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C’est donc de la venue d’une si grande majesté, d’une si profonde humilité, d’une telle charité et d’une gloire si grande pour nous, que l’Église entière fait tous les ans avec solennité la mémoire. Ah ! plût à Dieu qu’on la célébrât maintenant comme on la célébrera dans l’éternité ! Ce serait bien mieux. Quelle folie n’est-ce point en effet, après la venue d’un si grand roi, de vouloir ou d’oser nous occuper encore de toute autre chose, plutôt que d’oublier tout le reste, pour ne plus vaquer qu’à son culte et ne plus penser qu’à lui en sa présence ?
(Saint Bernard de Clairvaux, Troisième sermon pour l’Avent. Les trois avènements du Seigneur et les sept colonnes que nous devons ériger en nous [1])
Pendant le temps de l’Avent, l’Église nous invite à partager l’état d’esprit des patriarches et des prophètes d’Israël qui aspiraient à la venue du Messie dans un double avènement de grâce et de gloire.
Dans cet avènement du Christ annoncé par les prophètes, les voyants de l’Ancien Testament n’ont pas séparé l’avènement de la miséricorde, où le divin Rédempteur est apparu sur la terre dans l’humble condition de Son existence humaine, d’une part, de l’avènement de justice où Il apparaîtra plein de gloire et de majesté à la fin du monde. Or, on voit Notre Seigneur, dès l’Évangile du premier dimanche de l’Avent [2], passer sans transition du premier avènement au second — qui ont au demeurant le même but, le Fils ne S’étant abaissé jusqu’à nous que pour nous faire remonter jusqu’au Père.
On comprend dès lors la finalité du temps de l’Avent : l’avènement de miséricorde, dans lequel les juifs, par une interprétation sans doute trop charnelle des promesses divines, ne voulurent attendre qu’un avènement de gloire, est inséparable de l’avènement de justice qui en constitue le but comme le dénouement.
Saint Bernard distinguait même quant à lui trois sortes d’avènement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Au premier, Il est venu à nous dans l’infirmité de Sa chair ; au second, spirituel, Il vient en chacun de nous par la vertu du Saint-Esprit ; au troisième, glorieux, Il viendra exercer Sa justice sur nous, pour punir et détruire le péché par Sa puissance. Ainsi, au premier avènement Il est venu pour souffrir et mourir ; dans le second, il vient pour nous sanctifier et pour nous appliquer les mérites de Sa vie et de Sa mort ; et dans le troisième enfin Il viendra pour juger le monde.
Ainsi, l’Avent est aussi le moment de nous rappeler que, entre les bornes constituées dans le temps par ces deux avènements, Notre Seigneur Jésus-Christ vient encore tous les jours en nous, fortifier nos cœurs, préparés à cela par la prière, par son Esprit et même aussi substantiellement, lorsque nous y sommes disposés, dans le Très Saint Sacrement de nos autels. Lui qui S’est donné à tous en général par Son incarnation, se donne à chacun en particulier par le sacrement de Son Corps.
On voit donc que, si l’Avent n’est pas aujourd’hui à proprement parler un temps de pénitence [3] au sens où peuvent l’être le Carême, les Quatre-Temps, ou les vendredis de l’année, la préparation de notre âme à ce double avènement dont l’accomplissement scellera notre éternité, nous invite clairement aussi, — le verset si souvent répété, ces jours-ci, rectas facite semitas eius [4] nous le rappelle quand bien même cela serait nécessaire, — à y faire plus particulièrement pénitence, d’une part, comme Jésus-Christ nous y invite [5] et à y occuper notre esprit par de saints désirs, d’autre part.
Dans les offices de l’Avent, on sent l’absence de Jésus : par les ornements violets, bien sûr, par la suppression du Te Deum à Matines et du Gloria à la messe, par l’interdiction, encore, des fleurs et de l’orgue [6] ; il est frappant que les collectes des quatre dimanches sont les seules de l’année qui ne se terminent pas par la formule ordinaire per Jesum Christum Dominum nostrum : elles s’adressent en effet au Père ou au Verbe éternel, lui demandant de préparer nos âmes à la venue du Rédempteur. L’Église fait état de cet esprit de pénitence en nous rappelant, le premier dimanche, la pensée du jugement dernier puis en nous mettant sous les yeux, tous les autres dimanches, les exhortations à la pénitence de saint Jean-Baptiste.
Quant aux saints désirs, l’Église les accompagne en conservant l’Alleluia, par la répétition régulière du verset Rorate coeli desuper et enfin par les grandes antiennes en Ô qui enrichissent le Magnificat les sept jours qui précèdent la vigile de Noël. Et le rôle que la prière joue, non seulement pendant l’Avent, mais toute l’année, dans le plan actuel de la Providence est trop essentiel pour qu’elle ne coopère pas à l’accomplissement de ces désirs, qui s’expriment dans un temps que nous supplions Dieu d’accomplir afin de rendre enfin contemporaines toutes les générations qui L’ont fidèlement attendu.
On a remarqué que l’ordre des grandes antiennes donne, prises en ordre inverse, Ero cras, c’est à dire : je serai là demain [7]. La préparation au double avènement est ainsi d’autant plus urgente que, à l’échelle de l’éternité qui suivra le temps et le moment de notre mort, l’un comme l’autre sont imminents.
Partageons donc avec toute la ferveur possible le cri de foi, d’espérance et de charité qu’élevèrent vers Dieu et vers notre Rédempteur les supplications d’Élie, de saint Jean-Baptiste et de Sa Très Sainte Mère : désirons ardemment, amoureusement, impatiemment Jésus dans son triple avènement, en marchant comme Il a marché [8] et avec les mêmes sentiments que Lui [9], en attendant le jour où Sa Croix paraîtra dans le ciel [10], manifestant tant l’aversion infinie que porte Dieu au péché que l’indéfectible amour avec lequel Il s’est employé, par cette satisfaction infinie, à le terrasser. Employons-nous enfin surtout, alors qu’en cet Avent de 2014 il en est encore temps, à mettre cette Croix entre nos crimes et Sa gloire, appelant sur nous toutes les rigueurs de la justice divine que nos péchés ont méritées afin que nous ne soyons pas désespérés à la vue de ce signe mais comblés de consolation à l’aspect de cette Croix que nous aurons embrassée et suivie courageusement.
L’angoisse qui accompagnera chez nous cette résolution sera pourtant tempérée par la certitude que nous ne pouvons être séparés de Dieu ou privés de la charité que par nous-mêmes ; l’Apôtre nous rappelle bien à propos que le saint amour qu’Il a mis en nous est inextinguible :
Car je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni la puissance des hommes, ni tout ce qu’il y a de plus haut, ou de plus profond, ni toute autre créature, ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Jésus Christ Notre Seigneur [11].
[1] Œuvres complètes de saint Bernard : Traduction par M. l’abbé Charpentier Vivès, Paris 1866.
[2] Lc., XXI, 25-33.
[3] On sait que cette subtile distinction n’a pas toujours existé dans la pratique de l’Eglise. Ainsi l’Avent existait, en Occident, dès la première moitié du cinquième siècle : en France il commençait dès le lendemain de la saint Martin, comprenant six dimanche et s’étalant sur une quarantaine de jours appelés Carême de la saint Martin. Pendant ce temps, dont les Quatre-Temps d’hiver sont une survivance, on jeûnait trois jours par semaine, le lundi, mercredi et vendredi, le samedi prenant plus tard la place du lundi et on faisait abstinence tous les jours. Ce n’est qu’au huitième siècle que Rome réduisit la durée de l’Avent à quatre dimanches et ne prescrivit ni jeûne, ni abstinence, usage auquel se conforma la France lorsqu’elle adopta le rite romain, au siècle suivant. Le Carême de la saint Martin continua pourtant d’être pratiqué, par dévotion, jusqu’au treizième siècle. Les Grecs ont aussi conservé le jeûne de l’Avent, même s’il est d’un degré moins rigoureux que celui du Carême.
[4] Jn., I, 23.
[5] Mt., III, 2.
[6] Avant les réformes du rite de la messe intervenues dans l’édition de 1962, l’Ite missa est était de surcroît remplacé par le Benedicamus Domino, qui est une invitation à prolonger la prière. Le troisième dimanche dit de Gaudete n’est pour sa part qu’une parenthèse au cours de laquelle les fleurs et l’orgue reparaissent et le rose peut remplacer le violet.
[7] O Emmanuel, O Rex, O Oriens, O Clavis, O Radix, O Adonai, O Sapientia.
[8] 1 Jn., II, 6.
[9] Ph., II, 5.
[10] Mt., XXIV, 30.
[11] Ro. VIII, 38, 39.
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