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Le Mercredi des Cendres marque chaque année le début du Carême, lequel nous appelle à vivre quarante jours dans le désert et la prière. Les offices se multiplient et s’allongent, nous nous efforçons de faire pénitence, sans parfois savoir comment. De fait, le christianisme a cette originalité parmi les autres religions monothéistes de n’avoir aucune « loi » pratique, aucun « règlement » par lequel serait clairement codifié les obligations et interdits d’une période comme le Carême. Les faits nous le montrent : nous savons bien qu’il est recommandé le Mercredi des Cendres et le Vendredi Saint de jeûner, mais nous ne savons pas toujours de quelle façon, et chacun y va un peu de son régime personnel [1]. Durant ces quarante jours de pénitence, les résolutions se prennent individuellement, et chacun s’astreint à une ascèse personnelle. Les uns vont prier davantage et se rendre à des offices supplémentaires ; d’autres vont arrêter de fumer et se priver d’aliments carnés, gras ou sucrés ; d’autres encore vont tenter de réformer leur conduite… Le christianisme du Carême offre la vision d’une pratique en désordre, mais c’est là un moindre mal si l’Église est par ailleurs unie dans sa vie spirituelle. La pénitence extérieure est nécessaire, mais elle n’a de sens que si elle est accomplie avec sincérité pour la conversion de notre âme : Rentrez donc en vous-mêmes, pécheurs, cherchez le Seigneur de toute votre âme, et haïssez le mal de toutes vos forces : faites pénitence, non du bout des lèvres, mais en esprit et en vérité [2].
Durant le Mercredi des Cendres, le prêtre, revêtu de la chape violette, impose les cendres des rameaux bénis de l’année précédente, en signe de croix sur la tête de tous les chrétiens, jeunes ou vieux, riches ou pauvres. À ce moment, il utilise les paroles même de Dieu à Adam après la Chute dans la Genèse : Tu es poussière, ô homme, et tu retourneras en poussière. Ce rite marque l’entrée dans le temps du Carême : à l’exemple du Christ lui-même avant de commencer sa vie active, l’Église désire passer quarante jours dans le désert, la prière et la pénitence [3]. Le Carême a un triple objectif : prendre conscience de la vanité du monde et du caractère transitoire des choses terrestres ; la nécessité de mortifier, c’est-à-dire de mettre à mort nos vices et nos passions ; enfin la nécessité d’une prière persévérante afin de nous rapprocher de Dieu et de ne pas rendre inutiles pour nous les souffrances et la vie du Seigneur. C’est à ce prix que nous pourrons ressusciter le matin de Pâques, avec lui, d’une vie nouvelle.
Durant le Carême, le chrétien doit donc se convertir, c’est-à-dire tourner son âme vers Dieu. Pour ce faire, il doit se dépouiller de ce qui n’est pas lui, de toutes les influences mondaines qui l’ont défiguré. Mais comme le vice prospère d’une absence de volonté et d’une inclination au mal, notre conversion ne peut être qu’intérieure. En ce sens, il ne faut pas retrancher le péché, mais y renoncer, ce qui est plus difficile. Une pénitence violente ne ferait qu’arracher un vice sans l’anéantir complètement. Une pénitence spirituelle nous permet d’y renoncer définitivement et donc de détruire les racines mêmes du vice en nous. Le renoncement est l’acte par lequel un chrétien s’avoue tout entier à Dieu. Par cet acte seulement il devient libre, car les vices, les péchés et les inclinations mauvaises sont des aliénations qui asservissent le chrétien et le soumettent à un esclavage spirituel. Cela signifie que la pénitence extérieure, le jeûne ou les mortifications physiques, ne peut porter ses fruits qu’à condition d’être accompagnée d’une conversion intérieure et spirituelle. « À celui qui me demanderait : pourquoi prions-nous, pourquoi jeûnons-nous, pourquoi accomplissons-nous toutes nos œuvres, pourquoi sommes-nous baptisés, pourquoi Dieu s’est-il fait homme – ce qui fut le plus sublime ? Je dirais : pour que Dieu naisse dans l’âme et que l’âme naisse en Dieu. C’est pour cela que toute l’Écriture est écrite, c’est pour cela que Dieu a créé le monde et toute la nature angélique : afin que Dieu naisse en l’âme et que l’âme naisse en Dieu [4]. »
Concrètement, comment combattre ces vices ? Qui veut vaincre un ennemi doit d’abord se proposer de l’identifier. On a pu classer ces vices en trois catégories de désir : les désirs du monde (les richesses extérieures, comme l’argent, le pouvoir, le prestige…) ; les désirs de l’autre (principalement la volupté et la concupiscence) ; les désirs de soi (l’orgueil, la volonté de puissance, l’illusion de l’autonomie). A ces vices, il existe un état parfait – monastique – qui offre des solutions radicales pour vaincre, dans l’ordre, chacun de ces désirs : pauvreté, chasteté et obédience, qui sont les trois vœux solennels par lesquels un moine se libère du monde. Pour nous autres, laïcs, le remède ne peut être bien différent : il faut savoir s’inspirer de ces vœux et en cultiver l’esprit. Nous devons donc, malgré les obligations de notre vie mondaine, avoir l’esprit de pauvreté, de chasteté et d’obédience, c’est-à-dire avoir à l’esprit que tout ce qui est créé n’est qu’un moyen et jamais une fin en soi, car Dieu seul est le Principe et la fin de toutes choses. Ces remèdes doivent nous permettre de vivre dans le monde, tout en nous faisant renoncer à y poser le fondement de notre existence, car où est ton trésor, là sera aussi ton cœur (Matthieu VI, 21, lecture du Mercredi des Cendres [5]). L’esprit de pauvreté nous permet de mépriser les richesses, et de ne jamais songer à en posséder pour le simple plaisir d’en posséder plus. L’esprit de chasteté doit nous permettre d’accomplir notre vie de laïc et ses devoirs conjugaux tout en y appliquant un esprit de modération. L’esprit d’obédience est un esprit d’humilité qui doit nous tourner vers l’essentiel qui est Dieu. Il faut se réjouir de prospérer, mais l’esprit de pauvreté doit nous rendre indifférent à la ruine et la misère. Il faut se réjouir du couple, mais ne pas en faire un absolu. Il faut être satisfait de vivre, mais je ne jamais désespérer de devoir mourir demain.
La conversion nécessite une purification de l’âme. Purifier signifie effacer tout élément hétérogène : l’âme, purifiée de ses passions, devient ainsi plus légère pour monter vers Dieu. Comme un oiseau ne peut s’envoler tant qu’à une de ses pattes est attachée un fil, pareillement, l’homme ne peut espérer se rapprocher de Dieu tant que subsiste le moindre vice en son âme. C’est pour cette raison que les Docteurs et les Antiques avant eux ont eu à cœur de montrer que le premier et le plus grand des combats se jouait à l’intérieur de l’homme, en son âme. Saint Bernard l’affirme : « Il n’y a rien qui soit si proche de nous, que ce qui est en nous. […] Car vous trouverez la satisfaction et le repos que vous cherchez dans ce trésor inestimable que vous avez au milieu de vous, vous ne le trouverez même que là » [6]. Après lui, et avec le style qui est le sien, Bossuet, prêchant au roi de France durant le « Carême du Louvre », aura une réflexion semblable : « Notre esprit, s’étendant par de grands effort sur des choses fort éloignées, et parcourant, pour ainsi dire, le ciel et la terre, passe cependant si légèrement sur ce qui se présente à lui de plus près, que nous consumons toute notre vie toujours ignorants de ce qui nous touche ; et non seulement de ce qui nous touche, mais encore de ce que nous sommes [7] . » Ce qui est plus près de nous est aussi ce qui est le plus précieux : or Dieu habite nos âmes, en cela notre âme doit être la première de nos préoccupations. « Voyez, le royaume de Dieu est au milieu de vous » (Luc 17, 21).
Cette idée de purification de l’âme remonte à loin, et la pratique des vertus est une injonction commune à toutes les philosophies traditionnelles. L’éthique chez Platon a cet objectif et, dans la République, Socrate décrit l’âme en ce monde comme la statue du dieu marin, Glaucos, engloutie dans la mer : elle est défigurée par les flots, profondément dégradée, on la reconnaît à peine [8]. C’est que son état véritable nous est invisible, tant la gangue corporelle l’a altérée. Il faut donc la restaurer en la purifiant. Son épigone, Plotin, poursuivra cette pensée : l’âme ne se vautre dans l’infâme que parce qu’elle ignore sa dignité. Or, tant que l’âme sera semblable à la statue de Glaucos, elle ne pourra voir la divinité : « jamais un œil ne verrait le soleil sans être devenu semblable au soleil » (Ennéade I, 6, 9). Pour y parvenir, il faut donc recourir à la catharsis, la purification, dans un sens tout à fait autre que celui d’Aristote : détruire les vices dans l’âme et, selon le précepte rapporté par Porphyre, « retranche toutes choses » (aphele panta), qu’on peut traduire aussi « abandonne tout », moyen de se séparer du multiple, c’est-à-dire du monde [9]. La maîtrise des passions n’est pas qu’un topos stoïcien : le chrétien doit lui aussi, pour faire pénitence, parvenir au contrôle de ses désirs et à la domination de ses vices. Avant d’être un saint, il faut être un roi : le roi de son âme. C’est le sens allégorique du Christ marchant sur les eaux (Mt 14, 22-33 ; Mc 6, 47-51. Jn 6, 16-21) : la mer agitée est comprise par l’exégèse comme la violence des passions et le tumulte du siècle. Le fait que le Christ marche sur ces eaux est le signe de sa domination sur le monde, et Pierre ne s’enfonce dans l’eau que pour avoir douté un instant devant la violence de la tempête [10].
Pour que la pénitence et les mortifications soient vécues en esprit de vérité, il faut que l’humilité soit de mise : c’est une grande vertu, et elle n’a rien à voir avec cette espèce de modestie sans ambition qui prend part au vice. La vraie humilité, conformément à son étymologie, consiste à regarder l’homme comme une créature putrescible qui n’a de dignité et d’existence qu’en Dieu. L’humilité, c’est comprendre la nature finie de l’homme et sa radicale dépendance à Dieu : Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? demandait saint Paul (I Co., 4, 7). Et comme le disait Bossuet : « Je vous adresse à la mort pour être instruits de ce que vous êtes. […] L’homme est méprisable en tant qu’il passe, et infiniment estimable en tant qu’il aboutit à l’éternité [11]. » Si l’orgueil est radix peccatorum, la racine des péchés, l’humilité est leur remède. L’humble seul est libre vis-à-vis de soi, et donc libre pour Dieu : L’humilité est la mère, la racine, la nourriture, le fondement et le lien des biens [12]. Modèle de ce cœur humble et obéissant, la Vierge Marie qui, devant l’ange Gabriel, dit simplement : fiat mihi secundum verbum tuum. Encore une fois, ce ne sont pas la petitesse et l’étroitesse des tâches qui définissent l’humilité, pas plus que la grandeur des projets ne définit l’orgueil, mais l’acte de ne pas s’appuyer sur ses propres forces. L’humilité n’est pas non plus la pusillanimité de qui, sous le prétexte de sa faiblesse, ne se propose rien de grand. Car les effets de l’humilité sont bel et bien glorieux : c’est l’assurance de triompher des tentations et de régner avec le Christ sur les puissances malines. Qui s’est plongé le plus profondément dans l’humilité de Dieu / Est l’éclat le plus haut de toutes les étincelles célestes [13]. La Transfiguration rapportée par l’Évangile de Matthieu (XVII, 1-9), donnée à lire le lundi de la deuxième semaine du Carême, est le modèle de ce que la pénitence doit produire dans nos âmes.
Le premier effet de l’humilité est la dépossession de soi. Il s’agit d’abandonner toute volonté propre, se vider de soi, pour se laisser envahir par Dieu. Quand l’âme est vide est désappropriée de toutes choses, elle se tient dans une parfaite pauvreté d’esprit et « il est impossible que Dieu manque de se communiquer à elle [14]. » Cette dépossession est le véritable sens (et, à vrai dire, le seul) de la « pauvreté d’esprit », dont tous les Docteurs ont remarqué l’importance capitale : « L’humilité est la première béatitude, les pauvres en esprit, et elle précède toute les autres, la seule à qui on promet le Royaume des Cieux, alors que pour les autres, on dit qu’ils seront les héritiers de ce royaume [15]. » Être pauvre en esprit, c’est être pauvre de soi, pauvre du monde, ne rien posséder en propre, et donc être tout à Dieu. Qui n’est attaché à rien en cette terre est tout entier au Ciel : la patrie absolue du chrétien se trouve au Ciel. Sur terre il est en exil, il est un viator, un voyageur, car il est in via, en chemin. Dans les textes antiques et médiévaux, patria est le terme de toute vie, la destination de tout homme : c’est le Ciel, où s’en sont allés tous nos pères [16]. Chez les Antiques également, il n’est pas rare de trouver une interprétation allégorique de l’Odyssée : chez Plotin, par exemple, la « fuite vers la patrie », c’est la fuite vers l’Un, d’où procède toutes choses, le lieu originel de l’âme. Comme Ulysse, après un odyssée périlleuse, a retrouvé son foyer à Ithaque, l’âme, durant cette pérégrination terrestre, doit retourner (nostos) vers son origine, qui est Dieu. Être pauvre en esprit, c’est donc ne rien espérer sinon Dieu, renoncer à tout attachement à un bien créé, et n’aimer véritable ce qui seul mérite d’être aimé d’un amour absolu : le Bien incréé, qui est Dieu. « C’est en haut que nous devons avoir notre racine, pour que la vie soit notre pasteur, notre habitation ne doit pas s’éloigner du ciel, et nous devons sur cette terre cheminer tels des morts : pour que vivant en haut, en bas nous soyons morts – et non pour que morts en haut, en bas nous vivions [17]. »
La pénitence et l’ascèse doivent être soutenues par l’humilité et, ultimement, amener à l’anéantissement, lequel n’est pas un désir morbide d’autodestruction, mais la prise de conscience du néant de la créature. La connaissance de son propre néant, de sa propre nihilitas, nous ramène à Dieu car elle n’est possible que devant Lui [18]. Nous revenons ainsi à ce qui fut tout l’objet de cet article : la nécessité de vivre son Carême par l’ascèse physique et spirituelle, laquelle doit passer par l’anéantissement à tout ce qui n’est pas Dieu. Maître Eckhart l’affirme puissamment : « Beaucoup de gens estiment qu’ils doivent accomplir de grandes œuvres extérieures : jeûner, marcher pieds nus, etc., faire ce qu’on appelle pénitence. Mais la véritable pénitence, la meilleure de toutes, par laquelle on s’amende puissamment et au plus haut point, c’est que l’homme se détourne radicalement et totalement de tout ce qui n’est pas complètement Dieu ni de nature divine en lui-même et dans toutes les créatures, et dans un amour inébranlable, fasse un retour total et parfait vers Dieu [19]. »
L’anéantissement, cette mise à mort de tout ce qu’il y a d’impur et mondain en nous, n’a de sens que dans l’espoir de la Résurrection glorieuse qui nous attend à Pâques. Mourir à soi-même, c’est revivre à Dieu. C’est à Pâques, au moment où nous vivrons d’une vie nouvelle avec le Christ, que toute l’ascèse du Carême aura servi et pris son sens. Cela doit être notre réconfort, notre phare dans la nuit du désert ; dans son septième sermon pour le Carême, saint Bernard l’affirme : « Il faut avouer que la peinture la plus agréable de la tranquillité et de la beauté d’un rivage, touche bien plus au milieu des périls de la mer ceux qui sont encore au sein de la tempête et ballottés par les flots, loin du port, presque sans espoir d’y aborder [20]. » Pâques est la finalité et le sens du Carême : saint Paul, dans un passage de l’Épître aux Hébreux (IX, 1-15), lu lors du Dimanche de la Passion, après avoir rappelé la supériorité de l’offrande et du sacrifice de Jésus sur les sacrifices de l’ancienne alliance, affirme que le Christ seul nous fait entrer dans le Saint des saints, au prix de son sang et de sa Crucifixion. Par son expiation, notre rédemption est acquise pour l’éternité.
Les trois tentations du Christ au désert par le diable selon le manuscrit 65 du Musée Condé (f.161v) – avec l’imposant château du duc de Berry en premier plan.
[1] Voici toutefois les prescriptions d’un Dominicain du XIIIe siècle : « 3. Le jeûne de carême est le plus solennel, parce qu’on l’observe pour imiter le Christ et parce qu’il nous dispose à célébrer dévotement les mystères de notre rédemption. C’est pourquoi en tout jeûne il est interdit de manger de la viande ; mais en outre, pour le jeûne de carême, il est universellement interdit de manger des œufs et des laitages. En ce qui concerne l’abstinence des œufs et des laitages, à l’occasion des autres jeûnes que celui du carême, il existe des coutumes différentes suivant les pays ; on doit les observer en se conformant aux mœurs des habitants. C’est pourquoi S. Jérôme déclare en parlant des jeûnes : "Que chaque province abonde dans son sens, et regarde les prescriptions de ses chefs comme des lois venues des Apôtres." » Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, Q. 147, Le jeûne. Article 8 — Les aliments dont il faut s’abstenir.
[2] Saint Bernard de Clairvaux, Sermon pour Pâques, 17. C’est aussi la signification des réprimandes de Jésus aux Pharisiens : leur pureté extérieure est sans valeur puisque leur cœur n’est pas pur. Ils sont donc hypocrites (Matth 15, 1-20).
[3] Le modèle remonte à l’Ancien Testament : Un jeûne de quarante jours est observé par Moïse sur le mont Sinaï (Exode 24, 12-18, mercredi des quatre-temps du printemps), et par Elie sur le mont Horeb (3 Reg. 19, 3-8.)
[4] Maître Eckhart, Pr. 38, DW 2, p. 227, 6-228, 4. AH 2, p. 48-49.
[5] Cette parole du Christ est trop belle pour que nous ne la citions pas tout entier : même après l’avoir entendu des centaines de fois, on y trouve une richesse inépuisable. « Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite, pour que les hommes voient bien qu’ils jeûnent. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. "Ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la mite et le ver consument, où les voleurs percent et cambriolent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel : là, point de mite ni de ver qui consument, point de voleurs qui perforent et cambriolent. Car où est ton trésor, là sera aussi ton cœur. » (Matthieu VI, 16-21)
[6] Saint Bernard de Clairvaux, 7e sermon pour le Carême, 14.
[7] Bossuet, Sermons. Le Carême du Louvre, « Sermon sur la mort, 22 mars », Folio, p. 147.
[8] « L’argument que je viens de donner, et d’autres, nous obligent donc à conclure que l’âme est immortelle. Mais pour bien connaître sa véritable nature nous ne devons pas la considérer, comme nous faisons ; dans l’état de dégradation où la mettent son union avec le corps et d’autres misères (611c) ; il faut la contempler attentivement avec les yeux de l’esprit telle qu’elle est quand elle est pure (741). Alors on la verra infiniment plus belle et l’on discernera plus clairement la justice et l’injustice, et toutes les choses dont nous Venons de parler. Ce que nous avons dit de l’âme est vrai par rapport à son état présent. Aussi bien l’avons-nous vue dans l’état où l’on pourrait voir Glaucos le marin (742) : on aurait beaucoup de peine à reconnaître sa nature primitive (611d), parce que les anciennes parties de son corps ont été les unes brisées, les autres usées et totalement défigurées par les flots, et qu’il s’en est formé de nouvelles, composées de coquillages, d’algues et de cailloux. Ainsi l’âme se montre à nous défigurée par mille maux. » Platon, République, X.
[9] Voir Jean Trouillard, La purification plotinienne, PUF, 1955.
[10] Matthieu XIV, 24-31 : « Cependant la barque, déjà au milieu de la mer, était battue par les flots, car le vent était contraire. À la quatrième veille de la nuit, Jésus alla vers ses disciples, en marchant sur la mer. Eux, le voyant marcher sur la mer, furent troublés, et dirent : "C’est un fantôme, "et ils poussèrent des cris de frayeur. Jésus leur parla aussitôt : " Ayez confiance, dit-il, c’est moi, ne craignez point." Pierre prenant la parole : "Seigneur, dit-il, si c’est vous, ordonnez que j’aille à vous sur les eaux." Il lui dit : "Viens ;" et Pierre étant sorti de la barque marchait sur les eaux pour aller à Jésus. Mais voyant la violence du vent, il eut peur, et comme il commençait à enfoncer, il cria : "Seigneur, sauvez-moi !" Aussitôt Jésus étendant la main le saisit et lui dit : "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?" »
[11] Bossuet, op. cit., Sermon sur la mort, 22 mars, p. 148-149. Bossuet n’a rien d’un grand docteur, mais la force de son style et la puissance de sa verve, dans le ton du christianisme sévère du Grand siècle, font toujours effet : « Regarde qu’il n’y a rien d’assuré pour toi, non pas même un tombeau pour graver dessus tes titres superbes, seuls restes de grandeur abattue ; ‘avarice ou la négligence de tes héritiers le refuseront peut-être à ta mémoire, tant on pensera peu à toi quelques années après ta mort ! Ce qu’il y a d’assuré, c’est la peine de tes rapines, la vengeance éternelle de tes concussions et de ton ambition infinie. Ô les dignes restes de ta grandeur ! ô les belle suites de ta fortune ! […] Ô homme, désabuse-toi : si tu aimes l’éternité, cherche-la donc en elle-même, et ne crois pas pouvoir appliquer sa consistance inébranlable à cette eau qui passe et à ce sable mouvant. Ô éternité, tu n’es qu’en Dieu ! » Ibid., p. 145.
[12] Jean Chrysostome, In Acta Apostolorum, hom. 30, PG LX, 225. Sur l’humilité en général, voir l’article de J.-L. Chrétien, « L’humilité libératrice », dans Le Regard de l’Amour : « L’humilité se laisse oublier dans ce que seule elle rend possible. Ravis par la splendeur des blés, des arbres et des fleurs, nous ne songeons guère à l’obscurité de l’humus depuis laquelle ils viennent au jour. » (p. 11)
[13] Angélus Silésius, L’errant chérubinique, Confusion de la profondeur et de la hauteur.
[14] François de Sales, Vive flamme d’amour, III, 3
[15] Bernard, Sermon 4 pour l’Avent. Maître Eckhart affirme la même chose : « C’est pourquoi, Notre-Seigneur vouant parler de toutes les béatitudes mit en tête de toutes la pauvreté en esprit : elle fut placée première pour indiquer que toutes les béatitudes et toutes les perfections tirent, sans exception, leur origine de la pauvreté en esprit. » Entretiens spirituels, XVI. A. de Libera éd. (Sermons et traités, GF), p. 123.
[16] Saint Augustin, Du cantique nouveau et du retour à la céleste patrie.
[17] Saint Augustin, Enarrationes in Psalmos, 48, II, 3
[18] C’est aussi ce qu’affirme l’auteur du Nuage d’inconnaissance, en son chapitre 13.
[19] Maître Eckhart, Entretiens spirituels, XVI. A. de Libera éd. (Sermons et traités, GF), p. 101.
[20] Garde cependant : le même saint Bernard, dans un sermon pour Pâques, nous prévient de ceux qui attendent pour Pâques pour jouir plus pleinement des plaisirs qu’ils ont dû abandonner au moment de l’entrée en Carême. « 6. C’est dans ces dispositions que se trouvent les amis du siècle qui sont les ennemis de la croix de Jésus-Christ dont ils ont reçu en vain le nom de chrétiens ; pendant tout le temps de cette sainte quarantaine, ils n’aspirent qu’après le jour de la résurrection, hélas, afin de se livrer plus librement au plaisir. »
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