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[PROTESTANTS] Le débat salutaire

C’est une conséquence prévisible de la légalisation du mariage gay : la frange libérale de l’Eglise protestante unie de France (EPUdF), qui rassemble l’Eglise réformée de France et les Eglises luthériennes, réclame la bénédiction des unions de couples de même sexe.

En effet, des membres de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (branche régionale de l’Eglise unie), dont une trentaine de pasteurs, ont demandé un débat sur la bénédiction du mariage gay, qui devrait se tenir en juin 2014. Cette revendication coïncide avec l’annonce par l’Eglise protestante unie de France d’un synode sur la bénédiction, jusqu’à l’Ascension 2015 : l’objectif final est un vote sur la bénédiction des unions de couples de même sexe.

Un équilibre intenable

Dès 2004, après le pseudo-mariage de Bègles par le facétieux Noël Mamère, un synode national de l’Eglise réformée de France s’est réuni sur la question. Première dénomination protestante française, cette Eglise est historiquement marquée par une théologie libérale, rationaliste, prenant ses distances avec les Écritures bibliques, et encline à accepter les évolutions dites "sociétales". En outre, la franc-maçonnerie et ses officines, telle que l’Association pour le droit à mourir dans la dignité, y ont recruté des adeptes parmi ses pasteurs.

Pourtant, de nombreuses paroisses menacèrent alors de quitter l’Eglise si elle voulait bénir les couples de même sexe, et nommer des pasteurs ouvertement homosexuels. Le texte final du synode rejette donc la possibilité du mariage gay.

Toutefois, une double ambiguïté demeure depuis 2004. D’une part, les partisans du mariage homosexuel ont continué de se faire entendre, comme Marc Pernot, pasteur de l’Oratoire réformé du Louvre, à Paris, qui bénit en privé des couples de même sexe [1]. D’autre part, les protestants français, fidèle à leur vieille histoire huguenote, sont très attachés au mariage civil, qui leur a permis de se soustraire aux registres catholiques. Dans la plupart des cas, les protestants, surtout réformés, procèdent ainsi à une prière de bénédiction pour un couple déjà marié à la mairie [2].

Forte de cette tradition, qui consacrait l’attachement protestant à la République, l’Eglise unie se cachait derrière le fait que le mariage gay ne soit pas légalisé, pour éviter le sujet. Depuis mai 2013, cet argument n’est plus valable, et les partisans de la bénédiction des couples homosexuels reviennent à la charge.

Revenir à la théologie

Les défenseurs du mariage biblique comptent cependant bien se saisir eux aussi du débat. Une plateforme, Benediction.info, a été lancée sur Internet, pour rassembler les arguments théologiques s’opposant au projet de bénédiction.

Pasteur réformé de l’Eglise du Marais, à Paris, Gilles Boucomont y écrit notamment :

Le fait de s’être protégé pendant des années derrière un mauvais prétexte et une justification secondaire est dommageable, car ce manque de courage et d’honnêteté nous a fait éviter la vraie réflexion sur les soubassements de notre théologie de la bénédiction. (...) C’est une théologie de l’Alliance qu’il faut redévelopper, puisque le mariage n’est plus, du fait du changement de la loi, défini en pleine conformité et cohérence avec ce que la tradition chrétienne a construit sur plusieurs siècles.

Ce sera aussi l’occasion de se repentir et de dénoncer un lieu commun que nous avons avec complaisance laissé dire à tous vents, à savoir que les réformés sont « pour le divorce », alors que nous aurions dû corriger de tels propos en proclamant l’indissolubilité du mariage biblique, mais la possibilité de bénir une union de la deuxième chance, après avoir connu un échec. Ce qui est sensiblement différent.

Le pasteur a également prêché sur ce thème dimanche dernier, en son église : "bénir c’est dire le "Bien !" dit par Dieu".

A la tête d’une paroisse dynamique, qui agace nombre de réformés libéraux, confrontés au déclin de leurs fidèles, Gilles Boucomont sait de quoi il parle. Sa pastorale envers les personnes homosexuelles du Marais l’a conduit à écrire, en décembre 2013, un texte intitulé : l’Eglise locale, havre de paix pour les homosexuels.

L’Eglise, qui prolonge l’œuvre de Christ est donc le lieu où doit s’exprimer l’habile dosage de sévérité à l’égard du péché, et de compassion à l’égard du pécheur désireux de changer de vie. (...) Les Eglises sont donc appelées à être des lieux de sécurité et de refuge pour les personnes se disant homosexuelles, où elles peuvent être sures d’être préservés de toute forme d’homophobie et de tout jugement. (...)

Mais comme pour tout pécheur, ce lieu de sécurité est aussi un lieu de vérité où la personne n’est pas confondue avec son comportement, mais définie dans ses vrais lieux d’identité. Personnellement, je ne suis pas un hétérosexuel, mais un homme marié à une femme. Nos Eglises ne bénissent pas des hétérosexuels. Elles bénissent des hommes et des femmes qui veulent vivre la conjugalité dans la fidélité que définit l’Ecriture, et qui fait de la vie comme de tout ce qui la constitue, une réalité éternelle.

L’union des chrétiens dans l’adversité

Pourquoi les catholiques devraient-ils s’intéresser à ce débat interne protestant ? Parce que, pour paraphraser le poète latin Térence, chacun de nous pourrait dire : "Je suis un chrétien et rien de ce qui est chrétien, je crois, ne m’est étranger".

L’enjeu du synode de l’Eglise protestante unie de France sur la bénédiction est énorme. Comme le résume le Pasteur Matthias Helmlinger : "soit la théologie réformée sera définitivement enterrée, soit l’EPUdF sera renouvelée par la grâce de Dieu."

Si le mariage gay est adopté par les réformés libéraux, le Système va jubiler, et en profiter pour marginaliser davantage les autres chrétiens. Des scissions au sein des Eglises protestantes auront lieues en chaîne, comme cela se passe en Grande-Bretagne voisine, chez les anglicans. Les protestants évangéliques, qui demeurent inflexibles sur le mariage biblique, augmenteront leurs fidèles, et achèveront de dépasser les réformés.

Loin de faire les affaires des catholiques, dont certains en ricanent stupidement à l’avance, cette situation nuirait à l’unité spirituelle des chrétiens, et donnerait une caution religieuse à l’erreur. Il faut donc prier pour nos frères protestants, et encourager ceux qui défendent non pas la même vision du mariage et de la famille que nous, mais la même croyance dans la Tradition chrétienne et dans les Écritures bibliques. Ceux qui mettent leur foi en Dieu, et non dans les systèmes humains : si cette épreuve peut également permettre aux protestants français de ravaler leur orgueil et de se débarrasser des oripeaux d’une certaine identité huguenote, anticatholique et qui idolâtre la République, en abandonnant le mariage civil, pour redécouvrir leur richesse théologique, et bien amen !

Jésus-Christ ayant déjà vaincu, on peut espérer, que, quelle que soit l’issue de ce débat, les fruits seront vite visibles. Les libéraux qui épouseront l’esprit du monde mettront le deuxième pied dans la tombe, comme cela se vérifie dans le monde anglo-saxon et en Europe du Nord, tandis que les chrétiens fidèles vont continuer à rayonner de l’Évangile.

Dans l’adversité, les différences entre communautés, certes réelles, paraîtront toutefois moins flagrantes, devant ce qui nous rassemble : la fidélité au Sauveur.


[1Ce pasteur réfute par ailleurs la Trinité : dogme chrétien dont se passent pourtant certains théologiens réformés libéraux, comme feu Théodore Monod.

[2Des exceptions existent toutefois chez quelques évangéliques afro-antillais, qui marient illégalement sans passer devant les « païens ».

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