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R&N : Gabrielle Cluzel, le titre de votre dernier ouvrage est Adieu Simone !. Allusion évidente à Simone de Beauvoir, compagne de Sartre et icône du constructivisme ("On ne naît pas femme..."). Comment définir ce féminisme "beauvoirien" ?
Gabrielle Cluzel : Ce féminisme beauvoirien est avant tout un féminisme « bovarien », né dans les phantasmes d’une « jeune -fille rangée » mais surtout désœuvrée, comme pouvaient l’être les jeunes-filles de la bourgeoisie de l’époque. Comme, l’héroïne de Flaubert, insatisfaite de sa vie sans doute étriquée - sur le plan intellectuel -, Simone se rêvait autre que ce qu’elle était. « On ne naît pas femme, on le devient ». Donc on peut aussi ne pas le devenir si on en a le désir et la volonté.
Et le féminisme beauvoirien a gardé cette double marque, du rêve et du confort bourgeois. C’est une utopie dont on ne peut s’offrir le luxe qu’en temps de paix et de prospérité matérielle, c’est à dire peu ou prou la situation de notre pays depuis l’après-guerre. Nous rentrons dans une période plus troublée, et l’on voit que ce féminisme constructiviste n’y résiste pas.
R&N : Vous insistez, dans votre ouvrage, sur le fait que la libération de la femme, depuis les années 60, fut en fait une libération "forcée". Par qui et pourquoi ?
Gabrielle Cluzel : Oui, il y a la servitude volontaire de La Boétie et, son corollaire, la libération forcée des féministes. Et cette libération forcée est évidemment la forme la plus achevée de misogynie. Les femmes ne savent pas elle-même ce qui est bon pour elles, il faut donc les mettre sous tutelle, les laisser sous la férule d’un gouvernement qui règlemente minutieusement leur vie, jusqu’à l’intimité de leur chambre à coucher, par la pilule et l’IVG. Lorsqu’il incite les lycéennes mineures, à user et abuser de la pilule du lendemain, en dehors de tout contrôle de la famille, le gouvernement s’assoit sur le bord du lit de celles-ci en jouant des coudes avec les parents : poussez-vous de là que je m’y mette.
L’histoire nous a appris à nous méfier des États qui veulent faire notre bien malgré nous, qui savent mieux que les parents ce qui est bon pour leur progéniture, jusqu’à leur confisquer l’autorité. C’est l’une des marques de la tyrannie. Le féminisme en est une, feutrée et faussement empathique. Je vous renvoie à la lecture de l’excellente uchronie de Bernard Quiriny, Les assoiffées.
R&N : L’un des exemples les plus dramatiques de cette "libération" en est, selon vous, la libération sexuelle (le tout, tout de suite, avec n’importe qui) et son corollaire : le couple contraception-avortement. Pourquoi est-ce un échec ? Comment l’expliquer à nos contemporains persuadés qu’il s’agit de "conquêtes acquises de haute lutte" ?
Gabrielle Cluzel : Je suis intimement persuadée que les femmes, les jeunes-filles, sentent confusément ce fiasco, même si elles n’ont pas toujours les mots pour le dire. Je voudrais que ce livre les leur donne. J’essaie de montrer de façon simple les contradictions féministes. En me plaçant simplement du point de vue de l’intérêt de la femme. La dérégulation des rapports homme-femme, la fin de la « cour », la crudité et la vulgarité des échanges verbaux - sous couvert « d’humour » -, l’écrasement des étapes intermédiaires avant l’acte sexuel, jusqu’à créer des malentendus quant au consentement (il paraît que dans la police, on appelle cela des « miols », des demi-viols), la fin de cette illusion enivrante et flatteuse pour la femme d’être une citadelle à conquérir, n’a servi que la cause des hommes, qui ne se voient plus « forcés » de perdre leur temps en préliminaires fastidieux. La citadelle est désormais un rez-de-chaussée HLM facilement squatté… donc qui n’a plus beaucoup de prix.
Par ses déclarations ingénues au moment de « l’affaire Baupin, Jacques Séguéla a mis les pieds dans le plat : « Les verts sont nés de l’amour libre. (…) Il y a un discours un peu hippie écervelé qui a prêté à ça » a-t-il déclaré, en guise de circonstances atténuantes pour le député vert. Il a mille fois raison. Les féministes se drapent dans leur vertu outragée, poussent des cris d’orfraie et veulent diligenter des enquêtes pour trouver le responsable… mais on le connaît déjà : c’est notre société libertaire, née bien sûr de mai 68.
Et je ne parle pas, bien sûr, de l’irresponsabilité masculine induite par les moyens de contraception et l’IVG. Puisque la femme a tous les outils pour ne pas être enceinte, si par malheur, une grossesse s’annonce, elle n’a qu’à s’en prendre à elle-même.
La femme « traite » donc sa fécondité comme une affection au long cours - le diabète ou l’asthme - avec les risques inhérents pour sa santé, risques physiques, physiologiques et - dans le cas de l’avortement - psychologiques. Les conquêtes dont vous parlez sont des débâcles. La fécondité faisait du corps de la femme un temple sacré, où naissait et grandissait la vie - cette puissance symbolique, (assez bien résumée dans une chanson de Renaud : « J’aurai beau être pédé comme un phoque, je ne serai jamais en cloque »), venait contrebalancer la puissance physique de l’homme.
Ce temple est devenu un sanatorium.
R&N : Vous pointez, à juste titre, la stigmatisation d’un "sexisme bienveillant" (comprendre : la galanterie). Comment se manifeste cette stigmatisation ? Quel est l’enjeu idéologique de la chasse à la galanterie ?
Gabrielle Cluzel : La galanterie est la fine pointe de la civilisation. la loi du plus fort qui rend les armes, l’hommage rendu par la supériorité physique (virile) à la supériorité symbolique (de celle qui donne la vie). Ce concept de « sexisme bienveillant » est sans doute l’un des plus gros gags du féminisme. Il fallait un sacré culot pour arriver à faire gober aux femmes que ne plus passer les pas de porte avant les hommes, ni entrer dans la première chaloupe lors d’un naufrage - « les femmes et les enfants d’abord » étant la phrase-type citée en exemple par les féministes pour illustrer la notion sexisme bienveillant - était une avancée pour la condition de la femme.
Si l’on va par là, du reste, les quotas « diversité » imaginés par les socialistes, comme à Sciences-Po, sont une forme de « racisme bienveillant ». Ils reviennent à s’effacer devant la porte pour laisser passer les populations issues des banlieues, à les mettre dans les premières chaloupes vers la réussite scolaire, pour échapper au naufrage de l’Éducation nationale.
L’enjeu idéologique est évident : il s’agit de brouiller les identités. Comme on le fait dans tous les domaines. Les hommes n’ont plus l’apanage de la virilité, et de son corollaire la force physique, les femmes ne sont plus dépositaires de la féminité, et de son corollaire, la maternité, force symbolique.
R&N : Paradoxalement, notre "société ouverte " est bien permissive quant à l’établissement d’un Islam militant qui, lui, n’a que faire des libertés de la femme...
Gabrielle Cluzel : Les féministes sont complètement paralysées devant l’islam, et pour deux raisons évidentes : la première, conjoncturelle, est qu’elles ont toujours été les soubrettes empressées de la gauche, aux petits soins, virevoltantes, prêtes à prévenir ses désirs. Et évidemment fâcher ce prolétariat exotique, ce nouvel électorat, serait une gaffe irréparable. Donc elles s’écrasent.
La deuxième raison est structurelle : Comme l’écrit l’historienne Anne-Marie Pelletier, dans son livre Le christianisme et les femmes, vingt siècles d’histoire : « Ce n’est pas un hasard si ce sont des sociétés dont l’héritage est chrétien, qui ont vu naître au siècle dernier, les premières requêtes du féminisme ».
Le féminisme est né et a prospéré sur un terreau chrétien. « Il n’y a plus ni grec, ni juif, ni esclave, ni libre, ni homme, ni femme ». Il n’y a plus que des des âmes toutes égales aux yeux de Dieu, disait Saint-Paul. C’est le christianisme qui a instauré le mariage monogame avec consentement mutuel, à un âge plus avancé, permettant ainsi d’ instruire les filles. Le féminisme a prétendu faire le procès de l’Église, et ce faisant il s’est bâti contre elle, s’adossant à elle, prenant appui sur ses valeurs, comme l’a fait la laïcité (« il faut rendre à César ce qui est à César »). Ce qui le rend inopérant face à l’islam. Il n’a pas le même logiciel, les mêmes postulats de base. Ne parle pas la même langue.
R&N : Prise en étau entre, d’une part, des rombières féministes et autres chiennes de garde libertaires, et d’autre part les ayatollah du voile et censeurs de féminité, l’air doit être irrespirable pour les femmes françaises. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes françaises - nos lectrices, par exemple ! - afin de renouer avec une féminité authentique, belle et sereine ?
Gabrielle Cluzel : Celui d’assumer leur identité avec assurance et fierté, dans toutes ses acceptions. Et pour cela, d’envoyer valdinguer toutes les burqas qu’on veut leur faire enfiler de force pour masquer leurs attributs : burqa physique de l’islam, bien sûr, mais aussi burqa chimique de la contraception qui vient éteindre leur fécondité, burqa psychologique du « genre » qui vient nier leur féminité… et la liste est longue !
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