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Le séminaire du Bon Pasteur qui a pour lui d’être un jeune séminaire dynamique compte actuellement 35 séminaristes. Pour autant, il a à sa charge de lourds frais que les familles peinent à supporter. Aussi, lançons-nous un appel à la générosité de nos lecteurs, qui, selon leurs moyens, peuvent faire un don défiscalisé de deux manières :
§. - Soit en envoyant un chèque à l’ordre de “ACIBP Séminaire Saint-Vincent-de-Paul”, à l’adresse suivante :
Séminaire Saint-Vincent-de-Paul
20, place Alexandre Rillié
28290 Courtalain
§. - Soit en faisant un virement bancaire : tous les renseignements se trouvant sur le site www.seminairesaintvincent.fr
R&N : Quels sont pour vous les enjeux auxquels seront confrontés les chrétiens dans les prochaines années ?
Abbé Raffray : Il me semble que deux grands ennemis, comme deux bêtes de l’Apocalypse, se présentent face aux chrétiens pour les années à venir, et déterminent ce que seront les grands combats à mener – combats spirituels mais aussi luttes physiques, malheureusement : l’idéologie laïciste, antichrétienne d’une part, et l’islam d’autre part. C’est là une idée développée par le cardinal Robert Sarah, déjà en 2015, lors du Synode sur la famille. Il disait que « notre époque est confrontée à deux menaces inattendues : l’idolâtrie de l’Ouest pour la liberté, et l’intégrisme islamique, autrement dit la laïcité athée contre le fanatisme religieux », ou « pour utiliser un slogan, disait-il encore, nous nous trouvons entre l’idéologie du genre et Daech ».
Derrière ces deux dangers politiques et civilisationnels, c’est tout simplement la question de la foi qui est en jeu : l’homme « post-moderne » est menacé de sombrer dans deux abîmes, celui du rejet de Dieu – par l’idéologie de la liberté et ses dérivés : relativisme, subjectivisme, individualisme – et celui de la défiguration de Dieu – par les fanatismes musulmans, mais aussi par les excès de la science moderne, où l’homme se prend pour le Créateur, en manipulant la vie, la nature, l’humanité.
On pourrait, bien sûr, longuement disserter sur ces thèmes, sur chacun de ces dangers, et même sur leurs points communs : ils sont différents aspects de la révolte de l’homme contre Dieu, de la Révolution, ou différents aspects, finalement, du péché originel. C’est l’histoire de l’homme qui se dresse contre son Créateur, pour se faire Dieu – une sorte d’anti-incarnation, dans laquelle l’homme finit toujours par détruire sa propre humanité.
J’ajouterais, cependant, un enjeu plus urgent et plus immédiat pour les chrétiens de France, et qui se révèle extrêmement urgent : celui de leur crédibilité sociale, de leur capacité à porter le discours de la foi au cœur des préoccupations concrètes de nos contemporains.
R&N : Pourquoi ce discours social est-il donc si essentiel pour l’Église aujourd’hui ?
Abbé Raffray : Cela part d’un constat que tous les catholiques font aujourd’hui : l’Eglise semble s’être rendue elle-même incapable de parler au peuple, aux gens simples, à ceux qui souffrent et qui « ploient sous le fardeau ». Elle a délaissé les paysans et les ouvriers – qui faisaient hier sa force et son nombre, en plus de sa fierté – pour ne plus savoir parler qu’à une certaine bourgeoisie, aux convictions tièdes : il suffit de voir la sociologie des églises en France aujourd’hui. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que les hommes d’Eglise ont trop souvent travesti leur mission, faisant jouer à l’Eglise éternelle du Christ – celle dont la spécialité est la sainteté et le sacré, le Ciel et l’enfer, la Vérité et la Justice – le rôle d’une société de bienfaisance ou, pire, d’un simple lieu d’échanges et de débats, où la tolérance est l’unique valeur. Comme le disait un ami prédicateur : « dans un débat télévisé ou dans un salon privé, celui qui n’a pas d’avis, et qui est toujours d’accord avec tout le monde, c’est le catho ! »
C’est donc le cœur même de notre foi qui est en jeu : que signifie être catholique dans le monde d’aujourd’hui ? Les chrétiens (et leurs pasteurs, en premier lieu) ont cessé de parler du Bien et du Mal, des dix commandements, de la Vérité, du péché et de la grâce, de l’éternité. Les élites chrétiennes se sont compromises en abandonnant les combats où l’on aurait dû les trouver aux avant-postes, quel qu’en soit le prix : contre l’avortement, contre la défiguration de la famille, contre le capitalisme sauvage, aujourd’hui contre la destruction de l’Europe chrétienne, de son identité et de ses peuples.
La conséquence de ces abandons sociaux est que l’Eglise n’est plus vue aujourd’hui comme une force sociale et politique, comme un fer de lance, comme un rocher ou un phare dans la tempête… au mieux, elle est tolérée ; le plus souvent, elle est conspuée, méprisée, tournée en dérision. Un exemple ? Lors de l’élection présidentielle de 2017, quel homme politique portait une parole ouvertement catholique ? Aucun.
L’Eglise s’est laissé enfermer dans les sacristies, et elle s’y est laissé étouffer… Il est temps d’en sortir, par les grandes portes de l’Eglise, en faisant sonner les orgues et résonner les cantiques, et à grand renforts d’encens et de bannières ! Il est temps de retrouver la cohérence de notre foi, la conviction que l’enseignement divin est la seule solution aux crises contemporaines, sociales, politiques, humaines !
Je crois en effet que la doctrine de l’Eglise, celle qui vise la destinée éternelle de l’Homme, a encore toute sa place dans le débat contemporain : les « gilets jaunes » n’expriment-ils pas – d’une façon implicite, sans doute – une certaine soif de Justice et de Vérité, et même de transcendance et d’absolu, en refusant une société qui les réduit au rôle de consommateurs, une société qui déshumanise ?
R&N : Quelle la réponse apportera l’IBP à ces nouvelles problématiques ?
Abbé Raffray : L’Institut du Bon Pasteur ne prétend pas apporter une solution à ces problèmes, rassurez-vous, nous ne sommes pas complètement fous ! C’est un travail de fond, une longue reconstruction de l’Eglise et de la société dont il s’agit, et qui est déjà en cours : une ré-évangelisation, un retour à l’essentiel que chacun doit mener d’abord en lui-même pour pouvoir le transmettre ensuite autour de lui ! Et cette réforme est en premier lieu l’œuvre de la grâce – œuvre pour laquelle, oui, nous voulons servir comme instruments, autant que nous le pouvons et dans la limite de nos faibles capacités…
Comme communauté de prêtres, notre mission est toutefois de prendre à bras-le-corps ces problématiques spirituelles, de les assumer et de chercher à y porter un style de remèdes particulier : celui des trésors de la Tradition catholique. Car c’est en nous attachant solidement à ce qui est notre identité profonde, notre terroir catholique, que nous saurons résister à tous les vents et à toutes les tempêtes. C’est en puisant dans nos racines que nous pourrons encore donner de nouvelles fleurs et des fruits abondants.
Il y a une image médiévale que j’apprécie particulièrement : celle des théologiens médiévaux, dont l’idéal était de n’être que « des nains sur les épaules de géants » (l’expression est attribuée à Bernard de Chartres, un grand maître de l’école du même nom, au 12e siècle). Elle signifie que la force des hommes de foi, à chaque époque, est d’être des continuateurs, de se situer dans un sillage, un sillon, creusé par les générations qui l’ont précédé – à contrepied de l’esprit moderne, qui considère le changement et la nouveauté comme des valeurs en soi. Dans le même sens, je crois que le prêtre contemporain doit avant tout être un continuateur, celui qui poursuit l’œuvre du Christ à l’image de ses prédécesseurs à travers les siècles, celui qui porte Jésus-Christ aux hommes où qu’ils soient géographiquement et socialement, celui qui enseigne la Révélation divine avec la plus grande fidélité et le plus grand soin. Il ne sert à rien d’inventer, d’improviser pour un prêtre – l’échec des « innovations » doctrinales et liturgiques des décennies passées en sont la preuve : c’est l’authenticité de la Vérité qui fait la valeur d’un homme d’Eglise, sa fidélité inlassable et inaltérable à l’enseignement intemporel de la foi ! C’est dans cet esprit que nous voulons participer à la formation des futures générations de prêtres et de missionnaires.
R&N : Comment réalisez-vous cela, de façon concrète ?
Abbé Raffray : Le charisme propre de l’IBP, ce qui constitue l’identité et la mission spéciale de nos prêtres dans l’Eglise, est le charisme de la Tradition sous tous ses aspects : tradition doctrinale, liturgique, spirituelle… c’est cette richesse de l’Eglise que nous voulons particulièrement mettre en avant, défendre et développer. Et nous le faisons, concrètement, sous plusieurs aspects : d’abord par l’usage exclusif du rite tridentin, qui est pour nous la meilleure expression de cette continuité ininterrompue de la foi de l’Eglise, le langage utilisé par les générations passées pour parler à Dieu et lui rendre le culte qui lui convient. C’est une forme de présence palpable de l’éternité et de l’immutabilité divine au milieu les hommes ! A l’heure des réseaux sociaux, où l’information évolue chaque seconde, où il faut « actualiser » sans cesse son « fil d’actualité », la messe Tridentine, avec ses rituels et sa sacralité, est vue par beaucoup comme une oasis de paix, un refuge hors du temps, en Dieu, « celui qui est ».
Ensuite, nous mettons l’accent sur les études universitaires des membres de la communauté : la crise actuelle est une crise de la foi, une crise de l’intelligence. Il est donc fondamental de se plonger dans ses origines et ses causes, si l’on veut en comprendre la portée et pouvoir y apporter des solutions lucides. L’étude patiente et appliquée est ici le seul véritable remède…
Enfin, au point de vue pastoral, nous mettons ce charisme de la Tradition au service des évêques, qui doivent répondre aux attentes de leurs fidèles : par exemple dans nos missions en Amérique Latine et en Afrique, où il y a d’immenses champs d’apostolat ; mais aussi en France, par exemple dans les campagnes, où l’absence de prêtre se fait sentir de façon dramatique. Dans la Beauce et dans le Perche, dans la Brie, ou dans d’autres « déserts sociaux », nos prêtres ont déjà en plusieurs lieux recréé de petites communautés chrétiennes, autour de la messe dominicale. C’est, de façon concrète, une réponse à l’urgence sociale dont je parlais tout à l’heure. Et on peut voir là un signe de la Providence, qui nous montre aussi l’efficacité missionnaire de la tradition catholique : dans des villages où il n’y a quasiment plus aucune pratique religieuse, le prêtre en soutane est un signe d’unité, que les gens apprécient, estiment, écoutent, et autour duquel ils se rassemblent volontiers !
R&N : Comment former un prêtre au XXIe siècle ?
Abbé Raffray : Former des prêtres au XXIe siècle est un véritable défi. La crise sacerdotale que nous traversons avec les scandales actuels, avant d’être une crise morale, est d’abord un enjeu théologique, au sujet de l’identité même du prêtre. Qu’est-ce qui distingue le prêtre du simple baptisé ? Est-ce une compétence ou un talent particulier, une charge ou une mission reçue, ou est-ce vraiment, comme l’enseigne la tradition de l’Eglise, un changement « ontologique » (c’est-à-dire dans l’ordre de son être même), reçu par la grâce divine au moment de l’ordination, et qui conforme le prêtre de façon particulière à Jésus-Christ ? Selon l’idée que l’on se fait du sacerdoce, on formera les prêtres de façons bien différentes, car le prêtre vivra son ministère de façon très différente : si l’on croit vraiment qu’il est un « alter Christus », l’essentiel de sa formation ne sera pas la sociologie, la psychologie ou la communication, mais ce sera l’enseignement immuable de l’Eglise, afin que le séminariste apprenne à se conformer totalement, dans son intelligence et sa volonté, dans ses sentiments et ses affections, dans son attitude même, à Jésus-Christ, qui est le « Souverain prêtre ». Voilà le défi que représente la formation d’un séminariste aujourd’hui ! C’est une œuvre éducative vaste et complexe, dans laquelle il faut sans cesse s’adapter aux nécessités des hommes que nous formons, qui sont des fruits de notre époque, mais dans laquelle nous ne sommes en fait que des instruments : c’est la grâce de Dieu qui opère, qui configure petit à petit au cours des six années de formation, dans la prière et l’étude, l’âme de celui qui veut répondre généreusement à l’appel de Dieu !
Il y a, en particulier, un aspect humain de cette formation auquel nous portons une attention toute spéciale. Dans un monde de plus en plus hostile, il faut en effet que le prêtre évite deux écueils principaux : celui du renfermement et de l’aigreur d’un côté, celui de la séduction mondaine de l’autre. Le prêtre doit être un homme dans le monde, mais non pas un homme du monde ! Pour demeurer un phare qui éclaire, celui vers qui l’on va pour chercher un secours spirituel, le prêtre doit être « à part », tout en restant accessible, bien sûr. La soutane joue ici un rôle fondamental : voilà pourquoi nos séminaristes la portent dès la fin de la première année, afin d’être déjà identifiés, extérieurement et intérieurement, comme séparés du monde. Ce qui est d’ailleurs très étonnant, c’est que l’habit ecclésiastique n’isole pas le prêtre, loin de là ! Au contraire, c’est parce qu’il est immédiatement identifié comme tel que le prêtre aura accès à tous, sans exception sociale ou humaine : je pourrais vous raconter des centaines de rencontres dans des trains, des avions, des bars, ou tout simplement dans la rue, grâce à ma soutane !
En d’autres termes, si le prêtre de demain doit être un homme fortement ancré dans le passé, il doit aussi être ouvert et accueillant, car confiant en la force de sa foi, prêt à tout entendre et tout comprendre, parce qu’il est lui-même heureux de ce qu’il est et de ce qu’il enseigne… le prêtre de demain, en un mot, doit être un « Bon Pasteur », à l’image de Jésus qui va dans les ronces et les obscurités chercher la brebis qui s’est égarée !
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