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Robert Ménard : « Il ne faut prendre aucun gant avec la presse. Elle est contre nous, elle est contre le peuple »

Robert Ménard est maire de Béziers. Il vient de publier Abécédaire de la France qui ne veut pas mourir (éditions Pierre Guillaume de Roux, novembre 2016). Il a bien voulu répondre aux questions du Rouge & le Noir.

R&N : Vous publiez un abécédaire de "la France qui ne veut pas mourir" ? Faut-il comprendre qu’il y a deux France (ou plus) dans notre pays ?

Robert Ménard : Il y a plusieurs France. Il y a d’abord une France qui s’en sort bien, pour qui la mondialisation est une mondialisation heureuse, une “identité heureuse” comme dirait Alain Juppé. Une France qui n’a pas de soucis, qui vit confortablement dans la capitale, dans les capitales régionales, qui est à l’unisson des médias, dont les enfants sont dans des écoles où il n’y a pas de problème de délinquance, qui aiment le “vivre-ensemble” parce qu’ils ne le pratiquent pas et qui, au fond, n’a que les avantages de ce système-là. Il y a cette France mais il y a aussi la France que j’administre, dont Béziers est un exemple emblématique. C’est-à-dire une France délaissée, abandonnée, oubliée. Une France qui, tous les jours, est confrontée aux questions d’immigration, d’identité, à l’islam…

Oui il y a deux France. Je suis un élu de cette France qui n’en peut plus, de cette France qui aurait voté Trump aux Etats-Unis, qui, spontanément, déteste Hillary Clinton comme elle déteste les hommes politiques français. Une France qui en a marre qu’on lui marche sur la figure et qui essaie de s’en sortir. À l’intérieur de cette France-là, de cette France qui, au fond, est du mauvais coté du manche, il y a de plus en plus de gens qui ne veulent pas mourir, qui entendent se faire respecter. Ce petit livre n’a d’autre objectif que de leur dire à ces Français-là : ce que vous pensez, ce que vous ressentez, ce que vous vivez, ce que vous lisez, ce que vous aimez, ce dont vous rêvez, tout cela n’est pas honteux, n’est pas minable comme on vous le répète à longueur de temps. C’est ce que je dis aux Biterrois : soyez fiers de ce que vous êtes.

R&N : Vous dites que la population n’ose pas forcément dire ce qu’elle pense. Vous, par contre, écrivez qu’avec les quotas de logements sociaux et la dispersion des migrants (de Calais entre autre), plus aucun coin de la France n’est épargné. Vous ajoutez : ’C’est la volonté au plus haut niveau de créer une situation irréversible’ (p.131). Pensez-vous qu’il y ait une véritable volonté de nuisance à l’œuvre ?

Robert Ménard : Pourquoi me suis-je opposé à 40 nouvelles places de CADA (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile) dans ma ville ? On me dit : 40 places de plus pour une ville de 76 000 habitants, ce n’est rien. Dans l’absolu, peut-être. Mais c’est un peu comme la vague qui va finir par vous noyer. Le « grand remplacement », ce n’est pas une théorie, je le vois à l’œuvre tous les jours dans ma ville. Du coup, à Béziers, comme ailleurs, il y a des quartiers occupés par telle population, et d’autres quartiers où se concentre une autre population. Et le pire, c’est que les uns et les autres n’ont pas vraiment envie de vivre ensemble.

R&N : Vous divisez l’entrée “vivre-ensemble” de votre abécédaire en trois sous-parties. C’est d’ailleurs l’entrée la plus longue du livre. Pourquoi ?

Robert Ménard : Parce qu’on me bassine tous les jours avec ça. Vous ne pouvez pas imaginer ! Le représentant de la politique de la ville (sur les 200 quartiers prioritaires en France, ma ville en compte deux à elle seule…) le, sous-préfet, le préfet, la presse locale ne cessent de me parler du vivre-ensemble. Des gens qui, soit dit en passant, en parlent d’autant plus qu’ils ne le pratiquent jamais… C’est une overdose de vivre-ensemble. Mais, dans la réalité, dans leur immense majorité, les riches ne veulent pas vivre avec des Arabes ou des Noirs. De même, la plupart des Arabes n’ont pas envie de vivre avec des Noirs. Parmi les musulmans, les Maghrébins, pas tous bien sûr, ne veulent pas vivre avec les Turcs. Et les gitans ne goûtent guère la compagnie des Arabes…

R&N : Vous évoquez aussi cette dame âgée qui trouve qu’ils sont très gentils parce qu’ils l’aident à porter ses courses mais qui dit pourtant vouloir vivre avec des gens comme elle.

Robert Ménard : Cette dame habite dans l’immeuble du quartier « sensible » de La Devèze où j’ai moi-même vécu quand j’étais adolescent. Elle est venue me rencontrer en maire. Elle avait un peu honte de me dire ça. Mais encore une fois, c’est la réalité : dans sa cage d’escalier, elle était la seule Française de souche et elle ne se sentait plus chez elle, dans son pays. Quelle solution ? C’est comme l’école. Vous ne mettez pas vos enfants dans un établissement où les deux tiers, voire les trois quarts des gosses sont issus de l’immigration ! Alors, pour revenir à cette dame, même si tous ses voisins avaient du travail, même si tous respectaient leur boîte aux lettres, elle ne se sentirait pas moins « envahie ». Oui, il y a des seuils de tolérance. On ne peut pas accepter dans un pays, dans une ville, dans un quartier, une présence immigrée trop importante. C’est impossible.

R&N : Vous expliquez justement être, en tant que maire, contraint de signer des demandes de regroupement familial. Quelles sont finalement les possibilités pour un maire de résister quand l’État et les différentes strates du millefeuille administratif sont contre vous ?

Robert Ménard : Le sous-préfet m’a écrit pour me dire que, comme je disais trop souvent non à certains regroupements familiaux ou à l’attribution de cartes de séjour de dix ans, il fallait dorénavant que je justifie les refus. Il ne m’a jamais demandé de justifier les réponses positives… Bien sûr, ma marge de manœuvre est étroite. C’est bien pour cela que je participe – avec ce livre notamment – au débat national. Bien des problèmes auxquels je suis confronté comme maire ne peuvent trouver de solution qu’à Paris ou à Bruxelles. Quand l’État m’impose de prêter des salles de classe le soir pour donner des cours de turc ou d’arabe aux enfants, je ne peux pas dire non, au risques de procès devant le tribunal administratif. Or, si l’État et ses représentants aimaient vraiment ces gosses, s’en souciaient vraiment, ils leur donneraient des cours de français ! C’est ça qui les aiderait à trouver leur place, à éviter de quitter l’école sans l’ombre d’un diplôme en poche !

Il faudrait écouter les maires. Ils sont les élus les plus proches du peuple. Or, tous les jours, l’État s’emploie à leur enlever une partie de leurs pouvoirs.

R&N : ’À la laïcité, il faut préférer l’identité qui, elle, n’est pas seulement un concept, mais renvoie à la vie, au charnel’ (p.87). Face à la laïcité, vous aviez d’ailleurs défendu les crèches de Noël en 2014. Quels sont les éléments saillants de cette identité française qu’il faut défendre ?

Robert Ménard : La langue – or, bon nombre d’enfants de la troisième, voire de la quatrième génération, continuent de parler un pataquès, mi-français, mi-arabe – l’histoire, plus que les valeurs, les mœurs, les modes de vie, et bien sûr, les racines chrétiennes de ce continent. Je le dis dans le livre, personne n’ira risquer sa vie pour la laïcité alors qu’en face, ils sont prêts à risquer leur vie pour leur religion. C’est bien pour cela que je considère que toutes les religions ne doivent pas avoir le même statut. Non, le christianisme et l’islam ne doivent pas être traités de la même manière en France !

R&N : Mais justement, vous avez des mots très durs sur l’Église. Vous allez jusqu’à parler de ’Véritable suicide historique de l’Église’ (p.146). N’est-ce pas paradoxal de défendre l’identité chrétienne face à une église qui, pour vous, semble l’abandonner ?

Robert Ménard : Je ne sais plus qui disait que la preuve de la sainteté de l’Eglise, c’est qu’elle a résisté à 2 000 ans de prêtres, d’évêques et d’archevêques. Un des pires opposants que j’ai eus après mon élection, n’était rien d’autre que… l’archiprêtre de la ville. Je ne citerai pas son nom par charité chrétienne. Il a quitté Béziers depuis… Dieu merci. Il a été un opposant farouche. Il a refusé d’assister à l’inauguration de la crèche, dans l’hôtel de ville, alors que la communauté musulmane était représentée et la communauté juive avait envoyé un message ! Il avait même empêché les autres prêtres d’y assister. Il a aussi refusé de bénir les feux de la Saint Jean…

R&N : La jeune génération de prêtres et d’évêques vous donne-t-elle plus d’espoir ? Un certain nombre d’entre eux n’ont pas peur de défendre l’Eglise, sa place dans la société, et n’ont pas peur non plus de dialoguer avec la droite et le Front national.

Robert Ménard : Oui, bien entendu. Sauf que la génération qui est aux commandes est composée majoritairement de gauchistes soixante-huitards. On se demande parfois s’ils sont convaincus que l’hostie est bien le corps de Christ… Je ne suis d’ailleurs pas toujours convaincu par les paroles du pape François. Il ferait mieux parfois de se taire…

R&N : Vous appelez de vos vœux l’union des droites. Comment faire pour qu’elle se fasse réellement ? Ce ne semble pas être bien parti pour le moment pour 2017...

Robert Ménard : Pour être honnête, c’est plutôt mal parti. Je me suis cassé le nez sur les ambitions des uns et des autres, sur les logiques partisanes, sur des égos démesurés… Beaucoup vous expliquent qu’il y a urgence, que la France est menacée, que notre civilisation est au bord du gouffre, mais ils sont incapables de s’oublier un peu et de jouer collectif. Une raison supplémentaire de me tenir à distance des partis. Résultat des courses : aujourd’hui, seule Marine Le Pen a une chance, même petite, de gagner. Et, je vous le dis, bien que je ne sois pas membre du Front national, bien que j’aie de nombreuses divergences avec eux, nous nous devons de l’aider.

R&N : Vous parliez au tout début de Donald Trump. Diabolisé durant toute sa campagne par les médias (américains comme français d’ailleurs), il a pourtant été élu. Pensez-vous que le FN doive s’en inspirer et oublier sa stratégie de dédiabolisation pour parler de l’immigration ou de l’islam sans prendre de gants et sans avoir peur des polémiques ?

Robert Ménard : Ce que je veux retenir de Trump, c’est tout d’abord qu’il faut dire les choses telles qu’elles sont. J’entends des commentateurs moquer le fait qu’il n’emploierait que 700 mots dans ses discours. Et alors ? Il emploie les mots des gens. Il faut convaincre les gens avec leurs mots. Quand je m’adresse à mes concitoyens, je ne fais pas une thèse de troisième cycle, je m’adresse à eux avec leurs mots qui, ça tombe bien, sont les miens.

La deuxième chose à retenir, c’est qu’il ne faut prendre aucun gant avec la presse. La presse est contre nous, elle est contre le peuple. J’ai été le patron de Reporters sans frontières pendant 23 ans, j’ai été journaliste durant 35 ans. Naïvement, quand j’ai choisi ce métier, j’imaginais que la presse devait être au service de ceux qui étaient du mauvais côté, de ceux qui n’aient pas réussi… Et qu’est-ce que je constate aujourd’hui ? Que l’immense majorité des journalistes sont toujours du côté du manche, du côté des gagnants... Il faut en tirer toutes les conséquences. Demain au pouvoir, il faudra commencer par supprimer toutes les aides publiques à la presse. On verra bien qui survivra, qui répondra aux attentes du public…

R&N : Un autre aspect marquant de la campagne de Trump est la place des réseaux sociaux. Est-ce quelque chose à ne pas négliger pour 2017 ?

Robert Ménard : J’en parle également dans ce livre. Les réseaux sociaux, les médias alternatifs sont indispensables, non seulement parce qu’ils offrent une information différente mais également parce qu’ils sont un espace où l’on se retrouve, où l’on se rend compte qu’on n’est pas le seul à penser ainsi.

R&N : Vous écrivez aussi qu’ils ne remplaceront jamais les médias traditionnels.

Robert Ménard : Non, ils n’ont pas encore la puissance suffisante. Encore qu’avec la victoire de Trump, on est en droit de s’interroger…

R&N : Vous écrivez que les patriotes, s’ils ont le pouvoir, devront agir assez vite.

Robert Ménard : C’est l’expérience que j’ai tirée des erreurs à une toute petite échelle, celle de ma ville : il faut réagir immédiatement. Il ne faut pas hésiter à se séparer d’une partie de ceux qui peuplent la haute administration. Un peu à la manière du système américain.

R&N : Et d’un point de vue législatif ?

Robert Ménard : Je crois qu’il va falloir, dans un premier temps, diriger ce pays par ordonnance. Vous avez vu l’hystérie médiatique entre les deux tours des régionales ? Vous imaginez ce que cela va être entre les deux tours de la présidentielle. Alors si Marine Le Pen l’emporte… Il faudra aller vite et frapper fort !

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