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Pour la deuxième inquisitoriale de notre Gazette, l’impitoyable Paysan breton a administré la question à Rémi Gousseau, qui s’y est livré de bonnes grâces.
Rémi Gousseau est musicien, compositeur et maître de chapelle. Il dirige la maîtrise Saint-Louis de Gonzague de Paris depuis onze ans. Depuis 2003, il dirige le festival de musique classique des Estivales en Puisaye-Forterre, aux confins de l’Yonne, de la Nièvre et du Loiret. Il nous livre dans cet intéressant entretien sa vision de la musique liturgique, de l’art aujourd’hui, et de la place qu’il occupe tant dans le monde que dans l’Eglise.
Paysan breton : Bonjour, Rémi Gousseau, et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. L’actualité des arts, c’est l’affaire Castellucci, dont on a beaucoup entendu parler ces derniers temps. Les manifestations opposées à sa présentation ont finalement davantage fait débat que la pièce en elle-même. Si certains ont parlé de liberté d’expression, d’autres, dont la ville de Paris, ont parlé d’entrave à la liberté de la création. Ceci pose, encore une fois, la question de la notion de « limite » dans l’art. Les évêques eux-mêmes sont divisés. En tant qu’artiste, où vous situez-vous ?
Rémi Gousseau : D’abord, je n’ai pas vu la pièce, donc je ne m’étendrai pas. Mais il faut toujours être honnête. L’art nécessite une grande honnêteté. Est-ce que cet auteur italien, dont j’ai lu un jour quelque chose est franchement honnête ? Dans ces propos, j’en doute un peu. Je vais dire que j’ai un certain désintérêt pour ce genre de choses. Ce sont des provocations habituelles, j’ai connu ça depuis mon enfance. Concernant ces provocations, il faut en tout cas être vigilants, être présents. Maintenant, entre liberté d’expression et cætera, à l’heure où elle est extrêmement réduite, surtout en France, je pense qu’il y a deux choses à voir. D’abord, concernant l’Eglise, elle n’a pas travaillé sur l’art depuis plusieurs dizaines d’années. Il y a une grande paresse intellectuelle des chrétiens : il n’y a eu aucun travail de fait, à part quelques-uns. Je m’y suis attelé depuis un petit moment, et j’avais commencé à poser des jalons, parce que je pense que l’art chrétien n’est pas l’art DES chrétiens. Gabriel Fauré a écrit un requiem qu’on peut estimer objectivement chrétien, bien qu’il se dise lui-même agnostique. Le sujet, c’est de savoir si l’Eglise favorise l’art, et pour cela il faudrait qu’il y ait du monde, de l’argent, de l’envie, et il semble qu’elle n’en ait pas. Il y a un problème dans le rapport de l’Eglise à l’art, c’est clair, même si les Papes ont fait bouger les choses, en nouant des liens avec des artistes, pour l’instant, ça se cantonne au lien avec les artistes. Benoît XVI, lui, tente un lien avec l’art en lui-même, fidèle à sa manière de voir les choses. Ensuite, concernant les gens qui manifestent, je pense que cela montre que les brebis sont perdues. Elles veulent des bergers, et les bergers sont divisés. Ces jeunes ont une soif de connaître, d’apprendre, d’être reconnus. Donc je vois ça sur deux tableaux : l’Eglise doit mener une réflexion sur la relation à l’art, et pas d’une manière d’amateur, comme elle le fait trop souvent : cela suppose des moyens, et pour l’instant les gens n’ont pas compris que l’art, c’est des moyens : quand les papes prenaient Michel-Ange ou Caravage, ou ce que vous voulez, ça leur coûtait des sous. Et la deuxième chose, c’est les jeunes désemparés. Voilà ce que je vois.
Paysan breton : Toujours sur cet épineux problème, la question de la censure est également très importante. Autocensure, ou censure violente, comme on l’a vu, après l’incendie de Charlie Hebdo, on a un sentiment d’accroissement de la censure…
Rémi Gousseau : En fait, la censure existe toujours, parce que les idéologies dominantes sont sûres, soit au moyen de l’argent, soit au moyen de l’Etat, de faire taire les détracteurs. Elle existe toujours, et il est illusoire de penser qu’il pourrait en être autrement. La question est de savoir si la censure d’Etat est légitime face à la censure de l’argent. Dans la société actuelle, je n’ai pas vraiment de réponse. Je ne fais pas partie de ceux qui disent « oh la la, je ne peux pas m’exprimer ». Je pense que quand on veut s’exprimer, on s’exprime. Quand on veut être indépendant, on se rend indépendant. Est-ce qu’on le peut ? Oui, il y a un risque : en France, on risque de ne pas être publié et écouté. J’aime quand les gens s’expriment, mais il ne faut pas non plus croire qu’on est dans le drame. Il faut toujours regarder l’événement à ce qui lui est sous-jacent. Ce qui se passe, c’est que les laïcards vont payer très cher leur aide aveugle à l’installation de l’islam. C’est triste, mais ça n’est pas tant pis pour eux, parce qu’on ne peut jamais dire ça.
Paysan breton : Passons donc aux questions plus purement artistiques. L’on a vu la semaine dernière cette histoire d’une femme de ménage ayant détruit une œuvre d’art contemporain dans un musée allemand, en la prenant pour une baignoire encrassée, et l’a nettoyée, la détruisant. Beaucoup de personnes demeurent pour le moins perplexes face à de nombreuses œuvres contemporaines. L’art s’est coupé de son passé, finalement, et devient résolument provocateur. La question de l’évolution de l’art peut être posée, de fait. Sans céder aux sirènes du « c’était mieux avant », pensez-vous, comme Arvo Part, que le progrès dans l’art n’existe pas.
Rémi Gousseau : Je ne suis pas complètement d’accord avec Part. On va répondre comme un chrétien peut répondre… Il y a un développement, en tout cas. Progrès, je ne sais pas. Développement, j’en suis sûr. Au moment où le grégorien naît, tirant sa saveur des écritures saintes traduites en latin, ce sont des notes, des modes tirées de la psalmodie latine, tirées du latin, et exclusivement du latin. Après on peut discuter de l’origine grecque, juive, ou je ne sais quoi encore. Ce qui est sûr, c’est que c’est lié à la langue latine. C’est dans ce contexte qu’ont été créés des modes qui ont permis un développement musical, jusqu’à nos jours. Le mode musical le plus commun vient du grégorien. Vous n’avez aucune chose, même populaire, dont les modes, les tonalités, viennent d’autre chose que du grégorien. Le reste, c’est de la blague. Et de toute façon, même les musiques contemporaines sont réinterprétées à la lueur de la musique « moderne », c’est-à-dire liées à la naissance de la tonalité, avec Monteverdi. On n’en est pas sorti. Il y a donc un développement, c’est sûr. Après, si c’est un progrès… moral ? Oui, peut-être, parce que la technique devrait, je dis bien devrait nous apporter un progrès. Mais je suis prudent. Alors maintenant, la question de l’art contemporain, le problème de la figuration, la sculpture ou pas, la représentativité… là aussi, l’Eglise ne peut s’en prendre qu’à elle-même. A partir du moment où il n’y a pas de travail, de développement, il ne faut pas s’étonner. Alors on a des bonnes âmes qui taillent dans l’art contemporain, et vous avez fait quoi, vous ? Rien. Voilà !
Paysan breton : Le rouge et le noir s’y intéresse, en tout cas ! Vous parliez du grégorien, justement. Nous sommes de nombreux amateurs de grégorien au sein de la rédaction de la gazette. Le Pape Benoît XVI disait qu’il fallait remettre le grégorien au cœur de la liturgie. Certains même pensent qu’il est le seul à se prêter à l’usage liturgique, de par son intemporalité, son anonymat, et son enracinement historique dans la spiritualité catholique. Qu’en pensez-vous ?
Rémi Gousseau : On ne peut pas être péremptoire de la sorte, ça n’a pas de sens. Tout ce qui est tiré du grégorien et qui reste fidèle à la liturgie est digne de la liturgie, le concile est très clair : le grégorien doit tenir la première place, mais le reste, la polyphonie, également la musique contemporaine, y trouve sa place si elle est digne de ce qu’elle célèbre. Je pense qu’il y a un problème de dignité. Alors c’est vrai qu’on a vécu des temps très troublés. Beaucoup de chrétiens pensaient que « plus c’est amateur, mieux c’est ». Je vais donner un exemple très parlant. Les gens se marient, de très bonne famille catholique, où on a des moyens, on va dépenser des sommes folles pour un beau mariage. Et quand on dit, il faut payer des chanteurs, des organistes, enfin mettre l’équivalent dans la beauté de l’office que dans celui de la bouffe, cela semble n’être pas évident. Elles ne mettent pas un sou. Vous leur dites que ça peut coûter 2000€ pour avoir quelque chose de bien, et ils ouvrent des yeux, alors qu’ils dépensent des sommes folles à côté. Donc ça veut dire que dans leur tête, la musique d’église est un truc d’amateur. C’est le premier exemple, qui est très frappant. Deuxième exemple, dans une paroisse, on fait une répétition, et les gens ne viennent pas : ils n’y attachent pas d’importance. Ils ne louperaient pas le dîner mondain. On y vient si on a le temps, c’est pas grave si c’est pas de la qualité. De fait, on a préféré des choses faciles, des choses immédiates…
Paysan breton : Comme la musique de Jacques Berthier, par exemple.
Rémi Gousseau : Oui, et encore c’est pas la pire. Berthier, que j’ai bien connu, qui était un type très authentique. Entre parenthèses, le jour de son enterrement, il n’y a pas eu un chant de lui : c’était tout en grégorien. Il fallait qu’il nourrisse ses enfants, alors il a fait ce qui lui permettait de les nourrir. Comme il était habile, il n’y a rien de désastreux, mais il n’y a pas d’inventivité, c’est toujours pareil. Ce qui est dommage, c’est qu’il a écrit plein de bonnes choses à côté qui ne sont pas du tout connues. Le pire, c’est pas ça. Je veux dire, la musique du renouveau… C’est musicalement indigent… La musique liturgique doit s’asseoir de la tradition. Vous avez eu bon nombre de grands compositeurs, Duruflé, Vierne, Messiaen, qui ont puisé dans la tradition. Tout cela a été mis de côté au profit de choses faciles… Mais bon, on a fait que suivre le monde. La musique d’église, c’est l’équivalent de la star ac ! La mentalité est la même. Ce que je reproche à l’Eglise, c’est de n’avoir pas été résistante par rapport à ça. On n’a pas été résistants face à la mondialisation de l’argent, ni face au déficit culturel… On est allé au fil de l’eau, et le réveil est très dur. Le grégorien est donc un repère, une borne extrêmement solide, et qui revient partout. J’écoutais avant d’y aller moi-même la messe sur France culture, c’était le kyriale intégral de la messe des anges, en direct de l’église saint Etienne du Mont, j’avais pas ça entendu depuis des années, c’était magnifique. Il se passe des choses, ça vient.
Paysan breton : Pour avoir personnellement vécu deux ans en Bavière, l’on mesure à quel point le contraste est saisissant.
Rémi Gousseau : C’est normal, c’est parce qu’il y a une tradition musicale allemande qui est très puissante. Il y a aussi une question de moyen. L’Eglise est riche, et c’est l’Etat qui paie les maîtres de chapelle. L’Eglise préfère mettre en France des permanents en pastorale ou des bêtises comme ça, plutôt que de mettre des maîtres de chapelle. C’est un point de vue, mais bon, peut-être qu’un jour, ils reviendront là-dessus. L’Eglise a une carte à jouer, mais avec ses moyens, elle aura plus de mal qu’avant.
Paysan breton : La liturgie en France est proprement sinistrée, en effet. Dans nombre de paroisses, c’est effrayant.
Rémi Gousseau : C’est une douce médiocrité. C’est plus de l’excentricité, mais une douce médiocrité.
Paysan breton : Tout à fait. On s’aperçoit cela dit que des paroisses « classiques » sont vides, alors que des paroisses plus traditionnelles, où règne un plus grand sérieux dans la tenue de la liturgie, sont pleines, on a l’exemple de Saint Eugène à Paris, où la Schola est exceptionnelle, ou Saint Nicolas du Chardonnet…
Rémi Gousseau : Oui, c’est pas toujours de très bonne qualité, il faut être honnête. Chez les tradis, la musique a pris une grande place, mais aussi chez des non traditionnels, comme à Saint Eustache, où la qualité est là. Partout où il y a de la qualité, il y a du monde. A Saint Eustache, où j’ai été maître de chapelle adjoint il y a longtemps, a perdu sa cohérence entre la liturgie et le chant. A Saint Eugène, c’est vraiment resté. C’est l’enfant de Solesmes que je suis qui est touché par ça. Maintenant, il y a des églises, ou des cathédrales où la liturgie est soignée. Là, il y a du monde. Il y a toujours eu de la qualité musicale. Là où il y a de la qualité, il y a du monde, c’est vrai, même si ça se vide quand même un peu partout, il faut bien le reconnaître. Même chez les tradis, ça se vide. Il faut ouvrir les yeux. Mais ce qui m’intéresse, ça n’est pas de savoir s’il y a du monde. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si c’est bien ou pas bien, vrai ou pas vrai, juste ou pas juste. C’est la Vérité qui me passionne. C’est ce que j’aime d’ailleurs chez Benoît XVI. C’est pour ça qu’il m’a toujours fasciné, et ce depuis très très longtemps. Je suis Ratzingerien depuis les années 70. Le premier bouquin que j’ai lu de lui, je me suis dit que cet homme-là avait vu des choses que personne avant lui n’avait vues. Ce qui intéresse Benoît XVI, c’est de savoir si c’est juste ou pas juste. Si la pastorale consiste à être un bon vendeur, je pense que Jésus était un mauvais pasteur. La justesse est ce qui compte, pas de savoir si c’est tradi ou non.
Paysan breton : Pensez-vous qu’aujourd’hui, bien que vous ayez déjà pour grande partie répondu à cette question, il demeure un lien entre la Foi et la création ? Y a-t-il un décrochement dans l’art occidental, historiquement imprégné de religion.
Rémi Gousseau : En fait le décrochage a lieu, si vous regardez bien dans l’Histoire, à la fin du moyen-âge à une époque d’appauvrissement liturgique. Le concile de Trente a remis de l’ordre, mais ça a pris du temps, et parfois ça s’affaissait automatiquement. Vous avez, simultanément à cet affaiblissement liturgique, la création de l’opéra. C’est très amusant. L’affaiblissement théologique, dû au rationalisme scolastique, que je n’aime pas, comme Benoît XVI, a participé de ce déclin artistique. Je pense que le rationalisme théologique a mené à l’irrationnel. C’est le drame du monde contemporain. Le rationalisme a mené à l’irrationnel…
Paysan breton : Comme nous le rappelle d’ailleurs Chesterton, lorsqu’il écrivit que « le jour où les hommes cesseront de croire en Dieu, ils ne croiront pas en rien, mais en n’importe quoi ».
Rémi Gousseau : Voilà ! Chesterton fait partie de ceux qui ont vu ça. Vous avez en même temps donc une autonomie de la pensée par rapport au créateur, de fait par rapport à la Création. Les liens, évidemment, ne sont jamais brisés, parce qu’on est en chrétienté. Les liens entre la Foi et l’opéra ne sont jamais brisés.
Paysan breton : On a l’exemple du dialogue des carmélites, par exemple…
Rémi Gousseau : Oui, mais là, c’est la réaction de quelqu’un qui avait une démarche presque identitaire. Il avait envie de faire un opéra chrétien, comme Messiaen avec son Saint François. Moi, j’ai fait des opéras profanes. J’avais rêvé de faire un Saint Benoît, mais je n’ai pas pu… En fait, je vis là où je vis, je suis de mon temps, je ne suis pas évêque. Je ne suis pas un être sacramentel au même titre qu’un prêtre, mais je témoigne bien sûr de ma foi au travers de ma musique religieuse. Mais ce décrochage est intéressant : l’apparition de l’opéra à l’époque de l’affaiblissement de la production liturgique. Ce décrochage est le même que le décrochage intellectuel ? L’Eglise a-t-elle pris cela en compte ? Oui, bien souvent, des artistes ont vu ça, des gens d’Eglise aussi. C’est arrivé. Mais ça retombe à chaque fois, et il faut recommencer. Aujourd’hui, l’inspiration est toujours là, qui peut le nier ? Ça n’a pas de sens. L’Esprit travaille dans le monde, c’est clair. Je pense qu’il y a des gens inspirés qui ne sont pas spécialement chrétiens, bien que le questionnement soit présent. Mais maintenant, on manque de lieux d’expression. Ceux qui s’expriment sont ceux du système. C’est cela le véritable souci. Je ne pense pas que l’Esprit soit en revanche dans le système. Ce sont là deux choses qu’il faut bien distinguer.
Paysan breton : Et de fait, chez vous, quelle est la place de la Foi dans votre métier de compositeur ?
Rémi Gousseau : Je peux dire deux choses : d’abord, évidemment qu’elle est importante, et après, j’ai envie de dire, est-ce que c’est le sujet ? Ce qu’il faut, c’est que la pièce soit juste, et qu’elle réponde à son objet. Est-ce que c’est ça qui fait qu’une pièce intéressante, je ne le crois pas. Si c’est mon témoignage qui compte plus que l’œuvre, c’est que j’ai raté mon œuvre. Après c’est la façon de vivre sa vie qui compte. Je vis de manière petite, je travaille avec un chœur de jeunes et d’enfants depuis maintenant onze ans, voilà. Je ne m’érige pas en exemple, je sais qu’il en faut, mais je n’estime pas en être. Mon œuvre, en tout cas, ne vaut pas pour mon témoignage. Elle vaut parce qu’elle est. Elle est belle ou pas belle. Elle est juste ou pas juste. C’est cela qui compte. Mais le côté « je suis chrétien, donc mon œuvre est belle », non. Zéro ! On le voit trop le dimanche à l’église.
Paysan breton : Et en tant que catholique, comment considérez-vous la supériorité sinon l’excellence et la précocité de la musique protestante, vous qui avez dirigé du Bach et du Beethoven ?
Rémi Gousseau : Alors juste une chose, Beethoven était catholique, enfin de tradition. Alors Bach, c’est pas de la musique typiquement protestante. C’est le luthéranisme d’Augsbourg, c’est baroque à souhait. Alors baroque et protestantisme, ça ne colle pas. Quand on parle de musique, il ne faut pas parler d’idée, mais d’art. Chez Bach, il y a bien sûr les chorals, mais quand il harmonise un choral, quand il le rend complexe, le rend-il protestant ? Non ! C’est anti-réforme, en fait. Bach est un musicien ambivalent. Mais c’est sa musique qui parle, voilà. Ses passions, par exemple, sont plus héritières de passions catholiques que des protestantes. On y retrouve l’idée de l’image, alors que le protestantisme est iconoclaste par nature. Mais, comme toujours, c’est ambivalent.
Paysan breton : Il est vrai qu’à comparer du Bach et du Telemann, bien que les thèmes soient toujours les mêmes, on retrouve chez Bach un travail très différent, et un traitement, comme vous le dites, plus « imagé ».
Rémi Gousseau : Il y a plus d’inspiration chez Bach, aussi. Il y a un génie qui s’exprime. L’harmonique, qu’il pique aux français, sa joie, qu’il pique aux italiens, crée cette mosaïque tout à fait unique. Bon, les protestants ont de la chance, c’est vrai, mais ils ont récupéré Bach très tardivement, en fait. Il n’était pas très aimé, il était complètement oublié. Et les calvinistes, ça n’a jamais été leur truc.
Paysan breton : Revenons un peu à la liturgie. Pour vous, que représente la musique dans l’espace liturgique, autrement dit, quelle place doit-elle occuper ?
Rémi Gousseau : Eh bien la place que lui donne la liturgie elle-même ! C’est la liturgie qui donne toute sa place à la musique. Je pense que c’est très simple. Si on a une vision juste de la liturgie, c’est, certes, la prière des hommes, mais la prière de l’Eglise ici-bas, mais aussi au ciel. On dit « avec les anges et les saints ». Ils sont là ! S’ils n’étaient pas là, on n’en parlerait pas. La musique doit exprimer aussi ça. Elle doit exprimer l’Eglise militante, avec la marche vers l’éternité, l’Eglise souffrante, et puis l’Eglise triomphante. Ce sont ces trois dimensions que l’on retrouve dans la musique liturgique. Mais si l’on étend, au ciel, c’est la musique qui reste, finalement. Le reste, je ne sais pas, mais la musique, elle, demeure. Si les anges chantent, la musique est présente comme quelque chose qui nous lie au ciel. C’est ça qui est important à voir. La musique a en effet toujours été présente dans la liturgie. On dit « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». La musique y participe. Le chant de la terre est aussi celui du ciel. Toute la condition humaine y est certes présente, mais pas uniquement. C’est un lien, une passerelle.
Paysan breton : Je vous remercie, Rémi Gousseau, pour avoir accepté de répondre aux questions de notre gazette. Cela permet de remettre des choses en place. A bientôt, peut-être pour un autre entretien ?
Rémi Gousseau : Avec plaisir ! Merci beaucoup !
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