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Nombreux sont ceux qui ont, d’un revers bienvenu, cloué l’amphigourique thèse [1] de Priscille Touraille au carcan du banditisme intellectuel. Les facéties déjà datées de cette vieille fille obsédée par une cabale patriarcale qui aurait organisé la faiblesse physique des femmes grâce à des privations alimentaires ont le mérite d’être amusante ; cependant, quelques réflexions s’imposent vis-à-vis de cet extravagant fatras concocté par les alchimistes du complotisme charcutier.
Si nous en sommes à observer que se dressent, çà et là, des conclusions relevant d’un autisme intellectuel qui défie l’entièreté de la psychanalyse, c’est qu’elles ne sont qu’un aboutissement. Bien sûr, on s’esclaffe, on pouffe de leur absurdité. Pourtant, elles rongent en silence la charpente de conventions qui contenait déjà bien mal les ruées furieuses de la sauvagerie humaine. La plus remarquable de ces choses dont on se débarrasse sans y prendre gare comme d’un foulard miteux est sans doute la courtoisie. Comprendre ce qui amena le commun à de telles régressions permet aussi de saisir ce qu’elle dit de la vocation des hommes vis-à-vis de la femme, ce qui conduit nécessairement à l’urgence de sa sauvegarde. À cause de certaines opinions communes passées inaperçues, anodines et douteuses, chacun s’est vu conditionné à un déferlement de thèses toutes aussi malhonnêtes les unes que les autres. Allons-donc à rebours de ce champ de mort.
Parmi ces présupposés tissés d’une laine des plus grossières se trouve l’idée selon laquelle la femme serait plus faible que l’homme. Souriez, cyniques, car cette monumentale erreur est – chose étrange – l’apanage des défenseurs autoproclamés de la féminité. Outre l’absurdité immense des raisonnements de cette Touraille célébrée ex nihilo par un petit sérail de docteurs trop bien en chaire, le féminisme libéral était obligé d’adopter un tel discours afin de tenir debout.
Reprenons un instant les considérations de ces héritiers de la déconstruction quant à la différence sexuelle. La disparité manifeste entre les deux gentes leur hurlait au visage qu’elle n’était pas qu’un construit. On se devait d’agir, de maquiller l’odieuse vérité. Au comble de l’opprobre, puisque donner la vie n’est qu’un asservissement de plus aux yeux bien gâtés de ces cerveaux malades, leur avorton de logique les menait à la conclusion que l’homme dominait nécessairement la femme. Lui ayant retiré son caractère le plus propre, il ne restait entre les deux sexes qu’une différence notable : la force physique. Seule la force permet d’exterminer l’autre, la vitalité féminine n’étant qu’une condition triviale qui ne s’éprouve que dans le don ; or si la vocation politique de tout individu est d’étendre sont petit droit bien vil aux limites du possible quitte à briser les autres, quel est l’intérêt ? Si les femmes n’avaient pas cette force, c’est qu’elles étaient soit des esclaves naturelles, soit des esclaves culturelles. Au sommet du ridicule, il fallait faire un choix.
C’est la raison pour laquelle nous subissons souvent les convulsions d’une fin de race de derridiens diabétiques qui profite d’un carton d’invitation imprimé à contre-cœur pour une parade sentencieuse sous l’œil hagard des antennes françaises. Les féministes ont besoin d’un point médian et d’une conjuration bouchère pour faire tenir les fondations du lupanar qui leur sert d’école de pensée. La persistance singulière, agaçante de ce réel gloussant, cruel, au carreau des fenêtres les oblige à chausser des tessons pour des verres : il ne faudrait pas que la vérité s’insinue dans le temple du loufoque.
Rôdant à l’aveugle dans le paradigme de la lutte des sexes, le féminisme s’imagine maintenant que pour être l’égal d’un homme, la femme devrait posséder la même musculature. Le mythe grec qui fait le récit du feu que Prométhée a donné aux hommes pour réparer l’erreur de son frère qui ne leur avait rien concédé dans l’ordre du monde souligne une évidence : l’Homme n’a pas d’armes naturelles ; il doit s’en fabriquer. Il n’a ni griffes, ni pelage, ni cornes, ni brâme ; cette bévue capricieuse de la chaîne alimentaire est d’ailleurs aussi mal denté qu’un ruminant.
Touraille et ses compères sont donc passé à côté d’une réalité qu’on glosait déjà deux millénaires avant eux, et qui montre que la supériorité physique n’a aucune importance chez les êtres humain puisque pour combattre et survivre, ces derniers doivent nécessairement transformer la matière et s’en servir. Par conséquent, se plaindre de cela au mépris du fait que l’indéfinition est à jamais inscrite dans notre nature même est d’une absurdité manifeste. D’ailleurs, l’idée de hiérarchie physique entre les sexes se révèle être un démon de plus pour l’esprit.
La génétique n’est pas démocrate, c’est certain. Les squelettes masculins sont souvent plus charpentés que les courbes féminines. Mais bon sang, encore heureux ! Que resterait-il à l’homme dans le cas contraire ? La femme peut enfanter, pouvoir immense, glorieux, vibrant d’une puissance que rien n’égalera jamais sur la terre. Donner la vie, c’est le pouvoir d’un dieu ! Laissons-nous porter un instant par la folie de ceux qui voient l’Autre par excellence comme un ennemi de nature. La femme conçoit et porte la descendance des hommes, c’est-à-dire qu’elle possède, d’une certaine façon, leur pérennité, et qu’elle seule peut guérir les fièvres que leur donne l’appétit d’éternité.
Donc, si elle décide de l’affronter, elle l’écrase. S’il la tue, sa race prend fin. Il peut la forcer à concevoir, certes, mais elle s’enfuira. Et même si elle ne le peut, l’enfant sorti de ses entrailles détestera son père, et la descendance se retournera contre son géniteur. Elle tient l’homme dans sa paume, chose qui semble avoir échappé à beaucoup de gens.
Lorsqu’on dit que « la femme est le meilleur de l’homme », c’est à juste titre : Adam est un bien piètre automate, prototype d’un être dont la complexité et la force l’ont abasourdi. Et de siècle en siècle, malade d’une aînesse frustrée par la sœur préférée du Père, il tente en vain de comprendre pourquoi il ne sera jamais qu’un acolyte gauche et grossier. Si l’on voit le monde comme une bataille génétique, il n’a rien remporté.
Ceci étant dit, tous les développements possibles s’en trouvent bouleversés. En l’occurrence, cela permet de traiter une chose criante d’actualité. Il est en France une pratique centenaire que l’on nomme la courtoisie. Bien définie, elle est un signe, un témoignage circonstancié de la vocation des hommes. Il s’agit donc ici de savoir ce qu’elle est.
Ce qu’elle n’est pas, c’est le maintien de la « faiblesse » chimérique qu’on prêterait aux femmes, ni un rappel constant de leur infériorité. Lorsque l’on a grand soin d’un vieillard, ce n’est jamais seulement par pitié pour sa faiblesse : on ne voit plus que cela dans nos pères et nos mères, raison pour laquelle on les parque dans des bouges infects où ils survivent – littéralement – dans la merde, ce qui importe peu tant qu’ils se tiennent loin d’une famille qu’ils encombrent. La seule faiblesse ne motive pas la gentillesse commune.
Mais l’estime et l’importance le peuvent. Quand un maître d’hôtel raccompagne son client et lui ouvre la porte, il ne viendrait pas à l’esprit du plus grand des sots que la raison de cette prévenance est la faiblesse de l’obligé. Le marchand honore son client parce qu’il est important. La courtoisie se pratique pour la même raison, ou bien elle n’est qu’une barbarie maniérée. La protection d’une femme n’est pas un dû parce qu’elle est trop déficiente, trop frêle, trop molle, mais bien parce qu’elle est trop précieuse aux yeux du genre humain. Oui, vis-à-vis de notre espèce, la femme est plus importante que l’homme.
Il se doit de répondre aux besoins d’une femme parce qu’elles sont toutes comme sa mère. Souveraines responsables de l’avenir du monde, leur force de vie est à des années lumières de notre compréhension, et la courtoisie n’est en réalité qu’une juste contrepartie. Il est courtois de défendre une femme, car elle a bien mieux à faire que de se battre pour l’amour d’un strapontin, comme de risquer l’éclaboussure ou la mort sur le bord du trottoir. Elle a d’autres occupations parce qu’elle porte peut-être un enfant, ou qu’elle en a porté, ou bien qu’elle pense à le faire. Et même s’il ne lui arrive jamais aucun des trois, la courtoisie ne permet pas la spéculation puisqu’elle n’est pas bourgeoise. L’honneur commande qu’à celles auxquelles on doit la vie en ce monde, offrir un verre soit la moindre des choses.
Si certaines réprouvent pourtant le courtois, c’est qu’il existe un galant. Ce dernier, qui attend toujours quelque chose en échange, n’est qu’un être bâtard. Le terme était autrefois – avant la damnation libérale et ses suivantes venues pourrir la pâte – l’équivalent du premier. Cependant, dans les siècles du tourment qui achevèrent la Renaissance, on le corrompu tant qu’il se fit le comparse indéchirable de la séduction. La piété se fit moyen, le serviteur despote ; ainsi naquirent des temps qui méprisèrent la femme. Entre avorton moderne et rebut d’archaïsme, le galant utilise les arabesques de la courtoisie pour les marchandages du temps : il trousse la bonne, mais avec tact. Le charognard bien coiffé, du haut de ses grosses montres en argent, de ses chemises sans cravates et de sa barbe d’incube à versaillaise nubile, poursuit toujours le gain. Autrement dit, il ne vaut pas mieux que les autres : la méthode est plus douce mais tout aussi venimeuse. Ainsi se faufile le larron qui achète la dignité d’une femme pour le prix d’un Bourgogne.
À cause de ce galant-là, certains ont cru voir dans les bonnes manières une douce façon d’exploiter. Comme à leur habitude, les mousquetaires en paille qui défendent l’imposture que l’on nomme la justice sociale s’acharnent, la tempe au galop et le sang dans les yeux, à détruire religieusement tout ce qui empêche les autres de devenir esclaves, s’efforcent d’arracher les dernières reliques d’un culte vieillot pour que tous en soient témoins : frigide, acariâtre, anonyme, seule, divorcée par principe et stérile par conviction, voici la femme qu’on vous vend pour idole. Bradée telle une prune sur un grand étalage, il serait en effet très inconvenant qu’on la respecte. Comme l’eût si bien jugé Nicolas Davilla, « la liberté à laquelle aspire l’homme moderne n’est pas celle de l’homme libre, mais celle de l’esclave un jour de fête ».
La courtoisie, ennemie du galant, est une piété. C’est une dette à combler qui n’attend pas de retour : elle n’est que gratitude. Comme on remercie ses parents, on remercie les femmes, et il n’est plus question, devant la barbarie rampante, d’accepter la courtoisie : il s’agit de l’imposer.
De ces manières d’un temps qui respectait ses mères jaillit de lui-même la vocation des hommes. Charlotte de Kerennevel, dans les pas de Gertrud von Le Fort, remarque très justement que la femme, par sa maternité, saisit beaucoup plus naturellement que son homologue maudit le fait que l’honneur, c’est de « s’incliner ». L’effacement de soi pour l’autre est une aspiration qui dort dans le cœur de toutes les femmes.
Loin d’elle l’idée d’affirmer que ce n’est là qu’un rôle exclusif au beau sexe. Ce qu’elle peint dans son très beau papier, Soyons des Femmes de l’Éternel, c’est une soumission qui est sous-mission, c’est-à-dire qu’elle s’ordonne à la volonté de Dieu pour l’avènement de son règne. Mais ce qu’elle décrit n’est autre que la vocation de l’ensemble de ses enfants, et la femme n’est appelée à être épouse et mère seulement parce que l’homme l’est à être époux et père. Chacun se soumet à l’autre, parce qu’à travers lui se fait jour la fulgurante volonté de Dieu. S’en remettant tout entier à l’Éternel, l’homme se fait donc premier serviteur de sa femme.
S’ils refusent cette première allégeance, hommes et femmes basculent dans la dialectique. Et l’un des deux devient maître en ce monde, l’anéantissement des autres installant le règne méprisable de l’individu. Seule la sous-mission mutuelle précipite une paix qui n’est à trouver que dans ce qui nous dépasse.
Voilà pourquoi la courtoisie demeure ô combien importante. Elle rappelle à chaque instant aux femmes qu’elles trouveront toujours un serviteur pour accomplir une volonté divine éclatante de force. Elle se fait suivante, il se fait sentinelle, tous deux tourné vers un Prince n’est pas de ce monde. Elle perpétue l’œuvre divine, et il est né gardien de la plus ineffable des merveilles du monde.
Le triomphe de la sentinelle réside entier dans la tendresse intacte du cœur d’une femme défendu à tout prix des bassesses humaines ; car d’une beauté sans nom le feu blanc de ses yeux dansera à leur barbe, injuriant dans sa gloire tout ce qui, contre Dieu, dégénère son œuvre. Qui voit une fois ce feu sait la couleur du ciel, saisissant par-là même que l’homme d’honneur ne s’incline que deux fois, devant Dieu et sa femme.
[1] BARBIERA I., « Priscille TOURAILLE, Hommes grands, femmes petites : une évolution coûteuse. Les régimes de genre comme force sélective de l’évolution biologique », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 37 | 2013, mis en ligne le 02 septembre 2013, consulté le 08 mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/clio/11364
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