L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
J’ai encore été le témoin des vertus d’une société traditionnelle, dans de petites choses de la vie courante.
Lorsque l’on s’installe au Japon, il est nécessaire de réaliser un certain nombre de formalités à la mairie où il faut s’enregistrer, à la banque – afin d’ouvrir un compte destiné aux virements automatiques des paiements du loyer – et aussi à l’école. Ce qui frappe le Français contemporain, qui a perdu l’habitude de vivre dans une société traditionnelle, est l’accent mis sur la relation humaine à tous les instants.
Lorsque l’on entreprend ainsi une démarche quelconque, il est nécessaire de se déplacer, de remplir physiquement tel ou tel formulaire et de le remettre à la personne en charge, même pour des affaires qui peuvent nous sembler bien insignifiantes. À l’école par exemple, en ce qui concerne une fiche de renseignements. Alors que chez nous, dans toutes les écoles du même genre, tout se fait par informatique et à distance, il faut ici renseigner par écrit un formulaire, manuscrit. De même dans les magasins ou les clubs, où l’on demande systématiquement de remplir une fiche, même succincte, de renseignements personnels. L’objet n’en est pourtant pas un machiavélique plaisir bureaucratique !
Le Japon – premier pays en matière de population robotique, et qui reste une très grande puissance dans le domaine des nouvelles technologies – conserve cependant des habitudes qui peuvent paraître arriérées aux pauvres occidentaux que nous sommes. En fait, il n’y a rien d’arriéré là-dedans. LA technologie n’est pas au Japon le prétexte d’un changement de la base de la société. Elle reste un simple outil au service de l’homme mais elle ne peut en aucun cas déstabiliser les principes de cohésion sociale et les relations dans la société. Si cela arrivait, comme chez nous, ce serait juste un effet collatéral d’une dégénérescence inévitable, ou bien de maléfiques pensées subversives qui désireraient introduire le mal dans une société qui marche de façon satisfaisante – et qui vise toujours à tirer les hommes qui la composent vers un certain bien ; elle exclut le mal – notre société a « reconnu » (comme si l’homme ne pouvait pas toujours faire le mal) le droit aux hommes de faire le mal, par la révolution, le meurtre et le parricide, trois notions qui ne se quittent jamais d’une semelle.
Cette conception est contenu dans l’idéogramme – le kanji – 人(hito). Ce kanji signifie « homme » et représente en fait deux hommes qui s’appuient l’un sur l’autre. En d’autres termes, la pensée extrême-orientale définit l’homme comme un être qui doit s’appuyer sur ses congénères. Cela permet de mieux comprendre la teneur de la société japonaise, et sa force qui ne peut pas être atteinte par des outils – la technologie. Tant que les Japonais auront les kanjis, ils seront saufs car, en les étudiant, ils apprennent leur histoire et il leur est transmis des milliers d’années de sagesse accumulée – qui est l’idiot qui a dit que l’apprentissage des kanjis formatait l’esprit par le par-cœur ? Non, les kanjis apprennent la discipline, la poésie, l’histoire, la philosophie et d’autres façons de sentir – et puis les syllabaires, sortes d’alphabets, font très bien office de jeu combinatoire : les Japonais ont eux aussi de bons mathématiciens. Pauvres de nous qui vivrons dans l’oubli de notre langue, de nos prédécesseurs, de nos ancêtres ! Comment l’homme – 人 – seul pourrait-il être heureux ? Heureusement pour le Japon, dire que l’homme est individualiste est une contradiction dans les termes...
Une dernière illustration de ce genre de sensations est le téléphone public. Chez nous, il a pratiquement disparu et, lorsque – cas rarissime – il existe encore, il est inutilisable : soit complètement dégradé, soit nécessité d’une carte prépayée que l’on n’a évidemment pas sur soi. Au Japon, malgré la généralisation des téléphones portables, les postes publics n’ont pas disparu : ils sont toujours aussi prospères. Comme quoi, portables et postes publics peuvent faire bon ménage, et l’apparition d’un être n’explique pas la disparition d’un autre. Le maintien du téléphone public est aisé à comprendre, et tout à fait naturel : portables ou pas, il peut toujours exister des situations d’urgence, des lieux isolés où le poste public est toujours utile. En particulier, il suffit d’avoir quelques pièces de monnaie sur soi et on peut l’utiliser, rien de plus simple ; et, en plus, on garde la liberté de téléphoner de n’importe où, ou presque, sans être contraint de posséder un téléphone portable.
Le Japon n’est mystérieux qu’à l’homme moderne, celui qui ne connaît rien de plus que le contemporain. Regardez le Japon avec un œil rodé à la tradition vivante, et tout devient plus facile. Regardez votre société avec ce même œil, et tout semblera plus simple. Les causes des problèmes se révéleront naturellement.
Le R&N a besoin de vous !
ContribuerFaire un don
Dernières dépêches : [NOUVEAUTÉ] Sortie du jeu de société chrétien « Theopolis » • Retour de la communion sur les lèvres à Paris • Etats et GAFA : l’alliance impie est en marche • [CHRISTIANOPHOBIE] Retour sur le concert raté d’Anna von Hausswolff • [ÉGLISE] Les hussards de la modernité à l’assaut des derniers dogmes de l’Eglise • [IN MEMORIAM] Charles, entre idole des jeunes et divinité laïque • [CHRÉTIENTÉ] L’épée d’Haïfa et la chevalerie rêveuse • Le service public l’a décrété : le wokisme n’existe pas • [IN MEMORIAM] L’Heure des comptes viendra-t-elle bientôt ? • [IN MEMORIAM] 4 novembre 1793 : Louis de Salgues de Lescure
Le Rouge & le Noir est un site internet d’information, de réflexion et d’analyse. Son identité est fondamentalement catholique. Il n’est point la voix officielle de l’Église, ni même un représentant de l’Église ou de son clergé. Les auteurs n’engagent que leur propre conscience. En revanche, cette gazette-en-ligne se veut dans l’Église. Son universalité ne se dément point car elle admet en son sein les diverses « tendances » qui sont en communion avec l’évêque de Rome : depuis les modérés de La Croix jusqu’aux traditionalistes intransigeants.
© 2011-2025 Le Rouge & le Noir v. 3.0,
tous droits réservés.
Plan du site
• Se connecter •
Contact •
RSS 2.0