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La liberté de Castellucci et de Garcia vaut-elle mieux que celle des chrétiens pakistanais ?

23 novembre 2011 Jean Herbottin

Pendant que des chrétiens manifestent leur indignation face à une pièce de théâtre, d’autres n’ont même plus le droit de prononcer le nom du Christ.

Au Pakistan, le nom de Jésus-Christ aurait pu être interdit de séjour sur les missives impalpables (comprenez SMS). Autrement dit, il aurait été interdit d’être chrétien au Pakistan. Cela ne voulait dire rien d’autre. Dans cette terre où l’enseignement du Christ pénétra avec Saint Thomas aurait de fait été interdit de professer le nom de Jésus. Depuis longtemps déjà, les médias chrétiens interpellent les pouvoirs publics sur le drame que vivent nos frères d’Orient. Que ce soit en Egypte, en Irak ou au Pakistan, le Christianisme est mis au ban des sociétés. Il ne manquait plus que l’interdiction… C’est presque chose faite. Chaque jour nous apporte son lot d’attaques nouvelles. Chaque jour un attentat, chaque jour une loi, chaque jour un assassinat. Cette histoire, qui finalement se termine bien, pose une autre question, plus franco-française… Est-on aussi sensible à la liberté des croyants qu’à celle des artistes ? Cette question est remplie de ma malice habituelle, mais je n’hésite pas une seconde à la poser. Existe-t-il une hiérarchie entre les libertés, et entre les groupes sensés les exercer ?

Je m’explique. A part le Point, aucun journal n’a daigné en parler. Il fallait fouiller la toile du côté du Salon Beige ou de Chrétienté info pour avoir une information sur ce fait. Il est vrai que les grands journaux sont focalisés sur des croisades plus essentielles, à savoir l’ignoble tentative des ultra-catholiques de suspendre la liberté d’expression en osant prier devant des théâtres ! Je ne suis pas un fanatique de la manifestation, certes. Je préfère de loin la démarche de la paroisse Saint Germain de Rennes, ayant organisé une soirée de prières sur le concept du visage du fils de Dieu face aux provocations de Castellucci. Je trouve cependant étrange le sens des priorités des journalistes.

Si la liberté d’expression est fondamentale, allons jusqu’au bout ! Les manifestations sont tout à fait légitimes, puisqu’il s’agit d’un exercice de la liberté d’expression. Certes, elle est exercée contre l’expression d’autres, mais c’est ce que l’on appelle le débat… Et celui-ci ne peut exister qu’à condition que chacun agisse en cohérence avec ses convictions. Comment prendre au sérieux la presse qui nous parle de liberté d’opinion et de conscience, et qui se moque du fait qu’aurait pu être interdit le nom de Jésus de la correspondance Pakistanaise ? Comment la prendre au sérieux quand elle opère des amalgames mesquins ? Son rôle n’est de fait plus d’informer, mais de duper.

Je comprends bien qu’il faille opérer une « hiérarchisation de l’information ». Je le fais moi-même… Mais à en juger d’après nombre de journalistes, la liberté des artistes vaut mieux que la liberté de conscience de millions de chrétiens. Le simple fait d’écrire des tartines sur des manifestants exprimant pacifiquement leur désarroi, tout en évitant soigneusement de parler des pressions intolérables exercées sur les minorités chrétiennes est un indice accablant de cette incohérence coupable. Alors soyons sérieux un instant, voulez-vous ? Les manifestants n’entravent la liberté de personne, hormis une extrême minorité qui s’est déchaînée le premier jour du spectacle de Castellucci. Par la suite, ils se sont contentés de prier, chapelets à la main. Tout ceci n’a aucune commune mesure avec les entraves à la liberté de conscience exercée par les gouvernements du Pakistan, d’Arabie Saoudite ou de Chine. Si la première information doit évidemment être couverte par les journaux, la deuxième est sans aucun doute bien plus cruciale. Cette distorsion démontre une vision étrange de la hiérarchisation… Un petit tuyau, mes amis journalistes : c’est l’information qu’il faut hiérarchiser, pas les libertés.

23 novembre 2011 Jean Herbottin

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