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Nouvelles Causeries japonaises – Absurde refus des mystères

Nouvelles Causeries japonaises

XIII – Absurdité moderne ou refus des mystères

À Hiyoshi

La société moderne peut exclure la religion et la spiritualité du domaine public et peut manipuler le langage afin d’en effacer jusqu’au souvenir chez bon nombre d’hommes. Elle ne peut cependant pas changer la nature humaine qui sollicite, de par sa condition, une métaphysique à cent lieues du matérialisme moderne. Cela est sans aucun doute lié à notre caractère fini et mortel, caractère qui peut néanmoins sentir le beau, le vrai et la perfection. Nous pouvons contempler la nature et le monde, et parfaire nos actions. Les mots ne peuvent contenir ne serait-ce qu’une parcelle infime de ce vaste monde accessible aux hommes, monde perçu sous des formes diverses et dans des expériences infinies. Platon cherchait le bonheur dans la contemplation de la vérité, Aristote dans l’entéléchie de l’action épuisant complètement sa fin. Les mots ont tendance à distinguer et réduire, à classer et discriminer, mais il ne faut pas oublier que tout est irrémédiablement mêlé et jamais pur. La métaphysique n’existe pas sans physique, et la matière porte l’esprit, nécessairement. La religion est ainsi une sorte de chemin dans l’approfondissement de cette réalité propre à l’homme, dont jamais ni les vérités ni la beauté ni la bonté ne sont épuisées. Finalement, ce que l’on appelle « Dieu » chez nous est une façon de désigner cette réalité qui s’impose à nous, mais que nous ne pouvons jamais, par force, saisir sous tous ses aspects et dans toute sa force. Des milliers de prédécesseurs n’ont cessé de labourer le chemin que nous devons à notre tour faire fructifier. L’Orient met lui aussi l’accent sur cet aspect irréductible de Dieu, traduit – entre autres – par la spiritualité du yin et du yang. La caricature de religion catholique que l’on nous enseigne aujourd’hui au catéchisme, sans même parler de la triste publicité qu’on lui fait sur la place publique, présente des traits terriblement modernes et délétères, traits qui occultent paradoxalement une grande part de son aspect fondamentalement religieux. Ce catholicisme là, aussi faussé que moribond, est comme résigné et vaincu, incapable de continuer à transmettre des vérités éternelles.
De nos jours, la présentation lambda du catholicisme consterne à cause de son évitement systématique des vraies questions et de la désincarnation de son message qui se réduit dorénavant à une sorte de morale gentillette, humaniste et bien moderne… Version édulcorée et enfantine qui donne l’impression que les catholiques de notre pays se sont amusés à aligner leurs faits et gestes sur la définition prêtée au mot « religion » par les pires anticléricaux…
Une simple petite remarque convertirait les masses, ou du moins ferait prendre conscience de toute la complexité de notre belle religion : la force de la transsubstantiation. Le sacrement essentiel et principal de l’Eucharistie, qui contient à mon sens et au vu de l’histoire toute l’originalité et l’essence du catholicisme, transmet de génération en génération l’expérience de l’incarnation. Pas de vrai là où il n’y a pas d’Incarnation. Ce n’est évidemment pas une simple commémoration historique, ni une métaphore quelque peu sidérale de la passion du Christ et de la « morale de Jésus ». L’Eucharistie ne porte son sens que dans l’expérience de l’Incarnation du Christ dans le pain et le vin : toute la foi catholique repose sur cet ancrage, à chaque fois, du Christ dans la matière. Il vient se mêler réellement à la matière du pain que l’on peut voir. Jésus-Christ n’est ni une belle idée, ni une sorte de transcendance inaccessible et éloignée dans un monde ésotérique : il existe en ce monde, réellement. La transsubstantiation représente cela d’autant plus fortement que cette incarnation sacramentelle est provoquée, ou plutôt invoquée. Mystère impénétrable : il n’est point question d’y croire ou non, mais de l’expérimenter ou non !
Je trouve que le sacrement central de l’Église est trop souvent occulté, comme pour conforter l’idée horriblement moderne que Dieu, totalement individualisé et ainsi simplifié, est complètement en dehors de ce monde, et peut se résumer – et donc être balayé – en quelques mots, de façon nonchalante et infamante… Dans les anciens temps, tout le monde était chrétien, car tout le monde reconnaissait le mystère. La religion était une voie, et se baptiser n’était que l’acte et le sacrement naturel pour s’engager dans cette Voie. La modernité s’est attaquée à la réalité des mystères, en voulant amputer le cœur de notre humanité en divinisant l’homme et en niant tout ce qui est , tout ce qui est beau, vrai et bon. Ces mots existent dans toutes les langues et définissent une réalité insaisissable de la réalité humaine et divine, réalité qu’il n’est pas question de nier. Sommes-nous tombés si bas, intellectuellement parlant, pour nier l’existence de quelque chose simplement parce que celle-ci est insaisissable ? Sommes-nous devenus si bêtes ?

Dieu existe, puisque les mystères existent ; là n’est pas la question. Dieu nous a peut-être créés à son image, mais cela ne signifie pas que Dieu est un homme, avec une volonté humaine et une personnalité humaine ; ce serait un peu trop simpliste. Dieu n’est pas à notre image. D’ailleurs, pour faire comprendre que notre monothéisme n’est pas monolithique, il faudrait peut-être rappeler le mystère de la Trinité. Ce dernier devrait bien faire réfléchir et balayer la vision d’un Dieu trop simple et total. Sans panthéisme, notre Dieu aussi s’incarne dans la nature, dans le pain, et existe par de nombreux phénomènes et de nombreux mystères. La seule question reste ensuite notre progrès sur le Chemin et dans la compréhension incarnée de ces mystères. Si les dogmes qui sont censés aider à l’expérience et à la contemplation semblent effrayants, pas d’inquiétude : tout ne se comprend pas d’un coup, et chacun peut avancer à son rythme, sur un chemin qui n’est de toute façon ni unique, ni uniforme.
Refuser la religion constitue l’absurdité la plus grande, et cela entraîne l’homme dans le refus de lui-même et dans l’hybris le plus total. Pourquoi ne pas reconnaître les mystères et s’atteler à l’approfondissement de ce , que nous appelons spiritualité et religion ?

Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, Pour la France, Pour le Roi

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