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[EX-LIBRIS] Philippe de Villiers, testament politique d’un dissident

Recension de l’ouvrage de Philippe de Villiers, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, publié en septembre 2015 aux éditions Albin Michel. 352 pages.

Sa plume est de feu. Retiré de la vie politique, Philippe de Villiers a troqué l’épée du bretteur pour le papier de l’écrivain. Désormais, c’est à coup de tirages que se mène la grande bagarre. C’est là, au cœur du combat métapolitique, que le fondateur du MPF a choisi de croiser le fer, en laissant un épais ouvrage en forme de mémoires politiques. Rien d’étonnant pour l’homme de lettres et de mémoire qu’est Villiers, attaché aux grandes figures de l’histoire locale et nationale. Il y a plus de trois siècles, un autre Vendéen, évêque de Luçon et cardinal, Richelieu, laissait un Testament politique [1]. Gageons que l’ouvrage paru en 2015 fera date dans l’histoire de la droite française.

Témoin de la médiocrité ambiante

Philippe de Villiers : {JPEG}Sorti depuis trois semaines, il caracole en tête des ventes de livres politiques. Jadis brocardé par la classe médiatique, voilà Philippe de Villiers sur tous les plateaux, afin d’y livrer sa vérité, ou plutôt son constat amer. On y croise le regard désabusé d’un chevalier français face à la faillite totale d’une élite félonne.
Tout y passe : la tyrannie de la reductio ad hitlerum, l’antiracisme dogmatique accouplé à l’angélisme face à l’islamisation du pays, l’uniforme médiocrité de l’ENA, l’inculture des chefs d’État successifs depuis 1974, la corruption généralisée à Paris et Bruxelles, le truquage électoral, le grand remplacement et les 250 000 victimes annuelles de l’avortement. Jusque là, rien d’étonnant : à en croire les media de gauche, prompts à crier au loup, la pensée « néo-réac » a envahi le champ public, culturel et médiatique [2]. Ajoutons que Villiers a déjà écrit sur tous ces sujets, depuis la fin des années 1980 : Lettre ouverte aux coupeurs de têtes et aux menteurs du Bicentenaire (1989), Notre Europe sans Maastricht (1992), Dictionnaire du politiquement correct à la française (1996), Les Turqueries du Grand Mamamouchi (2005), Les mosquées de Roissy (2006) [3], entre autres. D’où vient alors le succès de son dernier ouvrage, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu  ?
Assurément, de son authenticité. L’homme n’est ni un chroniqueur ni un tabellion. Il ne disserte pas sur le pouvoir depuis une terrasse du faubourg Saint-Germain. Il vu le pouvoir de près, et l’ a exercé. Lui qui fut stagiaire de l’ENA auprès de Jacques Chirac, connaît mieux que quiconque la vacuité intellectuelle de l’ancien patron du RPR, malicieusement surnommé « le cavalier des steppes ». Ancien secrétaire d’État à la culture [4], le fondateur du Puy du Fou a pu mesurer combien, au cœur du pouvoir, la « droite » est incapable de promouvoir une politique culturelle enracinée, tant elle est prisonnière des canons de l’univers interlope des coteries bourgeoises-bohême et des facéties du « milieu » de l’art [5]. Député honoraire au Parlement européen, il sait que la souveraineté française n’est qu’une chimère depuis Maastricht, écho moderne du honteux traité de Troyes [6].
Surtout, premier lieutenant de la Vendée après Dieu, Philippe de Villiers connaît sa terre ; la nôtre ! L’âme de la France, la vraie, celle des provinces et des chemins creux, n’a pour lui guère de secrets. Gouverner un pays sans lui insuffler la mélodie de sa mémoire, diriger un peuple en ignorant son Histoire, voilà bien l’un des traits saillants de la post-modernité chère aux puissants : présidents, ministres, préfets, mais surtout commissaires européens, lobbyistes, banquiers, journalistes. Philippe de Villiers refuse cet effacement. La terre de France lui colle trop aux souliers.

Les dissidents passent à l’Ouest

Les Lucs-sur-Boulogne, discours du 25 septembre 1993
« Aujourd’hui, je le pense, les Français seront de plus en plus nombreux à mieux comprendre, à mieux estimer, à garder avec fierté dans leur mémoire la résistance et le sacrifice de la Vendée » (Soljenitsyne)

Paisible, le village des Lucs-sur-Boulogne n’est guère habitué au feu des projecteurs. Pourtant, cette localité vendéenne a déjà fait irruption dans l’histoire de France, il y a 220 ans. Le 18 février 1794, la colonne infernale [7] de la division Cordellier, prompte à exécuter les ordres de la Convention, entrait en scène. Elle traquait les bandes de Charette ; elle n’allait trouver, dans les paroisses du Petit-Luc et du Grand-Luc, que des civils. Le sabre de l’Égalité fut sans pitié. Les flammes n’épargnèrent pas même l’église paroissiale où s’étaient réfugiés femmes, enfants, vieillards. Plus de cinq cents malheureux périrent pour leur Foi. Véritable Oradour de l’Ouest, les Lucs incarnent, en deux petites syllabes, l’immensité du crime perpétré par la Révolution en Vendée militaire. Aujourd’hui, il reste une petite chapelle expiatoire, dont les murs gardent la mémoire des suppliciés. Leurs noms sont inscrits sur des plaques de marbre blanc, froides comme le sabre des hussards, immaculées comme l’âme des martyrs.

À deux pas du sanctuaire rebâti à la fin du XIXe siècle, se dressent deux bâtiments plus récents. Tous deux doivent leur naissance à Philippe de Villiers : l’Historial de la Vendée et le Mémorial de la Vendée. C’est afin d’inaugurer ce dernier monument, haut lieu de la mémoire vendéenne, que Villiers invita Alexandre Soljenitsyne au début des années 1990. Le bocage, témoin de tant d’horreurs, rappela au grand dissident la résistance héroïque des paysans russes de Tambov contre l’ignominie bolchévique. Sur cette terre de l’Ouest de la France, où s’illustra tristement le gêne exterminateur de la Révolution régénatrice [8], l’auteur de L’Archipel du Goulag [9] ne pouvait que revoir en pensée l’histoire de son pays, retenu en esclavage pendant huit décennies par le régime communiste. C’était un 25 septembre, en 1993. Le mur était tombé depuis trois ans. Soljenitsyne n’avait pas résisté en vain. Au peuple vendéen venu l’écouter, le grand dissident prit le soin de rappeler l’étroite filiation reliant la « grande » révolution de 1789 à celle de 1917. Cette sentinelle de la nuit mit en garde les Français contre les chimères de leur devise républicaine qui, en fait de merveilles, accoucha de tant de cauchemars.

Alexandre Soljenitsyne à Philippe de Villiers :
« Le gouffre s’ouvrira à la lumière. De petites lucioles dans la nuit vacilleront en vain [...] Il y aura des hommes qui se lèveront, au nom de la vérité, de la nature, de la vie ; ils cacheront, dans leurs pèlerines, des petits manifestes de refuzniks. Ils exerceront leurs enfants à penser différemment, à remettre l’esprit au-dessus de la matière. Ils briseront la spirale du déclin du courage. Ainsi viendra l’éclosion des consciences dressées. Aujourd’hui les dissidents sont à l’Est, ils vont passer à l’Ouest »

Puis, à son ami Philippe de Villiers, il confia deux sentiments contradictoires : l’espérance et l’inquiétude. Espérance pour la vieille Russie et les peuples du pacte de Varsovie : leur souveraineté avait été brisée, mais leur identité était restée vive. Elle pouvait renaître sitôt le mur tombé : germes d’espérance. Au contraire, l’Occident libéral et mondialiste inspirait les plus vives inquiétudes au rescapé du goulag. La France et ses voisines allaient connaître une longue descente aux enfers, car l’identité, la Foi et les valeurs supérieures - Vie, Famille, Tradition - partaient en fumée, dévorées par l’idéologie. À l’instar du hameau des Lucs, deux siècles plus tôt…

Au-delà des multiples révélations relatives à la corruption et à la félonie des élites, l’ouvrage de Philippe de Villiers est dominé par la rencontre de Soljenitsyne et sa confidence au fondateur du Puy du Fou : « Les dissidents sont à l’Est, ils vont passer à l’Ouest ». La dissidence, voilà l’appel de l’homme qui a vu l’absurde en politique : le honteux transfert de souveraineté ; le grand « chassé croisé » démographique causé par l’avortement de masse, « passeport de toutes les transgressions » – auquel l’auteur consacre de nombreuses pages, livrant un vibrant hommage au Pr. Lejeune – et l’immigration de masse.
La France ne peut mourir. Dans l’obscurité, brillent encore des « lucioles » : nos racines, nos attachements vitaux, les « murs porteurs », notre destin national : Gesta Dei per Francos. Philippe de Villiers nous les montre. À nous de les saisir.


[1RICHELIEU (Cardinal de), Testament politique [1688], Paris, Perrin, coll. « Les Mémorables », 2011 (avec une présentation d’Arnaud Teyssier), 300 p.

[2Toutes les salles de rédaction s’en émeuvent. Exemple avec France Inter.

[3Tous ces ouvrages ont été publiés aux éditions Albin Michel.

[4Auprès de M. François Léotard.

[5L’exemple typique en est donné à travers l’affaires de l’oeuvre « Les deux plateaux », communément appelée « colonnes de Buren ». Installées au Palais-Royal en 1986, les colonnes de Buren déclenchèrent une vive polémique, le quotidien Le Figaro allant jusqu’à qualifier l’épisode de « moderne bataille d’Hernani ». Le gouvernement de droite ne fit rien pour ôter ces colonnes, symboles de la politique culturelle du socialiste Jack Lang.

[6Le honteux traité de Troyes, signé en 1420, prévoyait que la succession du roi Charles VI dit "le Fou" passerait à son beau-fils, le roi d’Angleterre Henri V. À l’occasion de cet évènement majeur de la Cuerre de Cent Ans (1337-1453), la souveraineté française est bradée au profit de l’Anglais. Nous renvoyons à l’ouvrage de Jean FAVIER : La Guerre de Cent Ans, Paris, Fayard, 1980, 678 p.

[7Le plan Turreau d’organisation des colonnes infernales quadrillant la Vendée insurgée afin d’en piller les ressources et exterminer la population, est décrit dans l’ouvrage de Reynald SECHER : Vendée. Du génocide au mémoricide. Mécanisme d’un crime légal contre l’humanité, Paris, Éd. Le Cerf, coll. Cerf politique, 2011, 448 p.

[8Dans la préface qu’il consacrait, au début de l’année 2014, à un ouvrage de l’historien du droit Philippe Pichot-Bravard, Philippe de Villiers écrivait : « Contrairement à ce qu’on a longtemps pensé, la Révolution n’a pas semé des petits cailloux blancs puis des petits cailloux noirs. Elle a semé des cailloux blancs renfermant des cailloux noirs : c’est dans l’ADN de la tabula rasa qu’est ainsi contenu le principe même de la modernité » (PICHOT-BRAVARD, La Révolution française, Versailles, Via Romana, 2014, 294 p.)

[9SOLJENITSYNE (Alexandre), L’Archipel du Goulag, Paris, éditions du Seuil, 1974, 446 p.

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