L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.

Frigide Barjot reçoit le Rouge et le Noir : l’itinéraire d’une « catho branchée »

15 octobre 2011 Jean Herbottin


Crédits photos : Jean du Sartel.

Frigide Barjot est catholique à plein temps. Epouse du Président de Koch, elle s’est faite connaître pour ses performances de chanteuse de rock métaphysique avec les dead pompidou’s et pour ses interventions dans les émissions de Laurent Ruquier, avant de prendre son envol comme « fofolle de Dieu ». Elle nous livre dans confessions d’une catho branchée un témoignage touchant sur son chemin de foi, sur les expériences qui l’ont menée à s’interroger sur Dieu, sur les hommes qui lui ont fait toucher le bonheur de se savoir aimée de Dieu. Elle nous livre son cheminement humblement, au travers d’un ouvrage engagé et engageant. Vous pouvez la retrouver dans toute la France au gré de ses nombreuses conférences et débats, qui sont annoncés sur son site internet : frigidebarjot.com. En plus de ses multiples activités, elle a lancé le chapelet des enfants dans l’église Saint Léon à Paris en 2008. C’est au milieu d’un emploi du temps de ministre qu’elle a accepté de répondre à nos questions, afin de lancer Urbi et Orbi cette gazette qui, nous le souhaitons, portera des fruits en grand nombre.

Entretien :

Mercredi 12 octobre, Frigide Barjot a accepté de recevoir Paysan breton, le redoutable inquisiteur de « le rouge et le noir », armé de roses rouges et noires et d’un dictaphone. Soumise à un entretien sans concessions, elle nous a livré le fond de sa pensée sur des questions issues d’une actualité brûlante.

Paysan breton : Frigide Barjot, Bonjour ! Merci de nous recevoir chez vous pour cet entretien. Il est vrai que vous avez un emploi du temps très chargé, c’est pourquoi le rouge et le noir, nouvelle gazette-en-ligne, vous remercie de tout cœur pour votre témoignage. Si vous le voulez, nous allons commencer cet entretien par parler de celui que vous défendez tant, sa sainteté le pape Benoît XVI. Il a déclaré à Fribourg, le 24 septembre dernier : "si nous n’arrivons pas à un véritable renouvellement de foi, toute réforme structurelle demeurera inefficace", avant de jeter un pavé dans la marre en déclarant : "le préjudice pour l’Eglise ne vient pas de ses adversaires, mais des chrétiens attiédis". Cette remarque acide sonne presque comme celle, toute aussi forte, de Jean-Paul II à la France, lui reprochant d’avoir oublié les "promesses de son baptême". Le Saint-Père fait le constat accablant d’une Europe où l’Eglise catholique est délaissée par son propre peuple. Ce que l’on appelait le "Schisme silencieux" se poursuit, le nombre de prêtres s’écroule, des églises sont transformées en supermarchés, et la morale chrétienne est raillée et marginalisée...

Frigide Barjot : Elle n’est pas marginalisée, elle n’a pas même voix au chapitre.

Paysan breton : Mais donc, de ce fait, les "raisons d’espérer", et les "signes de ce nouveau printemps de la foi" dont vous parlez dans votre ouvrage, ne sont-ils pas des leurres ? La réalité n’est-elle pas plus sombre que cet optimisme que certains pourraient qualifier de naïf ?

Frigide Barjot : On s’en rend compte dans les églises, effectivement, les chrétiens ont une foi plutôt « tiède », et « sociale »… Mais la raison d’espérer qui n’est pas du tout naïve, c’est qu’en souterrain se passe quelque chose qu’on ne soupçonne pas : le travail que fait le Saint Esprit sur les jeunes générations, dont on se rend compte de deux points de vue : le manque de repères des jeunes dans la société actuelle. Je rappelle que les jeunes d’aujourd’hui sont les vieux de demain, c’est donc d’eux dont il faudra s’occuper. C’était la grande intuition de Jean-Paul II, qui a eu bien raison, et je veux dire, la preuve que ça marche, c’est que la jeune complètement déchristianisée que j’étais il y a 25 ans est aujourd’hui la plus persuadée, la plus convaincue qu’il faille faire réémerger le christianisme dans notre société, d’un point de vue sprituel et culturel, ceci pour avoir une influence dans la société… Voilà, ces générations sont en perte de repères et de sens de vie, donc elles vont se retourner vers ce qu’on va leur proposer. Deuxièmement, il y en a déjà plein qui s’en sont rendu compte, notamment sous l’influence de Benoît XVI. Il fait un travail, en liaison avec le bienheureux Jean-Paul II, puisque la force spirituelle vient d’en haut. Il est en train de faire un travail incroyable. Certes, nous sommes attiédis en Europe, mais nous ne le sommes pas dans le reste du monde. La jeunesse de la Foi vient aujourd’hui du reste du monde : d’Afrique, d’Amérique, même des pays asiatiques… On s’arrête à maintenant, mais on est juste en queue de comète du déclin de la spiritualité. On a tué Dieu pendant 50 ans, mais on ne peut pas tuer ce qu’on ne maîtrise pas.

Paysan breton : C’est en quelque sorte ce que disait le président de Koch : « on va dans le mur. Tu viens ? ».

Frigide Barjot : C’est exactement ça. Et on est sûrs d’y aller. C’est un péché d’orgueil absolu, je peux pas dire mieux ! Ils y vont, complètement sûrs d’eux-mêmes ! En même temps, ils constatent tous les jours qu’ils ont raison, nos amis dirigeants, philosophes, penseurs, chercheurs du néant… Ils ont accès à tous les médias et chaînes de télévision pour dire leur grandes vérités multiples, et à côté de ça, on a les journaux qui expliquent que tout se casse la gueule, que les gens sont de plus en plus malheureux, que le taux de suicide explose partout, que les jeunes sont drogués et plombés par le SIDA… le constat est désolant… Enfin d’accord, il y a moins de guerres, vous me direz, enfin bon c’est peut-être qu’on ne s’entretue pas de la même façon, en tout cas, on s’auto-entretue.

Paysan breton : On arrive à la guerre de tous contre tous, finalement ?

Frigide Barjot : Mais de chacun contre chacun ! Enfin de soi-même contre soi-même ! C’est incroyable, on ne se bat plus entre nations, on se bat contre soi-même. Et ça ira plus vite s’il n’y a pas le redressement vital… Je vois là un problème de survie de l’humanité, qui passe par la survie de l’âme. C’est ce qu’on a perdu en premier. Là aussi, ce paradoxe est incroyable, on a tous les moyens scientifiques, techniques et matériels de survie… et on meurt… on meurt de l’âme, et quand on a perdu l’âme, ce qui est le ferment de notre humanité, on n’est plus homme. On n’aura plus ni la raison, ni l’intelligence, ni surtout l’espérance de nous survivre à nous-mêmes… Mais tu parlais d’optimisme… C’est pas un optimisme béat ! C’est une réalité : il y a d’autres signes d’espérance qui ne sont pas catholiques : le retour des juifs aux pratiques, l’essor de l’Islam. Avant de voir je sais pas quoi, le drame de ceci ou de cela, ce que je vois d’abord, c’est que Dieu est revenu, c’est un signe d’espérance. Maintenant, à nous de réagir…

Crédits photos : Jean du Sartel

Paysan breton : Vous expliquez dans votre livre que le Président de Koch estimait intenables certaines positions morales de l’Eglise. Benoît XVI rappelait quant à lui qu’une religion ne devait pas s’adapter aux exigences du monde, si elle ne voulait devenir superflue. En effet, la remise en cause de la doctrine, ou plutôt de la morale sur certains points ne risque-t-elle pas de conduire à une escalade délétère, peut-être même à une fuite en avant vers la permissivité ? Ne faut-il pas plutôt qu’elle insiste sur ces repères moraux qui forment la voie d’une vie "sainte" ?

Frigide Barjot : Je ne peux dire que : Oui ! Oui, certes. Je crois que le Président de Koch n’a pas compris, alors là je ne veux pas en remontrer à mon curé de Koch, mais il n’a pas compris qu’il y a une ligne de sainteté à suivre, qui est le magistère moral de l’Eglise en terme de comportement individuel, d’amour corporel, complètement lié à l’amour affectif et à l’amour spirituel, vers lesquels nous devons tendre. Ce que veut Dieu, c’est notre désir de le rejoindre. Il nous montre le chemin, il nous explique comment faire. Maintenant, effectivement, c’est très très loin de notre humanité, de nos pulsions de vie... C’est toute la complexité de notre dualité de nature : le divin nous pousse vers Dieu, le corporel vers l’animalité. C’est très compliqué ! Dieu propose une voie exigeante, mais ce qui est génial, c’est qu’il nous pardonne quand on n’y arrive pas. Ce qu’il nous demande, c’est de recommencer, de se mettre dans une voie de progression, et pas l’inverse. Mais Basile me dit « la barre est trop haute, on passera toujours dessous », ben pas tout le temps ! C’est pas linéaire dans une vie, mais en tout cas, au final, il vaut mieux être monté que descendu. Si on baisse le code moral, c’est sûr qu’on passera toujours en dessous de la barre. Si on n’est pas attiré vers le haut, on se laisse toujours aller en dessous. Donc je suis d’accord, il ne faut pas baisser la rigueur et l’exigence morale. Ce que j’ai compris dans l’Eglise, grâce au sacrement de confession, qui n’est pas toujours intelligemment utilisé, en tout cas pas assez. Dieu est de toute façon infiniment patient, donc tu iras toute ta vie. Ici-bas, on a à lutter contre nos pesanteurs charnelles, nos démons, le prince de ce monde, et ce qui est extraordinaire, c’est qu’on est pardonnés avec un vrai désir de rejoindre Dieu. Une fois qu’on a dit ça, ben on essaie de faire au mieux. Mais moi on me dit, « tu peux coucher comme tu veux », ben écoute, je fais n’importe quoi, voilà. C’est vrai ! c’est déjà compliqué de rester fidèle dans le mariage, alors si en plus on s’en fout et que l’adultère c’est pas grave, que rompre le sacrement du mariage c’est rien, ben voilà, on ravage l’amour. C’est pas pour rien que ça existe tout ça. Si on est infidèle, on détruit l’amour, et si on détruit l’amour, on détruit les personnes ! Je pense que la ligne de l’Eglise est juste. Elle dit des choses, et elle les explique. Moi, en vrai, je ne connais pas de prêtre fouettard. En confession, je n’ai vu que des hommes extrêmement bienveillants. Ils ne sont pas là pour fouetter le chrétien. L’Eglise est extrêmement miséricordieuse. Il faut voir comment se comportent les prêtres dans les sacrements. Le sacrement de réconciliation est véritablement le cœur de ce qui nous permet de retourner vers Dieu au travers de l’eucharistie, voilà.

Paysan breton : Sans compter que, contrairement à ce qu’on nous raconte éternellement, personne n’est obligé d’être catholique, donc le discours du Pape…

Frigide Barjot : Ne s’applique qu’aux catholiques, évidemment. Maintenant, que ceux qui trouvent des bienfaits en l’entendant se disent « c’est pas si con », eh bien tant mieux, mais au fond, tout ce qui passe comme message médiatique n’aide pas à comprendre pour les non chrétiens. Déjà, les catholiques le comprennent mal, mais les autres, tu imagines. D’où la nécessité de relais laïques ou pas pour défendre la ligne de l’Eglise. C’est là toute ma démarche. Il est clair que se lèvent aujourd’hui des gens qui comprennent qu’ils doivent être les traducteurs de cette exigence de l’amour du Christ et de la faire comprendre à la société qui ne le peut pas d’elle-même.

Paysan breton : Changeons un peu de sujet, si vous voulez bien.
Notre Saint-Père a « tendu la main », aux traditionnalistes de la fraternité Saint Pie X. Dans votre livre, vous nous expliquez que vous aviez compris bien des choses auprès de ce père de Linarès, qui avait fait fuir la moitié de l’assistance le jour de votre mariage. Comment percevez-vous, en tant que « catho branchée », les tentatives de Rome de ramener dans le vaisseau de Pierre ceux que l’on taxe d’intégristes ? L’Eglise ne risque-t-elle pas de subir le même sort que votre messe de mariage, où ce discours plus strict est-il, toujours selon vous, le moyen de ramener les Hommes vers la Foi ?

Frigide Barjot : Ce que je perçois, c’est que Benoît XVI veut mettre fin à un schisme qui est une blessure épouvantable pour l’Eglise et qui l’abîme. Il sait aussi que chez les tradis, la Foi est extrêmement vivace, et qu’on a besoin de ces gens-là pour revivifier celle de nos chrétiens attiédis. Mais c’est vrai que dans la société actuelle, ils sont assez repoussoirs… Ils ont une façon d’annoncer l’Evangile qui est un peu stricte. Il faut trouver un juste milieu qui fasse que nos amis tradis reviennent, comme Saint Pierre ou Saint Martin. Chez Saint Pie X, ils sont un peu braqués sur la liberté religieuse et l’œcuménisme. Je crois qu’ils n’ont pas trop compris qu’on ne peut plus en faire l’économie, bien qu’il faille la redéfinir, comme l’a fait le Saint Père en Allemagne. Je crois qu’il remet les trucs à leur place, et il faut que les tradis entendent ça. Il ne faut pas qu’ils soient les instruments de la division, même s’ils pensent avoir la vérité, j’veux dire… Manifestement, ils sont pas contents du préambule doctrinal, mais bon, qu’ils regardent avec leurs yeux, quand Benoît XVI dit aux protestants qu’on ne peut pas communier ensemble à cause de ces différences…

Paysan breton : Il est même allé plus loin. Il est parti leur dire que les luthériens n’étaient même plus luthériens.

Frigide Barjot : Oui, ils n’ont plus le sens ni du péché, ni du salut, alors à partir de là, ils ont même laissé tomber Luther. Tout ça pour dire que je pense que nos amis tradis doivent faire des efforts, et ils seront satisfaits. Il suffit de voir comment l’abbé Laguérie est content aujourd’hui, un peu comme le fils prodigue qui revient à la maison. Ce qu’il faut, c’est faire comprendre la vérité : quand on dit liberté de religion et nouvelle évangélisation, ça a un sens. On veut être libre, et on évangélise, voilà.

Paysan breton : C’est là une différence avec l’athéisme qui aspire à un monde sans Dieu, quand l’Eglise propose la liberté de croire, sans contrainte.

Frigide Barjot : L’Eglise dit que le Christ est LA vérité, y’en a pas dix, y’en a qu’une, et elle le dit à tous ceux qui veulent l’entendre. Maintenant, clairement, on n’est pas sur un pied d’égalité avec les autres religions. On ne le leur affirme pas de manière péremptoire, on est beaucoup plus doux et respectueux, mais fermes sur le fond. Point.

Paysan breton : Restons sur Benoît XVI. Vous savez que l’association « SNAP » a déposé devant le TPI une plainte contre lui pour avoir « toléré et rendu possible le camouflage systématique de crimes sexuels contre des enfants ». L’accusation est grave et insinue, comme le fait remarquer Tancrède, dans un article magistral, que le Vatican encouragerait presque de tels actes. Nous ne reviendrons pas sur la dimension juridique de cette plainte qui n’a aucune chance d’aboutir. Malgré tout, cette « traque » médiatique, que vous condamnez avec véhémence tout au long de votre ouvrage, atteint un niveau inégalé. Benoît XVI sera semble-t-il la cible jusqu’à la fin de son pontificat. Loin de faire toute « surenchère victimaire », l’Eglise, même en Europe, se retrouve face à des persécutions. Vous qui êtes une « catho militante », ou une « fofolle de Dieu », pensez-vous que l’épiscopat français soit à la hauteur de l’enjeu ? Quant à la « tiédeur » des catholiques, pensez-vous qu’un témoignage tel que le vôtre peut les raviver, à l’heure du relativisme, de l’indignation et d’une forme de terrorisme intellectuel ?

Frigide Barjot : Encore trois questions en une ! (rires).

Paysan breton : Oui, je suis pris de Zemmourite aiguë ! Commençons par la question des évêques français. On a en effet de nombreux exemples d’évêques assez peu convaincants, et dont le silence dans cette affaire peut poser des questions.

Frigide Barjot : Je pense que l’épiscopat français évolue. C’est vrai qu’il est gallican. Je vois aussi les évêques qui bougent. Je vois Monseigneur Lustiger. Bon c’était pas toujours top, mais sur l’évangélisation, il a fait des choses remarquables. Par ailleurs, d’autres évêques bougent, comme Monseigneur Aillet, Monseigneur Rey, Monseigneur Centène. Cela dit, sur la question de pédophilie, on a des évêques qui ont couvert. C’est quand même un vieux truc de l’Eglise : la loi du silence a régné longtemps. Mais ce qui est clair, c’est que l’homme qui lutte contre ça depuis 20 ans, c’est le cardinal Ratzinger, qui était le premier à mettre en garde Jean-Paul II, et qui a mis en place des tas de moyens. Des diocèses ont indemnisé des victimes. Ça veut bien dire qu’il y a des changements, et qu’il s’est passé des choses inadmissibles. Comment accepter d’un prêtre, qui est votre conducteur de conscience, qu’il abuse d’enfants. C’est diabolique ! Benoît XVI est obligé de prendre ce problème à bras le corps, contrairement à Jean-Paul II qui n’avait pas pris la mesure de la situation.

Paysan breton : Peut-être était-il un peu naïf sur ce sujet, d’ailleurs

Frigide Barjot : Oui, tout à fait. Il ne pouvait pas imaginer que ce soit vrai. Benoît XVI s’en occupe remarquablement. Il a mis des coups de vis sur le droit canon, les cas montent à Rome, et pas vers les évêques. Et surtout, il y a tout un discernement qui se fait au séminaire. On laisse pas entrer par défaut.

Paysan breton : Mais sur la question des prêtres, on s’aperçoit que le clergé catholique est peu concerné par rapport à d’autres milieux. Donc, comment expliquer…

Frigide Barjot : On en revient à la volonté médiatique, souvenez-vous la crise de 2010 : tous les prêtres étaient pédophiles. Alors que le cœur du problème, c’est quand même la famille. Partout, il y a des abus. Mais c’est un terrain tellement sensible ! On est arrivés à l’affaire d’Outreau, où des gens ont été mis en prison alors qu’ils n’avaient rien fait ! Enfin bref… On est allé trop loin avec cette accusation de crime contre l’humanité. Ça devient tellement énorme que ça en devient dérisoire. Les mots ont un sens… Et pas ce pape-là, qui prend des mesures pour purifier son église, quoi. D’ailleurs, la première chose qu’il a fait, c’est de sanctifier les prêtres. Evidemment, pour le monde, ça n’a pas de sens, mais pour nous croyants, c’est extrêmement important : il a consacré tous les prêtres du monde à Fatima au cœur immaculé de Marie. Qui en a parlé ? On remet les prêtres au cœur de la Foi, là où ils doivent être. On les confie à la première des saints, qui est humaine comme eux : c’est le modèle vers lequel ils doivent tendre. Et s’ils sont touché par ce cœur, alors évidemment qu’ils auront des grâces, et que le démon de l’abus sexuel sera éloigné. Mais bon, faut pas se leurrer, on est arrivé à une époque où tout est inversé. Je prends un autre exemple : on en est rendus à expliquer qu’un homme est un homme et une femme une femme ! Mais on va où ? Comment on en arrive à ça ? Il faut expliquer l’évidence aujourd’hui. C’est une inversion satanique, point.

Paysan breton : revenons à la dernière partie de cette longue question, sur les effets de votre témoignage…

Frigide Barjot : Ah oui ! Eh bien c’est pas à moi d’en juger. Je ne sais pas comment ça touchera les gens. En tout cas, les conférences se multiplient, et les gens disent « vous nous avez boostés. Comme le livre. Ce coup de fouet vient du fait qu’on arrête la langue de buis. Mais on ne fait rien de plus que dire ce que dit le pape : secouez-vous, entrez en mission, parlez, n’ayez pas peur, ayez le courage. Voilà ! Tout ce que je leur dis, c’est d’être cohérents avec ce qu’ils entendent tous les jours de l’Evangile. Mais je ne fais pas que parler. J’agis aussi, avec le chapelet des enfants dans ma paroisse. Tout ça passe par la prière, c’est tout.

Paysan breton : Mais justement, vous nous dites dans votre livre que vous étiez autrefois une « catho light », avant de passer de Frigide Barjot à Frigide Catho. Pourtant, vos descriptions tendent à dire le contraire : Ils sont peu nombreux les catholiques à participer à des séances d’adoration, où à aller à confesse à l’âge du lycée. Il semble donc que l’immense majorité des catholiques pratiquants soient eux-mêmes des cathos « lights », si l’on suit votre raisonnement. Ne craignez-vous pas de leur faire peur ? Bien que le christianisme ne puisse se vivre à 10%, est-il envisageable que tous le vivent pleinement ?

Frigide Barjot : Eh ben entre 10% et 100%, il y a 50%. C’est au moins une messe par semaine et des sacrements pratiqués. Tous les jours, c’est cette fameuse cohérence, au moins y penser, entre notre Foi et ce qu’on fait. Quand on est brouillés avec quelqu’un, il faut qu’on se réconcilie, c’est tout. Il faut chercher à faire le premier pas. Mais bon, moi j’étais vraiment catho light. La seule chose qui se soit passée, c’était à un moment qu’il fallait se confesser. Mais la plupart du temps, on avait des « cérémonies pénitentielles », personne disait rien, mais on était tous pardonnés après avoir chanté « la table est prête, viens faire la fête », ou des trucs du genre. Mais parfois, il y avait quand même de vraies confessions. Il y avait cet aumônier, le père Bonnard, c’est pas rien. Comme personne voulait y aller, et que moi je me disais, vaut mieux la confession que les cours de maths, j’y allais. Je comprenais pas que je parlais au Christ, mais au moins, je parlais à un homme à qui je pouvais parler de mes détresses, celles d’une enfant de 10 ans avec ses parents qui divorçaient, et le drame absolu que c’était pour moi. Dans ce moment intime, je savais que d’autres ne pouvaient m’entendre à part lui. Après, il ne s’est à peu près rien passé, à ceci près que ma grand-mère nous forçait d’aller à la messe, et qu’ça nous gavait. Mais c’est normal, on racontait pas le substrat même de cette religion. On nous disait qu’il fallait s’occuper des pauvres, mais ça nous gavait. On vivat dans un monde archi bourgeois qui pensait qu’au pognon, et on disait « faut s’occuper des pauvres ». Ah bon ? ah oui, et pourquoi ? Et au final, personne nous emmenait le faire. Quelqu’un nous y aurait conduit, j’aurais compris, mais ma mère gueulait contre les mendiants, alors ça aidait pas. Voilà, et donc après, il fallait que ça devienne cohérent. Bref… Je vois qu’on part de l’attiédi pour arriver au réchauffé ! L’entretien est vraiment bien fait.

Paysan breton : Nous allons donc clôturer avec cette dernière question, pour qu’il soit réussi jusqu’au bout ! Vous fustigez à de nombreuses reprises l’enseignement catholique tel qu’il est dispensé aujourd’hui. Le constat que vous dressez est le même que nombre de parents, de professeurs, de catéchistes, et d’enfants en quête de Dieu. L’enseignement catholique, devenu plus laïc que l’enseignement public à bien des égards, semble voué à se fondre définitivement dans l’école républicaine. Mitterrand a fini par gagner, visiblement. L’Eglise qui enseigne par le biais de ses écoles, est-ce terminé ? L’Ecole de l’Eglise doit-elle s’affranchir, au risque de disparaître par manque de moyens ?

Frigide Barjot : Ben écoute, je pense que le contrat, c’est pas possible, sinon on vous impose un enseignement anticatholique, et ça devient dramatique, sur l’Histoire, par exemple. On n’apprend plus Clovis et Bouvines, mais l’émergence des royaumes africains… C’est une volonté de couper les humains de leur culture.

Paysan breton : On chercherait à former davantage des consommateurs que des citoyens, et l’école catholique a pour mission encore plus que ça : former des chrétiens, finalement…

Frigide Barjot : Elle a la mission de créer des êtres humains pleins ! Le consommateur n’est que la sous-sous-sous-catégorie de l’être humain, qui ne réfléchit pas. La conso, c’est un acte d’impulsion. Il y a un travail incroyable à faire. Autant la foi revient, autant le boulot de destruction est incroyablement avancé, sous vingt ans de gouvernement de droite. Bachelot et Châtel sont à droite, voilà. Ils sont champions de la destruction, et ils la justifient, c’est ça le pire. A l’ère du relativisme, tout est à égalité, rien ne peut être verticalisé : tout est à égalité, alors que c’est faux. Mais pour revenir sur l’enseignement, c’est faisable. Si les catholiques, qui sont quand même riches, veulent bien se mettre au boulot, mettre leur argent là où il faut, ça ira. Ces industriels qui se disent catholiques doivent prendre des fonds pour les attribuer à leur catholicisme. Faut savoir ce qu’on veut dans la vie, aussi. Moi, mes enfants sont dans le public, c’est tout, et à côté, ils vont au catéchisme. C’est aussi aux familles de s’organiser. Quand on veut, on peut. A Dieu, rien d’impossible. Mais quand on lit le communiqué des évêques, c’est pas mou du tout. Ils disent qu’on n’a pas accès aux médias. Mais c’est ce que je dis. Ils le reconnaissent enfin. Maintenant, j’appelle les catholiques à réfléchir à leur vote. On a un vrai problème pour les élections. On n’a aucun candidat. Christine Boutin est la voiture balai de Sarkozy, alors qu’on doit faire comme Montebourg, dans sa façon de faire reprendre ses idées. J’attends de voir ceux qui reprendront les miennes.

Paysan breton : en somme, faire comme Nicolas Hulot en 2007 : faire un « pacte catholique » à faire signer aux candidats ?

Frigide Barjot : Evidemment ! Et s’organiser pour que ça ait un vrai poids. Reste à trouver… Mais bon, pas un catholique ne doit mettre une voix si on sabote la famille. Au deuxième tour, il faut prévoir une sanction visible, et de voter au deuxième tour « Jésus 2012 », et de le faire savoir. Il faut que l’Esprit nous donne des idées.

Paysan breton : Eh bien sur ce dernier mot, je vous remercie, Frigide Barjot, d’avoir accueilli le rouge et le noir. Vous êtes donc la première à répondre à nos questions…

Frigide Barjot : Mais c’est marrant avec votre blog qui a une apparence un peu « old fashioned », d’aller chercher la catho branchée qui passe ses nuits dans les boites de nuit.

Paysan breton : Eh bien vous nous donnerez cette petite touche de « folie ». Mais il est important de montrer qu’il existe des catholiques engagés, qui ne répondent pas au cliché de la vieille bigote au fond de son église ! C’est finalement montrer l’Eglise dans ce qu’elle a de plus beau : son unité, et ses mille tendances qui la composent ! Donc, je vous remercie pour tout. On remercie l’île de Groix, où j’ai eu la chance de rencontrer monsieur votre époux, qui a joué les entremetteurs !

Frigide Barjot : Oui, absolument. Et comme on dit, qui voit Groix voit sa Foi ! Merci beaucoup !

Si le chemin de conversion de Frigide Barjot vous intéresse, le rouge et le noir vous conseille Confessions d’une catho branchée, édité chez Plon.

Crédits photos : Jean du Sartel.

15 octobre 2011 Jean Herbottin

Prolongez la discussion

Le R&N a besoin de vous !
ContribuerFaire un don

Le R&N

Le Rouge & le Noir est un site internet d’information, de réflexion et d’analyse. Son identité est fondamentalement catholique. Il n’est point la voix officielle de l’Église, ni même un représentant de l’Église ou de son clergé. Les auteurs n’engagent que leur propre conscience. En revanche, cette gazette-en-ligne se veut dans l’Église. Son universalité ne se dément point car elle admet en son sein les diverses « tendances » qui sont en communion avec l’évêque de Rome : depuis les modérés de La Croix jusqu’aux traditionalistes intransigeants.

© 2011-2025 Le Rouge & le Noir v. 3.0, tous droits réservés.
Plan du siteContactRSS 2.0