïc comme moi-même. Nous ne voulions pas quelque chose de trop centré sur la liturgie des heures, par exemple. Celle-ci n’est pas toujours très accessible, ou peut être un peu répétitive. Et puis surtout, nous voulions redécouvrir et partager l’immense patrimoine des auteurs spirituels des siècles passés qu’il était urgent de dépoussiérer. Chaque mois, on découvre une expérience spirituelle qui permet à chacun de faire son miel.
C.M.-R. : Quels sont vos nouveaux projets ?
B.N. : Dans le domaine de la presse, nous allons bientôt relancer une revue existante, le bimestriel Arts Sacrés. Son intérêt est qu’elle ne s’adresse pas qu’au milieu catholique. À travers cette revue, nous aimerions amener des personnes à redécouvrir leur culture pour s’interroger sur la foi. Pour prendre un exemple concret, il est triste de constater que nos contemporains sont incapables de comprendre ce qu’elles voient en visitant une cathédrale. Nous voulons leur expliquer comment a été conçue une cathédrale, comment s’y déroule le culte et, s’ils le souhaitent, leur suggérer l’idée qu’ils peuvent également y prendre part...
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