L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
R&N : : Pourquoi êtes-vous venu à cette manifestation ?
Pierre : À titre personnel, je dirais que c’est l’affaire de Viry-Châtillon qui m’a fait réagir. Cet événement se rajoute à bien d’autres : je pense également à ce couple de policiers égorgé dans les Yvelines en juin dernier. Il s’agit d’un phénomène de cumul, auquel nous assistons impuissants. Par ailleurs, nous allons de décisions aberrantes en propos scandaleux, Bernard Cazeneuve osant dernièrement qualifier de « sauvageons » ceux qui prennent, peu ou prou, le chemin des assassins.
Il y a plusieurs dizaines d’années que nous sommes au service d’un État dont les élites se servent, malhonnêtes et incompétentes, dans un esprit de trahison. Cela suffit.
R&N : : Dans le cadre de ce bras de fer avec le pouvoir, que pensez-vous des syndicats policiers ?
Pierre : J’estime qu’on ne peut plus faire confiance aux syndicats. Ils sont entrés dans un régime de concurrence qui ne sert pas la profession. Par ailleurs, ils s’occupent d’intérêts personnels. On fait aisément carrière dans ces syndicats : ceux qui s’y rattachent avancent dans les grades et jouissent de mutations avant les autres et ce, dès les petits niveaux. De plus, leur nombre, bien supérieur à celui des syndicats d’officiers et de commissaires, ne sert que notre division en regard de la réponse forte que nous devrions produire face au gouvernement.
Certains collègues cherchent, en tant que délégués syndicaux, à faire avancer les choses en bas de la pyramide. C’est sans compter la profusion d’engrenages qui les dépassent et qui dépassent la police de façon générale. Notre direction est bien trop liée au pouvoir politique et, à ce titre, on fait bien trop souvent de nous une police politique.
R&N : Comment estimez-vous la réponse du gouvernement ?
Pierre : Je considère que les politiciens méprisent les petites gens. En ce moment, leur calcul est d’autant plus nocif qu’ils jouent la carte du contre-la-montre en vue de l’élection présidentielle à venir. Ce sentiment est partagé par l’ensemble de mes collègues.
Nous aimerions cependant faire entendre notre voix et obtenir une place à la table des négociations. En réalité, nous n’avons même pas la possibilité d’avoir des échos fidèles des réunions et des tractations ministérielles qui concernent le sort de notre profession. Il y a, dans notre pays, un manque terrible de transparence.
R&N : Quelles sont vos conditions de travail ?
Pierre : Exécrables… Nos locaux sont obsolètes et insalubres. L’hygiène est déplorable : nous travaillons au milieu d’odeurs que nous ne devrions pas sentir. La fonctionnalité des bâtiments prête à rire – ou plutôt à pleurer – et nous continuons d’entasser nos affaires dans des casiers minuscules.
L’informatique est digne de l’Âge de pierre et nous nous retrouvons fréquemment, en pleine procédure, avec des logiciels bloqués, l’imprimante et le fax en panne. Les choix qui sont à la base de ces dysfonctionnements sont, sans aucune doute, mauvais. Nous nous rendons compte qu’ils servent une logique commerciale, incompatible avec notre métier, toujours en défaveur de notre efficacité et au désavantage du service public que nous sommes censés rendre à la société.
D’un autre côté, nous sommes dotés d’un équipement ridicule qui nous ôte toute possibilité de crédibilité. La dernière trouvaille fut la casquette d’hiver dotée de cache-oreilles dont la forme est véritablement surréaliste. Comment rester légitime auprès de nos concitoyens et demeurer crédibles auprès des justiciables lorsqu’on a l’allure de Dingo ?
Enfin, nous sommes logés dans des conditions dramatiques, à des distances impossibles de nos lieux de travail avec d’immenses difficultés pour nous véhiculer : c’est ainsi que nous nous usons à trouver des stratégies pour aller chercher nos enfants à l’école. De même, lorsque nous terminons notre service en pleine nuit après plusieurs heures supplémentaires, il n’y a plus de transport en commun et aucune voiture à notre disposition pour rentrer chez nous – parfois loin en banlieue. Je connais des collègues qui dorment régulièrement « sur place », comme ils peuvent… C’est intolérable.
R&N : Quelles seraient, selon vous, les mesures prioritaires à prendre pour que la police remplisse son rôle ?
Pierre : D’une part, il faut qu’on nous donne les moyens nécessaires. Notre armement n’est pas à la hauteur : par exemple, nos pistolets mitrailleurs sont bien trop vieux et devraient être remplacés ; nous manquons d’armes non létales comme le flashball et le Taser. De cette façon, la vie des policiers est constamment mise en danger.
D’autre part, nous devons absolument quitter le terrain de la politique pour retourner au service de nos concitoyens. Notre hiérarchie songe à ses affaires et à sa carrière ; de notre côté, nous ne devons surtout pas marquer les zones d’intervention de notre présence car, selon notre hiérarchie, se montrer c’est provoquer ! Dernièrement, dans le cadre des manifestations contre la Loi Travail, nous avons eu ordre de ne pas « faire de vague », peu importe le prix : jets de pierre, policiers enflammés par des cocktails Molotov… Aucune réponse sécuritaire autorisée.
Nous ne pouvons plus endurer ce genre de situations, ni subir le diktat d’une élite indifférente à nos conditions de travail et désintéressée de l’urgence sécuritaire de notre pays : il convient, désormais, d’opérer un renouvellement profond.
* Le prénom a été changé.
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