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Cet article s’attache à décrire les usages suivis par l’Eglise orthodoxe, et, pour cela, étudie brièvement le rite byzantin. Cette tradition n’est pas la propriété exclusive de l’Eglise orthodoxe, et est aussi utilisée par d’autres communautés chrétiennes.
Dans l’Eglise byzantine, la période de 70 jours de préparation à Pâques est appelée Triode de carême, du nom du livre liturgique recueillant les canons [1] à trois odes composés pour cette période. Cette période est constituée de :
• trois premières semaines, qui vont du Dimanche du Pharisien et du Publicain au Dimanche du Pardon. Durant cette période, qui doit permettre aux croyants de se préparer au Carême, à travers les lectures (les paraboles du Pharisien et du Publicain et du Fils Prodigue étant éminemment symboliques de l’appel du Seigneur à changer nos vies) et à travers les efforts, le jeûne s’installe progressivement. En effet, les viandes disparaissent le troisième Dimanche (appelé Dimanche du Jugement Dernier), et les laitages disparaissent le dimanche suivant, c’est-à-dire pour l’entrée dans le Grand Carême. Les offices commencent aussi à changer : après l’évangile résurrectionnel des matines du dimanche, on chante les hymnes de repentance qui resteront jusqu’à Pâques. Ces trois dimanches, de plus, on chante le psaume 136 de l’exil à Babylone, qui est dans l’exégèse patristique une image de la soumission au péché.
• le Grand Carême proprement dit, qui dure 40 jours, du Lundi Pur au vendredi de la Sixième Semaine. Le croyant se prive de viande, de produits laitiers, d’oeufs, de poisson, d’huile et de vin sauf le samedi et le dimanche, qui sont considérés comme des jours de fête : huile et vin y sont autorisés. L’Annonciation, qui tombe toujours pendant le Carême, et le dimanche des Rameaux, sont des fêtes qui permettent la consommation de poisson. Le croyant doit ressentir, dans ces privations, une « radieuse tristesse », la nepsis grecque, l’expérience d’une joie intérieure qui dépasse les conditions de la vie matérielle, et qui, en délaissant ses passions, permet de se rapprocher de Dieu. Ces privations d’ordre alimentaire n’excluent pas, bien au contraire, les privations personnelles, correspondant à l’effort de chacun, en accord avec son père spirituel, pour refuser les passions qui lui sont propres. Toute l’hymnographie appelle d’ailleurs à "jeûner spirituellement autant que corporellement". La Divine Liturgie ne peut être célébrée en semaine en raison de son caractère festif : les mercredis et vendredis, on célèbre la Liturgie des Dons Présanctifiés [2]. Le samedi, on célèbre la Divine liturgie pour la mémoire des défunts. Chaque dimanche, où l’on célèbre la liturgie de saint Basile, plus longue que celle de saint Jean Chrysostome, est dédié à une fête spécifique : le premier dimanche célèbre le Triomphe de l’Orthodoxie, à savoir la victoire du dogme chrétien sur l’iconoclasme au IXe siècle. Le dimanche de mi-Carême est celui de l’Adoration de la Croix. Trois autres dimanches célèbrent des saints perçus par la Tradition comme des modèles de pénitence et de déification [3].
• Le Samedi de Lazare a un statut particulier dans le décompte des jours, puisqu’il ne fait partie ni du Grand Carême ni de la Semaine Sainte. Cette solennité fait office de transition entre ces deux périodes, entre les actes de Jésus en Terre Sainte et Sa Passion, et est perçu, comme le montre l’étude historique de la tradition byzantine, comme une préfiguration de la Résurrection du Christ [4]. De même, le Dimanche des Rameaux, qui reprend certaines grandes pièces du jour précédent, fait office de transition et de répit entre la Quarantaine ascétique et la Semaine Sainte : il annonce le triomphe à venir, et les fidèles peuvent manger du poisson avant de reprendre l’effort du jeûne.
• La Semaine Sainte va du Lundi Saint au Samedi Saint, qui s’achève liturgiquement avec la liturgie vespérale de saint Basile, avant les matines de Pâques, qui ne figurent pas dans le Triode de Carême, mais déjà dans le Pentecostaire [5]. Les Lundi, Mardi et Mercredi Saints, on chante la venue proche de l’Epoux au milieu de la nuit, et on célèbre la liturgie des Dons Présanctifiés. Le Jeudi Saint, on commémore la Cène et on célèbre la liturgie de saint Basile le soir. Le Vendredi Saint, on lit les douze évangiles de la Passion, et l’on dépose au milieu de l’église sur une table représentant le tombeau l’épitaphion, tissu brodé à l’image du Christ descendu de sa croix. Il n’y a pas de liturgie ce jour. Le Samedi Saint, on célèbre à nouveau la liturgie de saint Basile après les vêpres, avec les quinze lectures vétéro-testamentaires préfigurant la Résurrection.
[1] Genre hymnographique créé par Saint André de Crête. Le canon paraphrase neuf des cantiques, ou odes, vétéro-testamentaires, en soulignant l’identité du Christ avec le Messie annoncé dans l’Ancienne Alliance.
[2] Cette liturgie consiste en un office de vêpres qui débouche sur le sacrifice des espèces consacrées le dimanche qui précède. Cette liturgie existe dans sa version romaine au Vendredi Saint du Triduum pascal.
[3] Ce mot, très utilisé dans la théologie orientale, traduit l’idée que l’homme atteint le Salut en se laissant progressivement transformer et habiter par Dieu, en renonçant à lui-même et à ce qui fait de lui un être déchu.
[4] L’hymnographie insiste sur la résurrection « du quatrième jour » de Lazare, autant qu’elle insiste sur la résurrection « du troisième jour » du Christ.
[5] Le livre qui contient tous les offices de la cinquantaine pascale.
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