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Et Jésus pleura

Cet article fut perdu suite à notre piratage. Nous l’avons heureusement retrouvé. Eu égard à son caractère atemporel, il mérite une seconde publication.

J’ai toujours jaugé la foi au nombre de larmes que l’on versait, davantage qu’aux risées et aux sourires. A notre capacité à pleurer, dans la pénombre des églises et de nos cœurs méditatifs, à un Vendredi saint ou à un Mercredi des cendres, et à chaque fête où la pénitence est présentée comme instrument premier de sanctification personnelle. Ma vraie joie, c’est celle de la pénitence, de l’austérité de mon cœur qui se veut priant et aimant, humble et charitable, qui ne se permet pas de rire alors qu’il veut saigner comme le Cœur de Jésus transpercé et être couronné des épines du premier des martyrs. Je ne veux pas rire à l’église, je veux pleurer. Parce que la plus belle traduction de nos intériorités réside dans la plus petite des larmes davantage que dans le plus expressif des éclats de rire.
Cette larme, elle caractérise notre faiblesse, notre humilité d’hommes qui retourneront à la poussière, notre abandon à cette omnipotence divine qui nous fait frémir et trembler parce qu’elle retourne nos certitudes, nos présupposés, nous sauve en nous arrachant aux éructations bouffies des indolents qui se gavent et qui se vautrent. Ces larmes de joie, de souffrance, par-dessus tout de compassion envers » celles du Rédempteur de toute humanité qui, se faisant chair, nous les a lui-même données comme intime expression de notre être, elles viennent quand nous sommes tristes ou quand nous sommes heureux, et contiennent tout le sentiment le plus nécessaire, parce qu’elles ne trahissent pas, elles ne se dissimulent ni ne se refrènent. Elles sont le gage de notre sincérité et de notre piété les plus totales. Elles apparaissent comme essentielles, là où les cris et les claquements de mains me semblent inutiles et mêmes nocifs.
Nous pleurons pour que Dieu viennent sécher nos larmes, les psaumes le rappellent sans cesse. Ne pas pleurer, c’est ne pas avoir besoin de rédemption, c’est être assez sur de soi pour penser se sauver moi-même alors que d’aucuns savent qu’il est impossible de se sauver soi-même. « Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés » Mt V:4. Dès les débuts du christianisme, les larmes sont perçues comme une condition purificatrice essentielle, elles sont constituantes de la belle ecclésiologie du Moyen-âge oubliée des temps modernes, pourtant propres à la religion que Jésus-Christ a transmis à tous, puisqu’il a pleuré trois fois.

« Vers toi nous soupirons, gémissant et pleurant dans cette vallée de larmes ». Cette vallée, ce n’est pas une métaphore, une image ou un concept. En ces temps qui sont les derniers nous dit la liturgie, c’est un monde déchiré qui ne cherche plus la rédemption mais les plaisirs, les mondanités, pour paraphraser l’évêque de Dakar, visionnaire, qui mettait en garde contre leur recherche au mépris des larmes. Les plaisirs ne nous donnent pas les larmes, ils nous condamnent chaque fois un peu plus à la géhenne de la terre, entre violence, dépendance, haine et ostracisme de tant d’hommes qui s’y sont perdus, au début de plein gré, puis plus sans aucune prise sur leur devenir.
Arrêtons de rire, de nous goinfrer, de le vouloir. Ne suivons pas la théologie moderne qui nous y invite indirectement. Le sacrifice qui plaît à Dieu c’est un cœur brisé, celui du pauvre et du pénitent qui attend rétribution, puisque les riches et les rieurs ont déjà obtenu la leur.
Aujourd’hui, nous devons verser nos larmes dans un seul but : que Dieu vienne nous les sécher.
« Dieu essuiera toute larme de leurs yeux ; et la mort ne sera plus ; et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni peine » Ap. XX:1-4
Apprenons à pleurer, seul ou à l’église, comme la petite Thérèse dans le secret de sa cellule, comme le saint curé d’Ars au Saint-Sacrement de l’autel, comme sainte Rita couronnée d’épines, comme nous tous qui avons à cœur de leur ressembler. Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie. [1]

« Et glorifions nous dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience, et la patience l’expérience, et l’expérience l’espérance ; et l’espérance ne rend point honteux ; parce que l’amour de Dieu est versé dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné. » Romains V:3-5


[1Ps. CXXVI

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