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R&N : Comment vous est venue l’idée de ce guide ?
Philippe Bornet : J’écris surtout des romans historiques. C’est ce qui me passionne. Et puis j’ai voulu reprendre l’idée de Lorànt Deutsch (NDLR : auteur du Métronome, éd. Michel Lafon) et faire un guide touristique. Non pas sur les églises parisiennes, mais sur les saints de Paris. J’ai souhaité les rendre accessibles à l’homme moderne. D’où l’idée de le calquer sur le plan du métro. Il y a un précédent assez ancien, celui du chanoine Duplessy qui a écrit à la fin du XIXe siècle une sorte de guide assez exhaustif, le Paris religieux, recensant les églises et expliquant les tableaux. Les droits étant tombés depuis très longtemps, j’ai pu reprendre les gravures pour la maquette. À partir de ce schéma, j’ai repris toute l’histoire des saints parisiens. Il y en a plus de 300. À cela, il y a plusieurs explications. D’une part, Paris est une ville catholique depuis toujours, et puis cela s’explique aussi par l’Université libre, la Sorbonne, qui faisait venir des gens de toute l’Europe. Il y a eu une sorte d’âge d’or pendant lequel beaucoup de monde est passé.
R&N : Comment fonctionne votre guide ? Qu’y trouve t-on ?
Philippe Bornet : Il y a plusieurs moyen d’utiliser mon guide. Si la personne est intuitive, elle va tourner les pages et va tomber très rapidement sur une carte d’un arrondissement. Elle verra toutes les stations de métro indiquées et les points d’intérêts qui l’interpellent. Souvent, ce sera une église, mais pas seulement. En fin d’ouvrage, l’utilisateur trouvera également des idées de promenade. J’en ai proposé pour les principaux saints parisiens. Par exemple, pour Saint Vincent de Paul, il y a trente points évoquant son souvenir, et je les reprend un par un.
J’ai ajouté au guide un index, avec pour chaque saint une ou deux références, généralement sa biographie. Se trouve aussi un calendrier de ces saints parisiens, j’insiste bien sur « parisien » puisque le sanctoral est théoriquement légèrement différent d’un évêché ou archevêché à un autre.
Et puis il a fallu vérifier un par un toutes les références. Ce qui a demandé un gros travail de recherche. J’ai visité toutes les églises parisiennes quasiment sans exception. J’ai redécrit toutes les églises. Même si l’historique est assez abondant, je n’ai retenu que celle ayant un rapport avec un saint parisien. Par exemple, si on tombe sur une évocation de Sainte Catherine de Sienne, je n’en parle pas puisque ce serait hors sujet. Je n’évoque que les saints qui ont vécu ou sont passés à Paris, et puis il y a aussi certains saints très importants qui sont présents post-mortem. Par exemple Saint Ovide a été « importé » au XVIIe siècle, qui se trouve aujourd’hui en l’église Sainte-Marguerite, mais qui n’a jamais mis les pieds dans la capitale. J’ai ajouté à tout cela certains saints qui sont très chers au cœur des parisiens, comme Saint Hippolyte, qui est un romain. Lui non plus n’est jamais passé à Paris, mais il a son église, et ses reliques. Donc j’en parle aussi.
R&N : Quelle anecdote vous a le plus marqué au cours de vos recherches ?
Philippe Bornet : Il y en a plein. Celle qui me vient à l’esprit tout de suite est celle de Saint Lambert. Ce saint belge du VIIe siècle, ou plutôt flamand devrait-on dire, s’est vu construire autour de son tombeau la ville de Liège. Sa dépouille s’est retrouvée à Paris. Détruite à la Révolution, son corps a été dispersé un peu partout. Et comme cet évêque souhaitait apparemment absolument revenir à Paris, en 1794, pendant la guerre en Hollande, un soldat français réussit à récupérer à Liège un petit morceau du saint et l’a rapporté en France. Ce soldat a restitué cette relique à la Restauration, et c’est comme ça que Saint Lambert revient à Paris une deuxième fois, sans jamais y avoir vécu.
R&N : Avez-vous reçu l’aide d’experts, d’historiens, pour réaliser ce guide ?
Philippe Bornet : Oui bien sûr. Vous le verrez dans la liste des remerciements, je suis allé voir énormément de monde. Et puis il y a une véritable richesse dans toutes les Procure de Paris. Il y a beaucoup d’historiens, amateurs, passionnés, qui ont écrit des livres sur le sujet. Mon seul mérite est d’avoir accompli un travail de compilation. Compilation, vérification, enquête... À la fin de ce travail, nous avons écrit à tous les curés de paroisse. On leur a posé des questions, demandé de vérifier les fiches des guides des églises, ce qui a permis à l’occasion de corriger pas mal d’erreurs.
R&N : Paris est-elle privilégiée dans l’histoire de l’Église par son nombre de saints, ou d’autres villes bénéficient également de cette grâce ?
Philippe Bornet : A part Rome, je ne pense pas que d’autres villes dans le monde fassent jeu égal, même si ce n’est bien sûr pas une compétition. Naturellement, je n’ai pas de chiffres précis à vous donner. Mais Paris a vraiment attirée beaucoup de saints, pendant des siècles. Ils ont tous laissé une trace quelque part. Donc la France est bien la fille aînée de l’Église, et Paris en est la capitale. Ses trois cents saints en attestent bel et bien.
R&N : Depuis la Révolution Française, y a t-il un recul de canonisation de parisiens ?
Philippe Bornet : Contrairement à ce qu’on pourrait penser, pas tellement. Vous verrez dans le guide, il y a beaucoup de saints modernes. Et puis bien sûr depuis Jean-Paul II, il y a une facilitation de la canonisation. En gros sur vingt siècles, pendant dix siècles, les saints sont canonisés par la vox populi. C’est à partir de Hildegarde de Bilgen, qui elle n’a jamais été canonisée puisque le processus a été arrêté, que la canonisation est une question qui intéresse les autorités ecclésiales. Et puis depuis Jean-Paul II, cela va extrêmement vite. Pendant son pontificat, il a « fait » autant de saints, paraît-il, que tous les papes avant lui. Donc par ce fait, il y a un très grand nombre de saints modernes. Le dernier est Monseigneur Ghika, issu d’une famille royale roumaine, décédé dans les geôles communistes dans les années 50. Étant jésuite, il est passé dans le VIIe arrondissement, à Saint-Ignace, rue de Sèvres.
R&N : Beaucoup de reliques sont disséminées un peu partout dans Paris. Dans un siècle très rationaliste comme le nôtre, subsiste-t-il malgré tout une dévotion élevée, des pèlerinages, et autres processions à forte fréquentation ?
Philippe Bornet : Rappelons tout d’abord qu’il y a une relique dans chaque église, insérée dans la pierre de l’autel. C’est indispensable. Alors pour ce qui est des reliques exposées au grand public, il y a un retour des fidèles vers elles. Cela redevient populaire. Je suis passé récemment avec mon épouse à Saint-Étienne du Mont, et nous sommes tombés par chance, la Providence dirons nous, à l’ouverture de la neuvaine, avec vénération des reliques de Sainte Geneviève. Il est vrai qu’à une époque encore récente, cette dévotion était tombée en désuétude, du fait notamment des prêtres et prélats qui n’encourageaient plus cette pratique. Mais il y a un retour vers le culte des reliques aujourd’hui. La différence avec il y a encore vingt ans est très nette. C’est une bonne chose. Tout le monde sait que cette dévotion a toujours été appréciée des chrétiens. Vous trouverez dans le guide la recension de tous les pèlerinages, église par église. Par exemple à Sainte-Clotilde, la paroisse organise un pèlerinage à Cotignac. Et récemment, Monseigneur Vingt-Trois a béni un reliquaire tout neuf dans une église très moderne, Saint-Marcel, dans le XIIIe arrondissement.
R&N : L’archevêché de Paris vous a-t-il soutenu dans votre entreprise ?
Philippe Bornet : Oui. D’ailleurs j’ai une anecdote à ce propos. J’ai envoyé mon livre pour que Monseigneur Vingt-Trois fasse la préface. C’était une bouteille à la mer, car Son Éminence ne fait jamais de préface, sinon il y passerait sa vie. Il reçoit une demande par semaine, cela m’a été confirmé par la suite. Pourtant un jour je reçois une lettre de son secrétaire particulier me disant qu’elle était en cours de rédaction. Son Éminence l’a écrite, mais ne me l’a pas donné. Il avait trop peur d’être submergé de demandes. Mais j’ai eu l’honneur de recevoir à la place une préface de Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort, évêque auxiliaire de Paris. C’est toujours gratifiant de recevoir ce type de récompense lorsque l’on croit mener le bon combat.
R&N : De toutes les églises parisiennes, certaines sont très connues, très touristiques, et d’autres beaucoup moins. Au cous de vos visites, en avez-vous découvert une en particulier qui mériterait plus d’attention ?
Philippe Bornet : L’esprit de mon livre, ce serait d’attraper les touristes à la sortie du métro et de les pousser sur les parvis des églises. Alors je les appâte avec du culturel que je place sur mon hameçon, et j’aimerais les tirer et transformer les stations de métro en stations de chemin de croix. Il y a beaucoup d’églises qui sont négligées et qui mériteraient plus d’attention, le dimanche à visiter en famille par exemple. Celle que je préfère, c’est Sainte-Marguerite. Cette église se trouve en plein milieu de Paris, et on se croirait dans un village. C’est calme, sans bruit. Il y a une histoire, puisque c’est là qu’on a enterré un temps l’enfant du Temple. Ses racines s’enfoncent jusqu’à dix mètres de profondeur. Architecturalement parlant, elle a énormément de charme. Il y en a une qui lui ressemble beaucoup mais qu’on ne pas visiter pour l’instant, c’est l’église de Saint-Germain de Charonne dans le XXe. Elle a failli tomber en ruine il y a quelques années. On ne peut pas rentrer à l’intérieur y compris pour le culte, puisqu’elle est en cours de consolidation. Mais elle a ce côté campagnard, en haut de la rue Sainte-Blaise, dans un quartier de l’est parisien peu connu, et c’est très agréable. On a l’impression là encore d’être dans une ville de province. Quand on arrive, on trouve le cimetière, avec les tombes alignées.
Sinon il y a des églises qui font un peu fonction de musée. Celle de la rue Charlot, dans le IIIe, par exemple. Il y a des toiles fantastiques. On se croirait en Italie, c’est magnifique. Alors malheureusement, elle est au main des Arméniens, et l’entretien laisse un peu à désirer.
Vous avez également Saint-Nicolas des Champs, qui est une très belle église, un véritable musée de peintures. C’est dû au fait qu’elle a bénéficié du même phénomène qu’il s’est passé à la Pinacothèque de Milan, où Napoléon a redonné aux Milanais ce qu’il avait volé aux Vénitiens. Donc, après la Révolution, un certains nombres de tableaux ont été réinjectés dans le circuit et se sont retrouvés à Saint-Nicolas des Champs, alors qu’ils n’y étaient pas historiquement. Mais cela donne une accumulation magnifique d’œuvres d’art.
Et une très belle église aussi, magnifique mais avec des horaires d’ouverture invraisemblable, donc difficile à visiter. Il s’agit de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle dans le IIe arrondissement, dans l’ancien quartier de la presse. Là aussi, des toiles splendides, dont certaines ont été restaurées récemment. L’église aussi d’ailleurs.
Des églises-musées donc qu’on n’exploite pas assez. Des perles qui ne demandent qu’à être visitées. Mais le grand scandale de ces églises, c’est qu’elles sont fermées le lundi ! Un peu comme à Venise. Vous y allez, vous prenez l’avion spécialement pour l’église qui vous manquait, vous vous précipitez, et elle est fermée. Cela arrive malheureusement fréquemment à Paris aussi. Y compris pour des églises d’une certaine importance, comme l’église d’Auteuil. Alors que ça devrait attirer les foules ! D’un simple point de vue culturel et économique, l’État devrait investir des milliards dans notre patrimoine religieux, qui comme Versailles nous fait venir des touristes du monde entier !
R&N : Justement, pensez-vous que votre guide pourrait intéresser la municipalité de Paris, et qui sait, peut-être sera-t-elle touchée alors par la grâce ?
Philippe Bornet : J’espère bien qu’elle sera intéressée ! Je vais vous prendre un autre exemple que celui de Paris. Sainte Geneviève passe un jour dans un petit village où j’ai mon cabinet d’ophtalmologie, qui s’appelle Sainte-Geneviève des Bois. Elle y a fait couler une source miraculeuse. Le kinésithérapeute s’en sert aujourd’hui pour la piscine de sa rééducation. A part cela, le village est sans intérêt. Cette source a été remise en valeur, et la fin des travaux ont été inaugurés par M. Julien Dray, à l’initiative d’une mairie socialo-communiste à l’époque. Simplement, ce sont des gens qui parfois sont intelligents et qui ont essayé de faire fructifier la seule petite chose qu’il y avait d’intéressante à Sainte-Geneviève des Bois. Il suffit d’être un peu malin, et si à la mairie de Paris ils n’ont pas le sens de la transcendance, au moins qu’ils aient celui de leur intérêt économique. Paris est devenue une ville-musée. Madame Hidalgo a bien fini par venir à l’inauguration de la Place Saint-Jean-Paul II.
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