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Du substitut à l’artifice : PMA et GPA
Le débat a pris un tour surréaliste quand la procréation médicalement assistée (PMA) a fait irruption sur le devant de la scène. Je me dois de faire amende honorable auprès de ceux de mes amis qui le brandissaient déjà alors que je m’escrimais mollement contre le mariage et l’adoption — ceux qui m’ont lu à l’époque auront peut-être noté sous ma plume un ton beaucoup plus vindicatif aujourd’hui. Quand je vois la vitesse à laquelle cette idée a progressé dans la société, et aujourd’hui combien de gens sont prêts à défiler, comme aux heures les plus sombres de l’eugénisme, pour le droit au bébé hors-sol, je mesure ma naïveté. Je le dis franchement : quand il s’agissait de l’adoption, on s’éloignait d’une loi naturelle et cela me dérangeait, maintenant qu’on évoque la PMA, voire la gestation pour autrui (GPA), comme notre ministre Najat Vallaud-Belkacem qui en faisait la promotion sur son blog en 2010 (voir « Gestation pour autrui, l’éthique du don »), on vire au délire complet. On ne prend plus ses aises avec la nature au nom de la culture, on va à la fois contre la nature et contre la culture. Ce n’est plus dérangeant, c’est dangereux.
La PMA, premier aboutissement d’une logique de confort, celle du droit à l’enfant : puisque nous ne pouvons pas enfanter à deux, et que nous souhaitons tout de même parfaire notre progéniture du début à la fin en la portant nous-mêmes, passons par l’étape éprouvette ! Après tout, pourquoi nous la refuserait-on puisqu’on l’autorise pour les couples hétérosexuels stériles ? L’argumentaire est parfaitement spécieux. La PMA est aujourd’hui autorisée à titre médical, c’est-à-dire que l’on aide des couples qui découvrent leur stérilité suite à des examens médicaux à la surmonter. Dans le cadre d’une relation homosexuelle, la stérilité n’est pas un accident de la vie, elle est constitutive du couple.
C’est pourquoi la PMA médicale ne doit pas servir de paravent à la PMA de confort. Si demain on passe outre le critère médical et que l’on institue en bonne et due forme un mode de procréation non-naturel, sur quel chemin s’engage-t-on ? Quid des couples hétérosexuels qui souhaiteraient — on peut l’imaginer — planifier une grossesse entre deux dates très précises ? Après tout, on commence ici et là à congeler des ovules, c’est un premier aperçu. Au nom de quoi empêcherait-on ces couples de se rendre dans un laboratoire privé afin de passer commande ? La loi n’y pourrait rien, sauf à introduire une distinction ubuesque entre couples homosexuels et hétérosexuels : la PMA de confort, autorisée pour les premiers, serait interdite aux seconds ?
Ce faisant, nous nous engagerions par ailleurs sur la voie de la distinction entre géniteurs et parents : il ne serait plus nécessaire d’avoir conçu un enfant pour l’élever, puisqu’il serait parfaitement possible de recourir au don de sperme pour se passer de la moitié de son ascendance. Remplacer les pères par des éjaculateurs en batterie, quel beau projet de société ! Heureusement que les modernes sont là pour faire profession d’amour... Et demain, si l’on autorise les couples lesbiens à avoir des enfants dépositaires de la moitié de leur capital génétique, celui de l’une des mères, au nom de quoi le refuserait-on aux couples gays ? Après tout, quand on s’engage dans cette « marche pour l’égalité », il faut avoir le courage d’aller au bout. Qui oserait s’opposer à cette logique, une fois le principe accepté ? C’est différent, nous dit-on, car pour les couples d’hommes il y aurait recours à un tiers, la mère porteuse. La PMA ne suppose-t-elle pas elle aussi le recours à des tiers, que l’on nomme donneur de sperme ou médecin biologiste (terme plus poétique qu’inséminateur artificiel) ? Le coup de main et le coup de pipette ne tiennent qu’à leur bon vouloir.
Dans cette société parfaitement néo-libérale, où la séparation des tâches aurait été poussée au bout de sa logique, nous pourrions trouver d’un côté les pourvoyeurs d’enfants — l’offre — et de l’autre les couples demandeurs, avec quelques intermédiaires, laboratoires, cliniques et autres agences de mères porteuses. Fini l’amour courtois, place à la loi du marché. On me dira que j’exagère. Qu’on lise Najat Vallaud-Belkacem ! Bien sûr, tout comme on préfère appeler « mariage pour tous » le mariage homosexuel, on préféra présenter sous des atours autrement plus séduisants cette marchandisation du corps humain — oui, « marchandisation » car, comme le rappelle si bien Mgr Centène, « on n’a jamais vu une femme riche porter l’enfant d’un couple pauvre, fût-il homosexuel ». On parlera d’altruisme, de générosité, de geste désintéressé ou bien encore d’éthique du don. On est prêt à toutes les hypocrisies au nom de l’amour et d’un progressisme parfaitement galvaudé.
Alors que l’adoption et la PMA relèvent d’une logique de soin, c’est-à-dire qu’il s’agit de corriger un état de fait issu d’un accident de la vie (mort des parents, extrême précarité, abandon, stérilité suite à maladie), l’adoption pour les couples homosexuels, la PMA « pour tous » et la GPA relèvent d’une tout autre logique : le deux ex, car il ne s’agit plus de corriger un état de fait mais bien de le créer ad initio. On ne soigne plus, on fabrique. On se substitue à la nature. Nous sommes aux portes de Gattaca, à chacun de choisir en conscience.
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