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Jean-Frédéric Poisson : « C’est le berceau de notre civilisation qui est menacé »

Jean-Frédéric Poisson est député des Yvelines et président du Parti chrétien-démocrate (PCD). Docteur en philosophie, il publie ce mois-ci aux Editions universitaires un ouvrage consacré à la fin de vie et aux soins palliatifs, intitulé Personne ne doit mourir seul. Il a bien voulu répondre aux questions du Rouge & le Noir.

R&N : En quoi la loi Macron est-elle un facteur de déracinement et de dissolution des liens naturels de solidarité ?

Jean-Frédéric Poisson : Cette loi, loin de s’attaquer aux réformes de structure nécessaires au déblocage du pays, réforme des secteurs qui donnent satisfaction et participent à la structuration de notre société.
Ainsi, avec la réforme des professions réglementées du droit, le gouvernement fait entrer dans une logique de marché de services que la tradition française a préféré réglementer parce qu’elles remplissent une mission de service public. Demain, un acte notarié ou un exploit d’huissier, et après-demain sans doute les médicaments, deviendront des marchandises comme les autres…
Ce prisme économique et concurrentiel appliqué aux professions juridiques réglementées nuira à la qualité des services juridiques rendus aux Français. Il nuira aussi à l’équilibre des territoires auquel ces professions participaient jusque-là : l’implantation des professions du droit connaîtra sans aucun doute un phénomène de concentration tant capitalistique que géographique.
Ensuite, la libéralisation du travail dominical se fera au détriment des commerces de centre-ville, pourtant fortement créateurs d’emplois et sources de lien social, et bien sûr des salariés concernés et de leurs familles. Quelle est la vraie liberté, dans une période de chômage de masse, pour un salarié de refuser de travailler le dimanche ?
En définitive, cette loi donne à la consommation et à la « mobilité » une dimension supérieure à la préservation de la vie familiale, personnelle, associative ou spirituelle et privilégie la logique capitaliste et marchande à des domaines qui en étaient, jusque-là préservés.

R&N : On ne parle plus beaucoup de la GPA. Où en est-on ? Faut-il s’attendre à une nouvelle offensive de la part du gouvernement PS, voire de l’Union européenne ?

Jean-Frédéric Poisson : Début octobre dernier, le Premier ministre Manuel Valls a déclaré dans un entretien au journal La Croix que la France comptait promouvoir une initiative internationale qui pourrait aboutir, par exemple, à ce que les pays qui autorisent la GPA n’accordent pas le bénéfice de ce mode de procréation aux ressortissants des pays qui l’interdisent. On attend toujours…
En matière de maintien d’interdiction de la GPA, comme sur tous les sujets de « libéralisme » sociétal, il faut rester vigilant, car le gouvernement privilégie la méthode des petits pas… On l’a vu avec le « mariage pour tous ». On le voit aujourd’hui avec la proposition de loi sur le droit des malades en fin de vie, actuellement débattue au Parlement, qui entrouvre la porte à l’euthanasie, et qui n’exclut pas, aux dires de la ministre de la Santé, qu’une prochaine loi aille plus loin par la suite [NDLR : La proposition de Loi Klaeys-Leonetti, ouvrant une "sédation profonde et continue" a été adoptée en première lecture à l’Assemblée, par 436 voix contre 34.]. Pour Manuel Valls lui-même, il s’agit d’une « première étape ».

R&N : A propos du Traité transatlantique, vous expliquiez qu’un référendum était nécessaire sur ce texte, et regrettiez que "le Parlement national ne soit pas saisi régulièrement de cette question". Comment expliquer l’opacité des négociations ? Quelle est votre marge de manoeuvre ? Quelle est, brièvement, votre position quant au "grand marché transatlantique" ?

Jean-Frédéric Poisson : Ce que l’on sait aujourd’hui de ce traité, provient uniquement de fuites, puisqu’il se négocie en secret. Mais son projet est facile à résumer : la « libéralisation » totale des échanges commerciaux entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Et ce, par le biais de la suppression totale des droits de douane sur les produits industriels et agricoles, ce qui sera préjudiciable à l’Union européenne puisqu’elle connaît aujourd’hui des droits de douane plus élevés. Mais surtout par l’élimination programmée des barrières non tarifaires qui obligera à une convergence, vers le bas, des normes sociales, salariales, environnementales et sanitaires. Enfin, la mise en place mise en place d’un mécanisme d’« arbitrage des différends » entre Etats et investisseurs privés renforcera les multinationales au détriment de la souveraineté des Etats.
Or sur un sujet aussi fondamental, les Français, tout comme l’ensemble de citoyens européens n’ont pas été consultés, ni même informés. Les députés ne sont pas associés à l’écriture de ce traité.
Tout se passe comme si l’on voulait maintenir les peuples dans l’ignorance de ce qui va engager leur avenir. Sans doute, parce que cette logique de déréglementation généralisée ne sert pas les intérêts des peuples européens.

R&N : On a récemment vu surgir l’UDMF (Union des démocrates musulmans de France). Certains justifient cette entreprise par l’existence d’un parti chrétien démocrate en France. Que leur répondez-vous ?

Jean-Frédéric Poisson : Je crois que les deux initiatives de l’UDMF et du PCD ne se situent pas dans le même ordre des choses. En effet, le projet politique du PCD est universel, il est porteur d’une anthropologie sociale et politique, à aucun moment il n’est confessionnel.
L’Islam, par définition, ne distingue pas les sphères spirituelles et politiques.
Par ailleurs, nous ne pourrons résoudre la question de l’Islam qu’en affirmant clairement, sans vergogne ni violence notre identité. La France est un pays de civilisation chrétienne et a vocation à le rester. Les élus locaux, les associations, les syndicats, ainsi que tous ceux qui contribuent à l’organisation publique de notre société doivent avoir ce souci.

R&N : Vous prenez régulièrement la parole en faveur des Chrétiens d’Orient. Au-delà du témoignage, que peuvent faire les quelques hommes politiques français pour aider nos frères d’Orient ?

Jean-Frédéric Poisson : La situation des chrétiens d’Orient me bouleverse. C’est le berceau de notre civilisation qui est attaqué.
Le PCD depuis l’année 2013 organise régulièrement des rassemblements, des manifestations, des diners de charité et publions des tribunes sur le sujet. C’est notre manière de sensibiliser l’opinion.
Pour ma part, je me suis rendu sur place à plusieurs reprises ces dernières années, j’y ai vu la progression de la violence, l’exode.
Je regarde avec une vigilance particulière la situation au Liban. Les groupes d’amitié parlementaires peuvent contribuer aussi à nouer des liens sur place afin de faciliter la diplomatie, l’aide humanitaire ou des rencontres avec les responsables publiques.
Le silence fréquent de nos élites démontre l’absence de perspectives, de sens dans nos responsabilités. Je crains que notre silence envers nos frères d’Orient démontre notre incapacité à anticiper une situation qui pourrait, sous des formes différentes, un jour concerner les chrétiens de France.

R&N : Evoquons l’actualité du PCD et les élections départementales : nombres de candidats, programmes, nombre de sièges visés, liens avec l’UMP ?

Jean-Frédéric Poisson : Le PCD se porte bien. Merci ! Nous avons des candidats dans différents départements (Yvelines, Finistère, Loiret, Loire Atlantique, Ille et Vilaine, Meurthe et Moselle…) parfois indépendants, parfois investis par l’ensemble des partis de droite. Là est toute notre liberté.
Les liens avec l’UMP sont ceux de deux partis alliés. Je le rappelle avec force, nos structures sont indépendantes, nos projets politiques autonomes et nos budgets aussi.
Dans le système institutionnel qui est le nôtre, des petits partis de convictions comme le PCD sont appelés à s’allier afin d’accéder aux responsabilités.
C’est toute la différence avec les partis de masse (UMP/PS/FN) qui pour accéder aux responsabilités seuls sont obligés de bâtir des programmes de consensus. Ces trois partis connaissent des bagarres internes, des querelles d’influence entre courants. La clarté de nos convictions et de notre projet nous mettent à l’abri de ce genre de difficultés.

R&N : Pouvez-vous revenir sur la polémique lancée par des élus EELV à la mairie de Rambouillet (concernant des oeuvres d’art à caractère religieux, qui se trouvent dans le hall de mairie de Rambouillet, édifice public), ville dont vous avez été maire ?

Jean-Frédéric Poisson : Nous sommes là devant le totalitarisme d’une frange de la gauche. A l’image de quelques parlementaires ou ministres ces élus possèdent un programme clair, connu et assumé : éradiquer toute trace de chrétienté à notre pays. Cette conception laïcarde de la vie publique n’est pas conforme ni à nos institutions, ni à notre histoire, ni aux exigences de la paix sociale.
Nous devons veiller à ce que les « valeurs de la république » demeurent un socle de valeurs communes afin de construire l’avenir de la France, en respectant notre histoire, et ce qui fait le visage de notre pays. A défaut, les « valeurs de la république » peuvent vite devenir une idéologie de la libre pensée et de l’athéisme. La polémique sur les créches en décembre 2014 est un exemple.
Président du PCD, je n’abandonnerai jamais ce combat qui est à la source de mon engagement.

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