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Le comportement des touristes ou l’individualisme à l’état pur


Imaginez la scène : nous sommes le 15 août 2013 à Lyon. La basilique Notre-Dame de Fourvière est pleine, si bien que certains devront suivre la messe à l’extérieur, sans même voir une seule fois le chœur. L’assemblée fervente s’est en effet déplacée en nombre afin de rendre grâce à la Vierge Marie en ce jour si particulier où Notre Seigneur nous invite à entrer dans le mystère de sa résurrection à la suite de Marie, sa mère. Cependant, un détail dérange : les fidèles ne sont pas les seuls en nombre : les touristes profitent aussi de ce jour de vacances et de beau temps pour venir admirer cette merveille architecturale qu’est la basilique. Ils ont d’ailleurs bien raison, mais la manière laisse encore à désirer.

Un comportement animalier

Sur les nombreux escaliers conduisant à la basilique on trouve un panneau invitant au silence sur lequel il est écrit : « messe ». En haut de ces mêmes escaliers, on voit la foule de fidèles qui déborde des portes de l’édifice : tout indique que la basilique est pleine à craquer et qu’une visite y est impossible. Mais rien n’est impossible à visiter pour un touriste professionnel, et ils sont en masse un 15 août midi, à venir voir cette masse blanche qui surplombe la cité rhodanienne ! Malgré la foule fervente ils entrent, ne serait-ce que pour voir un bout de frise, de plafond ou de vitrail ! Ou encore pour se faire prendre en photo en imitant la prière devant une statue d’ange qui ne fait que tenir un bénitier et qui n’a rien demandé à personne ! Et ce malgré un peuple pieux qui tente d’entendre les quelques mots du cardinal.

Combien de temps dure une messe ? Une heure ? Une heure et quart ? Certes, en cette occasion si particulière, elle a certainement duré une heure trente. Mais pour quelqu’un qui n’a rien d’autre à faire que de prendre quelques photos et de flemmarder dans les rues à l’affut d’un quelconque objet pouvant attirer la focale, une heure trente d’attente : ce n’est rien. Et bien non ! Le touriste est roi, la maison de Dieu et de la Vierge, un musée, les fidèles, une foule de figurants pour faire plus « vrai » ! Alors pas de chichi ! On dérange, on fait du bruit, on visite pour visiter mais sans respecter l’endroit que l’on découvre.

L’individualisme grandissant

Aujourd’hui, et ce n’est plus un secret pour personne, l’individualisme est roi. Chacun n’est autre que son nombril autour duquel la Terre tourne. Tout, dans notre société porte vers cet individualisme, on ne parle plus de personne mais d’individu, cet individu ne se référence pas à un groupe auquel il pourrait appartenir mais bien à sa citoyenneté. L’Homme n’est plus qu’un simple consommateur. Cet individualisme s’observe tant à un niveau sociétal qu’au niveau personnel : le couple n’est pas un don mutuel mais plutôt quelque chose que l’on prend à l’autre, les enfants ne sont plus faits par amour mais pour les allocs et puis… c’est mignon quand même ! Finalement, chacun est une bulle, une société à lui tout seul, qu’il doit faire évoluer et fructifier. Et s’il se casse la gueule, personne ne viendra l’aider, si ce n’est pour en profiter afin de gagner des points d’évolution que l’on gagne avec le regard des autres. L’Homme prend mais ne donne plus rien, il a des droits mais plus de devoirs.

L’individu animal

Le comportement global du touriste est l’image parfaite de l’individu. Bien sûr je ne condamne pas le désir d’enrichir sa culture personnelle en visitant tel ou tel édifice dans tel ou tel pays, je l’encourage même !

Ce que je condamne, c’est le fait de visiter dans le seul but de satisfaire une curiosité bien médiocre. « J’ai vu ci ! J’ai vu ça ! Je suis allé là-bas ! » : C’est le meilleur moyen de gagner le regard des autres ! Au pays des aveugles, les borgnes sont roi dit-on, car ils en voient plus que les autres. Celui qui a le plus de chose à dire se sent supérieur car les autres l’admirent et l’envient ! Alors on va gratter ce qu’on peut un peu partout, on va prendre une photo à l’arrache dans une basilique noire de monde sans se rendre compte qu’on l’empêche d’autres de prier. On prend le métro pour aller plus vite de Notre-Dame à la Tour Eiffel ! On fonce sur un musée dont l’entrée est libre et on en fait le tour vite fait pour dire ensuite : « Je l’ai vu ! », alors que l’on n’y serait jamais allé si la visite avait demandé un euro symbolique.

En somme, on court après une utopie fondée sur le regard que les autres portent sur soi. On voit mille choses sensationnelles mais on en ressort la tête vide sans avoir regardé ce qu’on a vu. D’aucun nous disent ensuite qu’il nous faut être fier du fait que la France soit la première destination touristique du monde. Finalement cela reflète bien la médiocrité de notre société : on regarde le soleil, admiratifs, afin d’oublier qu’on a de la boue jusqu’au cou.

Chouan Lyonnais

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