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François, coqueluche médiatique. Malgré lui ? Jusqu’à quand ?

25 novembre 2014 Contributeurs extérieurs

« Il n’y a que le catholicisme qui puisse dévorer le catholicisme » [1] s’accordent à dire ses ennemis.

Il s’agit de nous "vendre" médiatiquement, un pape progressiste, moderniste, réformiste, que François n’est pas, de marteler ce portrait malhonnête jusqu’à l’invoquer, espérant alors contraindre Rome à réaliser ce fantasme.

A l’occasion de la troisième Assemblée générale extraordinaire du Synode des évêques, en octobre dernier il nous a été donné d’assister à un nouvel acte d’une stratégie-tragédie médiatique qui, pour être aussi néfaste qu’ancienne, n’en est pas pour autant dramatiquement méconnue des fidèles catholiques. Rappelons les faits, et décryptons avec clairvoyance l’ancienneté d’un procédé par lequel la presse, les politiciens, leurs communes allégeances et loges, en bref le monde, cherchent tant à forcer la main à Rome, à favoriser et légitimer le courant catholique libéral, et à briser l’union entre les fidèles et le ministère pétrinien.

Il s’agit de nous "vendre" médiatiquement, un pape progressiste, moderniste, réformiste, que François n’est pas, de marteler ce portrait malhonnête jusqu’à l’invoquer, espérant alors contraindre Rome à réaliser ce fantasme.
Le pape, peut-il être de ses principaux adversaires, le meilleur allié ? Ceux-ci l’espéreront toujours, il est intéressant d’ailleurs de voir qu’ils ne cherchent pas pour ce faire un Pape mauvais, mais trop bon. Ainsi Pie IX, « clément au point de devoir s’en repentir », la phrase est de Jean Ousset.
Les ventes (loges maçonniques italiennes) décrivent ainsi l’aboutissement de leur stratégie (dans leurs « directives ») : « Nous n’entendons pas gagner les papes à notre cause, en faire des néophytes de nos principes, des propagateurs de nos idées. Ce serait un rêve ridicule… Ce que nous devons demander, ce que nous devons chercher et attendre comme les juifs attendent le Messie, c’est un pape selon nos besoins. Alexandre VI avec tous ses crimes ne nous conviendrait pas car il n’a jamais erré dans les matières religieuses. Un Clément XIV, au contraire, serait notre fait des pieds à la tête »
La suite de ces « directives » décrit comment une génération de catholiques libéraux, progressistes, sera encouragée par la pression de l’intelligentsia, cet ensemble devant tourner un pape contre l’Esprit Saint.

Rappelons un fait assez simple, le synode est une assemblée qui se tient « cum Petro et sub Petro » au cours de laquelle les évêques réunis en collège débattent, comme sait le faire l’Église, avec autant de sagesse que de nécessaire lenteur (ledit synode, cette étape s’étant achevée en quelques semaines, ne trouvera sa conclusion que dans de nombreux mois). La locution latine « cum Petro et sub Petro » marque les travaux de la présence constante du Pape, qui en validera les prudentes conclusions, comme Paul VI un certain 25 juillet 1968 après avoir entendu la commission pontificale pour l’étude de la population, de la famille et de la natalité, François pourra tirer du Synode les richesses et écarter les errements éventuels de cette assemblée.

Nous pourrions répondre au monde comme Léon Bloy aux protestants « Jésus m’a commandé d’obéir au Pape et cela me suffit. »
Pourtant combien d’entre nous se sont laissés prendre au jeu des prédictions, des acclamations, des injonctions d’une presse, de ses « vaticanistes » auto-proclamés, pour qui cet événement tour à tour aurait pu, pouvait, aurait du, devait enfin, sous peine de subir l’anathème des gardiens du « sens de l’histoire », être pour l’Église et sa doctrine une révolution.
Malgré tout le mépris que nous avons pour les godillots médiatiques, ne nous sommes nous pas laisser désespérer par leurs augures ? Nous n’esquissons plus qu’un sourire désabusé à la vue de ces deux ou trois ecclésiastiques libéraux, toujours les mêmes, que doivent se partager toutes les grandes chaînes, sortis du formol le temps d’une interview ou d’un tweet, nous les savons désolés et insignifiants, mais pourtant n’avons nous pas craint en raison de leur médiatisation, que ceux-ci ne donnent le la des débats de l’assemblée synodale ?
Lorsqu’un document de travail intermédiaire, présentant toutes les motions plus ou moins contradictoires discutées lors des premières séances, fut présenté, uniquement dans ses points les plus libéraux, comme l’obligatoire conclusion définitive, avons nous accordé l’attention requise à la forme tant qu’au fond de ce document ?
Enfin le saint père a conclu cette session par un discours montrant que la boussole de Pierre n’est pas brisée, et les mêmes augures rongeant leur frein ont tenté maladroitement de nous dépeindre François mis en joue par d’obscures puissances réactionnaires, devant renoncer à ses réformes.
Nouvelle déception de ceux qui incantent en toute occasion pour un François progressiste,

l’invective n’est pas loin…

Qui est le Pape ? Qui est François ? Pour répondre à cette question, les fidèles catholiques n’ont que deux recours, il s’agit de regarder ses œuvres, lire ses encycliques, ses catéchèses, ses homélies. Ou bien d’accepter l’intermédiaire journalistique malgré ses partis pris révolutionnaires, dont l’enthousiasme depuis l’élection du Pape peut tout à la fois nous gagner et nous paraître fort suspect.

La franche hostilité du monde vis à vis de Benoit XVI et de Jean Paul II nous a peut être fait oublier les notables précédents. Pourtant, deux d’entre eux devraient nous rester en mémoire, nos adversaires eux, ne les ont pas oubliés, comme les cris d’orfraie auxquels a donné lieu la béatification de Pie IX en 2000 nous l’ont bien montré. Léon XIII son successeur est le second.
Tous deux furent acclamés par les ennemis du Christ après leur élection, tous deux sont désormais honnis, leur moment de grâce envolé lorsqu’on s’aperçut avec stupeur qu’ils étaient catholiques, le même destin attend François.

Pie IX fut élu alors que l’Europe subissait frontalement les coups de la révolution victorieuse, il souhaita éliminer tous les prétextes à la calomnie révolutionnaire contre le Saint Siège, pour cela on le croira révolutionnaire lui même.
L’Italie s’apprêtait alors à tomber, les ventes maçonniques à l’image des carbonari y sont omniprésentes. Parmi celles-ci, comme en France, dans l’assemblée si libérale de Louis Philippe où l’on exalte l’apostasie de Lammenais, on ne boude pas son plaisir. « La Presse » dans son édition du 21 Juin 1846 rapporte que la France l’avait « mis au nombre de ses candidats ». Cet engouement prend des proportions ridicules avec les premières mesures prises par le pape, la liberté de la presse, la création du conseil d’état, les républicains Italiens le rêvent en chef d’État d’une nouvelle confédération. Victor Hugo dresse 13 janvier 1848 un portrait ultra-républicain de Pie IX : « Cet homme qui tient dans ses mains les clefs de la pensée de tant d’hommes, il pouvait fermer les intelligences ; il les a ouvertes. Il a posé l’idée d’émancipation et de liberté sur le plus haut sommet où l’homme puisse poser une lumière. [...] ces principes de droit, d’égalité, de devoir réciproque qui il y a cinquante ans étaient un moment apparus au monde, toujours grands sans doute, mais farouches, formidables et terribles sous le bonnet rouge, |...] il vient de les montrer à l’univers rayonnants de mansuétude, doux et vénérables sous la tiare. [...] Pie IX enseigne la route bonne et sûre aux rois, aux peuples, aux hommes d’État, aux philosophes, à tous ».
La suite on la connaît, la désillusion des carbonari vis à vis d’un pape trop catholique, le coup de force armé contre Rome, le pape chassé et la proclamation de la république contre laquelle devra intervenir le Second Empire. Enfin le Syllabus, qui achève de détruire l’illusion, et le concile qui l’enterrera..

Le même schéma se produira avec Léon XIII, présenté comme ennemi personnel de Pie IX par la gauche, au point que Gambetta écrira entre deux professions de sa haine du cléricalisme [2] « Aujourd’hui sera un grand jour. […] peut être la conciliation faite avec le Vatican. On a nommé le nouveau pape. […] Je salue cet événement plein de promesse. Il ne rompra pas ouvertement avec les traditions et les déclarations de son prédécesseur ; mais sa conduite, ses actes, ses relations (?) vaudront mieux que des discours et s’il ne meurt pas trop tôt nous pouvons espérer un mariage de raison avec l’Église. ».
Léon Bloy lui même se laissera prendre, il avouera « avoir été dur » avec Léon XIII, avoir pêché contre l’obéissance, et contre l’espérance, comme nous l’avons peut-être tous fait dans une certaine mesure en ce mois d’octobre en oubliant à notre tour les fondations surnaturelles sur lesquelles l’Église est bâtie.
Léon XIII remerciera Gambetta comme il se doit, en condamnant le Sillon, l’américanisme, il sera à nouveau « le pape des anathèmes ». On verra contre lui les médias plus retors, ainsi alors que les invectives avaient répondu à l’affirmation par le pape de l’impossibilité de réconcilier l’Évangile et la révolution. Son encyclique aux catholiques français Au milieu des sollicitudes se verra réserver fort bon accueil, rien d’étonnant quand on sait quel sort lui est préparé par les catholiques libéraux, elle sera torturée, détournée, jusqu’à aboutir à la légende du « ralliement ».

C’est négliger uniquement la transcendance ecclésiale et ses miracles.

Trois grands maux sont causés par cette stratégie :

  • Les catholiques libéraux sont renforcés.
  • Les catholiques fidèles sont blessés dans leur espérance, leur confiance et leur obéissance au Pape.
  • Et enfin, les adversaires de l’Église utilisant parfois mieux qu’elle sa hiérarchie, en parvenant à corrompre la base, en instillant le sentiment de l’inéluctabilité de réformes chez tant de fidèles et de prêtres, finissent par en atteindre le sommet, les évêques, le pape lui même, qui, sans le secours de l’Esprit Saint pourraient, ils en sont persuadés, être convaincus à leur tour. C’est négliger uniquement la transcendance ecclésiale et ses miracles. (Rappelons Humanæ Vitæ par exemple. Toute la force d’âme du pape, sans le secours divin, n’aurait peut être pas suffit à résister ainsi aux pressions subies)

Nos ennemis apprennent de leurs erreurs, seule la conspiration du silence accueille aujourd’hui les interventions du Pape qui démontrent son orthodoxie. Les catholiques pour la plupart, ne lisent plus ce que leur dit leur pape, ils en ignoreront donc tout, car de fait, ils dépendent entièrement de ces journalistes à qui ils ne font pourtant pas confiance ; cela suffira donc pour préserver la glace du miroir illusoire d’un François moderniste. Ne nous y trompons cependant pas, encore une fois, l’invective n’est pas loin, le ton se durcit, les injonctions se font plus pressantes, le démon n’est pas patient, ses serviteurs ne le sont jamais longtemps.

Mais le point important n’est pas là, il est dans la prise de conscience nécessaire qu’il ne doit y avoir entre le saint père et nous, entre l’actualité de l’Église et nous, aucun autre intermédiaire que nos prêtres, et nos frères en Christ.

Vincent CHALMEL

[1Charles Dollfus

[2C.f. Le cœur de Gambetta, Imprimerie F. Laur, 1907, p 244

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