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La tyrannie des bisounours

7 novembre 2011 Jean Herbottin

« Les Seniors » au lieu des vieux. « Les personnes issues de la diversité », au lieu des noirs. « Les progressistes » au lieu des cons… J’en passe. Ces mots, qui chaque jour nous rebattent les oreilles, et qui contribuent grandement à doubler le volume de n’importe quel texte officiel, sont autant de métastases de ce cancer qui s’étend impitoyablement en France : le politiquement correct. Quand j’entends ces mots, je sors mon révolver, comme disait un grand humaniste des années 30.

Cette tumeur, importée des Amériques par nos bonnes vieilles associations vigilantes et citoyennes de gauche, semble s’acclimater de manière formidable sous nos latitude, et ne cesse d’essaimer, petit à petit, les germes de l’aseptisation totale de notre société, une société multiculturelle, post-raciale, dans laquelle tout le monde, qu’il soit blanc ou noir – issu de la diversité, pardon, grand ou petit – de petite taille, pardon ; beau ou moche – représentant de la diversité physique, pardon ; intelligent ou con – footballeur, pardon, aura sa place, nonobstant sa différence. Aaaah, qu’il serait beau, ce monde ! Cela dit, je crains que les conversations ne se rallongent, à force d’employer des périphrases aussi disgracieuses qu’inutiles pour qualifier la moindre chose. Mais enfin, c’est un autre débat. De toute façon, on ne lutte pas contre le courant… Celui-ci étant d’une force herculéenne.

Il est vrai que dans une démocratie, où sont représentées un nombre de communautés incalculables, un féroce besoin de reconnaissance peut se faire ressentir. Il est vrai qu’il existe des discriminations, et que certains mots peuvent blesser certaines sensibilités. Vous remarquerez d’ailleurs que les nouveaux mots prônés par les grands-prêtres de la bienpensance s’appliquent uniquement à des catégories soit discriminées, soit décalés par rapport au discours ambiant, et aux modes du moment. Comme si changer de mot allait résoudre le problème… Que l’on soit un « sénior » ou un « vieux », le résultat sera le même : le mot « sénior » n’est en rien une fontaine de jouvence. Que l’on soit « noir » ou « issu de la diversité », le résultat sera le même. Ce n’est pas le fait d’être issu de la diversité qui vous évitera les contrôles au faciès. Que l’on soit « cul de jatte », ou « personne à mobilité réduite » (je crois que là, on atteint le sommet), ce n’est pas ça qui vous fait vous déplacer avec plus de facilité. S’il s’agit là de ne pas froisser les sensibilités, c’est d’une part inutile, d’autre part malhonnête, et enfin complètement con.

Après, vous me direz, ces choses-là prennent du temps, dans quelques décennies, les gens auront un autre regard sur ces minorités. N’est-ce pas là où le serpent se mord la queue ? En effet, en se creusant la tête pour trouver des noms aussi abracadabrantesques les uns que les autres, on entretient la dynamique de séparation des communautés les unes par rapport aux autres. « La diversité » n’est constituée que des « personnes issues de l’immigration ». Et les Français « de souche » (oh, le mot pas beau, vilain, caca, beurk), ils font partie de quoi ? D’un autre groupe. Du groupe des oppresseurs racistes fascisants, sans doute. Le groupe de ceux qui ont déporté, tué, massacré, violé. Certes, ce ne sont pas eux qui sont discriminés, mais faire de telles distinctions est le meilleur moyen pour qu’aucune intégration ne soit possible. Mais non ! Ah oui ! Je suis bête ! On en veut plus du vieux modèle d’assimilation. Je me disais, aussi ! Quelle andouille je fais ! Maintenant, la France, c’est l’Auberge espagnole. Pardon, excusez-moi, je l’avais oublié.

C’est quelque chose d’assez grandiose que nous vivons. Le politiquement correct infiltre tellement notre langage qu’il en vient à faire oublier l’Histoire, voire même, à la changer. Ce qui m’amuse, si je puis dire, c’est toute cette litanie de repentance sur l’esclavage. C’est ma faute, ma faute, ma très grande faute ! Fouettons-nous tous, car nous avons sur nous la marque infâme des poseurs de chaînes ! L’œil est dans notre tombe, et nous regarde… Je ne dis pas que l’esclavage était une partie de plaisir… Je ne suis pas révisionniste. Cela dit, ceux qui pressent, qui poussent, qui hurlent, qui prient pour toujours plus de repentance commettent pour moi un crime qui vaut son pesant d’or. A les écouter, les méchants blancs ont pris les gentils noirs solidaires et citoyens et les ont amenés en Amérique pour travailler dans des champs de coton en chantant du blues. C’est sûr, les « blancs » n’étaient pas travaillés nécessairement pas des intentions d’une grande noblesse. Mais à y regarder de plus près, si on lit les œuvres de Monsieur Pétré-Grenouilleau, on s’aperçoit que 98% des esclaves étaient vendus par d’autres noirs aux négriers. Ça ne rend pas le trafic glorieux, mais ça a le mérite d’être clair. La solidarité noire tant vantée est un mythe… Peu importe à nos tenants du discours multiculturaliste. La France a commis le péché d’esclavage, elle doit payer… Dans l’Histoire, on n’a jamais vu ça. En effet, si les européens ont envoyé dans leurs champs de canne à sucre entre 8 et 12 millions de noirs, les Arabes ont sévi de manière similaire, tout aussi monstrueuse, avec entre 15 et 20 millions de noirs. Personne ne leur demande pourtant des comptes. De ce côté-là, je trouve cela tout à fait rationnel. Je reprendrais cette phrase de Papy fait de la résistance, qui m’amuse beaucoup, pour illustrer une loi fondamentale de l’Histoire : « Ce ne sont pas des déménageurs, c’est l’armée du Reich. Ce sont des envahisseurs ! Attila n’a jamais remboursé un seul centime, ça se saurait… ». Devons-nous demander des réparations aux italiens pour l’esclavage commis sous l’empire de Rome ? Je suis désolé de heurter vos sensibilités, âmes modernistes, mais vous, avec votre intégrisme de la médiocrité, votre relativisme à tout crin, votre humanisme béat et votre culture Ikéa, sans cesse, impitoyablement, inlassablement, vous violez la mienne et celles de milliers d’autres personnes. Ainsi, je lance ce cri de haine, et comme le dit une de vos porte-étendards, Cécile Duflot, j’ai envie de dire « fuck ».

A ce train-là, mes chers amis bienpensants, jusqu’où irez-vous ? Aujourd’hui, c’est Tintin au Congo que vous censurez, et demain, qu’est-ce que vos sirènes considèreront comme étant impropre et impur ? Ronsard, pour dévaloriser l’image des séniors ? Pascal, pour son anti-islamisme ? Bossuet, pour son catholicisme ? Shakespeare pour sa judéophobie ? Jules Ferry pour son colonialisme ? Voltaire pour son racisme ? J’en oublie des dizaines, des centaines, qui passerons sous les fourches caudines de la censure libérale moderne et citoyenne. Qu’enseignera-t-on alors aux enfants ? Harry Potter ? Encore qu’il n’y ait pas assez de diversité, ce me semble. Il faudra demander à Madame Rowling d’ajouter un peu de « minorités visibles », bien qu’il y ait des rouquins, je l’avoue.

J’ai, à vrai dire, mais peut-être me trompé-je, très peur de ce qui peut arriver. L’on entre à grands pas dans une période où la connaissance l’emporte sur la culture, jugée trop peu démocratique. Certes, le niveau scolaire général monte, les jeunes savent plus de choses aujourd’hui qu’autrefois, restant plus longtemps à l’école. Mais si l’on creuse, que connaissent-ils au juste ? Des sciences, ce qui est très bien, mais l’Histoire est laissée aux oubliettes, tandis que les lettres s’effondrent. La littérature enseignée à l’école se limite au XXe siècle, un peu de XIXe, les lumières, point final. Demandez à un élève de quatrième qui est Bossuet, vous verrez sa tête…

Certes, je m’éparpille, mais force est de constater que le mouvement social est global, et que les « lumières » du libéralisme politique débridé ne souffrent aucun vestige d’un passé aux pensées différentes des leurs. Il s’agit là d’un terrorisme intellectuel des plus féroces, un totalitarisme mou, car sympathique, mais tout aussi démagogique et ravageur. Tout commence par changer les mots, puis les pages, puis les livres, puis l’Histoire. Certes, aucune vie n’est menacée. Mais l’endoctrinement n’en demeure pas moins pressant. Il est plus insidieux, plus « sympa », plus « cool », plus « fun ». La puissance n’est plus celle des armes, mais de la bonhommie fate d’intellectuels pensant que changer un mot ou qu’éliminer un livre est la panacée à tous les problèmes sociaux. Voilà dans quelle illusion nous sommes. Nous entrons en pleine tyrannie des bisounours : un monde tout joli, plein d’illusions, mais surtout très bête.

7 novembre 2011 Jean Herbottin

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