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Le grand Mourzouk : voilà un titre à coup sur étonnant, pour un ouvrage qui ne l’est pas moins. Publié en 1969 et réédité cette année aux éditions Via Romana, ce court roman de Ghislain de Diesbach mêle habilement utopie et contre-utopie. Suite d’anecdotes fantaisistes et de dialogues savoureux, Le grand Mourzouk ne vous décevra pas.
C’est que, bien qu’écrit il y a plus de quarante-cinq ans, ce roman incisif évoque des angoisses toujours d’actualité. Gorgé d’humour, il n’a pas pris une ride. A travers les rencontres d’un jeune Candide germanique, du nom de Friedrich von Schmerlau, le lecteur découvre le tableau singulier d’une France monarchique dans les années 1970.
Jadis en proie à l’anarchie, livrée au pillage des bandes de malfrats des faubourgs, envahie par de nombreux extra-européens, la France a enfin opéré sa propre reconquista. Au terme de batailles d’anthologie menées dans les banlieues françaises - les grandes victoires d’Aubervilliers et de la Chapelle, sans oublier le combat de Saint-Denis et la prise du Trocadéro-, le pays connaît une seconde jeunesse. Le régime républicain est aboli, laissant place à une monarchie dirigée par un homme improbable : le grand Mourzouk, Son Altesse le Prince Régent. Officier de spahis, né d’un légionnaire et d’une femme touareg, il est l’homme providentiel grâce à qui la contre-révolution fut un succès. Ironie de l’Histoire : c’est par la poigne de cet homme à moitié nord-africain que la nouvelle monarchie française a expulsé les millions d’extra-européens ayant pris souche en France au XXè s. Mais la remigration de masse n’est qu’un point de détail des grandes manœuvres du Prince Régent. Sous ce nouvel Auguste, la France, coupée du reste du monde, se croit à nouveau dans sa prime jeunesse : celle d’un XVIIIè s. fantasmé.
C’est ce décor que découvre notre Friedrich, fraichement débarqué de la patrie de Goethe. Rendant visite à un haut dignitaire du régime, ami de son père, le jeune teuton visite la capitale, court de gala en réception. Depuis l’avènement du Prince Régent, Paris s’est mué en bal viennois. On a chassé les automobiles, fermé les usines, détruit les banlieues, et les bruyantes voies ferrées du pays ont été démantelées. La capitale est devenu un écrin où chaque homme, civil ou militaire, est tenu de porter un uniforme de gala, façon hussard austro-hongrois, avec force brandebourgs, fourragères, martingales, schakos et autres czapkas, sans oublier les bottes de cavalerie... Une nouvelle aristocratie est installée, tandis que le régime organise quotidiennement de dérisoires manifestations d’opposition auxquelles participent les rescapés de l’expérience soixante-huitarde. Ces pauvres hères sont les seuls à détonner, au milieu d’un décor somptueux, réglé comme du papier à musique. Les musées nationaux ont été dépouillés de leurs chefs-d’œuvres classiques, que l’on installe à nouveau chez les particuliers. Oubliés, les alignements de Phidias et les rangées du Caravage qui faisaient la renommée du Louvre et de nos galeries. Les oeuvres quittent l’entassement des grands musées pour un un logis de l’Île Saint-Louis ou un hôtel du VIIè... Mais c’est la nation que l’on muséifie.
Car si la France du « grand Mourzouk » est élégante, rafraichissante, et vous changera certainement de votre quotidien passé dans les transports en commun, elle n’en est pas moins dérangeante, car figée et dépourvue de spontanéité. C’est là tout l’intérêt du roman de Ghislain de Diesbach : à l’utopie séduisante, celle d’un pays libéré de ses illusions démocratiques et retrouvant l’élégance passée, se mêle la contre-utopie d’un univers chatoyant mais fade, d’un monde d’opérette oubliant peu à peu cette petite flamme d’incertitude qui apporte du sel à l’existence. Cet étrange gouvernement est-il appelé à durer ? Vous le saurez en dévorant ces quelques deux-cent pages pleines d’humour.
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