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Dieu dans la ville est un petit opuscule signé de la main de Son Excellence monseigneur Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires que nous propose les inimitables éditions Téqui. Ce petit discours prononcé en 2012 (moins de 27 pages) recèle une mine d’or : il nous permet de saisir un peu mieux la vision pastorale de François Ier, profondément imprégnée par les rues bigarrées de la grande métropole argentine. Il s’agit essentiellement d’un rappel et d’une analyse des fruits théoriques élaborés lors de la conférence générale de l’épiscopat d’Amérique latine et des Caraïbes tenue à Aparecida au Brésil, ouverte par le Saint-Père Benoît XVI.
Comme nous y a habitué notre nouveau Souverain Pontife, le ton est décapant, tant il paraît d’abord éloigné des grandes préoccupations européennes. À la rigueur, par certains aspects, il faut même reconnaître qu’on a l’impression, ici et là, de retrouver un langage qui avait été celui de toute une partie du clergé européen, et singulièrement français, dans les années 1970 : ici il est question de « structures » et de « plan pastoral , organisé et articulé, qui intègre les paroisses dans un projet commun », là d’une dénonciation d’une « Église autoréférentielle ». Surtout, si le Pape François s’attarde longuement sur les « sans-papiers » [1], les exclus et les déshérités, on ne trouve pas un mot sur les femmes contraintes à l’avortement, ou sur la misère morale de certaines classes bourgeoises [2].
Mais monseigneur José Mario Bergoglio n’use pas de cette fameuse langue de buis, si commune à tant de ses frères évêques. Bien au contraire, car une lecture subtile de ses propos permet de reconnaître qu’ils ne versent pas dans le même sens que ceux qui ont causé tant de mal à l’Église par le passé. La nouvelle évangélisation du Saint-Père est teintée du prophétisme de Paul VI, de l’allant missionnaire que l’on trouve dans certaines communautés nouvelles, surtout, elle est christocentrée. Le second point du discours du Pape François Ier consiste à rappeler à quel point Jésus, entrant dans la ville, « produit (de l’effet) sur les gens qu’il croise ». Aussi les modes de la nouvelle évangélisation ne peuvent que se puiser dans les Évangiles.
Cet opuscule est d’autant plus important pour saisir finement la pensée du Saint-Père que sa vision de la ville est façonnée par la réalité du terrain. Cette réalité n’est pas toujours celle des villes européennes, mais dans notre contexte de mondialisation croissante, peut-être ne font-elles qu’accuser un retard. Si l’on déplore cette évolution, il ne faudrait pour autant perdre de vue le rayonnement du Christ dans les cités : « à un sujet plongé dans le métissage culturel et soumis à ses influences, nous avons besoin de nous reconnecter avec ce qui est “spécifiquement chrétien” pour pouvoir dialoguer avec toutes les cultures : avec une culture chrétienne, enracinée dans la foi, dont la hiérarchie des valeurs nous met à l’aise ; avec une culture païenne, dont les valeurs sont assez clairement perceptibles ; et avec une culture hybride et multiple comme celle qui est actuellement en gestation, et exige un plus grand discernement. »
Le Pape François Ier ne s’arrête pas là. Car sa vision pastorale, ce regard de foi porté sur la ville, il la met pour ainsi dire en parallèle avec la vision du Concile Vatican II : rupture, ou « renouveau dans la continuité » [3]. L’ancien archevêque de Buenos Aires relève donc que le tout est d’éviter la rupture. Comment juger d’un regard de foi ? : « Je pense, explique l’archevêque de Buenos Aires, que ce regard ne peut pas s’apprécier a priori, mais qu’il se justifie par ses fruits. Il n’a pas eu l’impact médiatique des herméneutiques “rupturistes”, mais donne des fruits à long terme. » C’est donc précisément dans ses fruits qu’il faut distinguer la justesse d’un regard de foi, d’une pastorale urbaine.
Tout le défi de la pastorale du Pape argentin se retrouve en somme dans le titre de son dernier développement. Cette sorte de paradoxe, le lecteur le voit rapidement poindre : car il s’agit pour le Pape François de proposer un Regard qui inclut sans relativiser.
[1] Il serait intéressant de voir si l’emploi de ce mot contestable est dû au Saint-Père lui-même ou au traducteur français.
[2] Cette remarque peut faire écho à un article intéressant du célèbre vaticaniste Sandro Magister : http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350544?fr=y
[3] Les nombreuses citations du Pape émérite Benoît XVI permet d’ailleurs de saisir la proximité intellectuelle des deux Papes.
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