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Michel Onfray vient de lancer le Front Populaire, une initiative louable dont l’objet est de fonder intellectuellement une résistance à l’ordre maastrichtien et de rassembler les souverainistes de gauche et de droite. Voici son programme : « D’abord l’insurrection contre un monde dont les peuples ne veulent plus ; ensuite, tracer les lignes de force de ce monde dont les peuples veulent. »
Et il a raison, du moins en partie. Face à la distanciation croissante des élites et au confinement idéologique permanent, il est effectivement prioritaire de retrouver dans la société les conditions matérielles d’une nation, et de faire re-naître une cause intellectuelle et même spirituelle commune. Mais nous en inverserons l’ordre — et ce sera le plan —, puisque l’esprit – autrement dit la cause commune – , précède le corps – c’est-à-dire la nation – dans l’analyse, la décision, et la mise en œuvre harmonieuse [1].
À cet ordre près, les priorités de Michel Onfray seraient cependant pertinentes, n’était leur focalisation regrettable sur le rapport du peuple au pouvoir plutôt que sur le peuple lui-même. C’est cet angle qui sera principalement discuté au fil de cet article.
Comment recouvrer la raison ? Michel Onfray choisit de se mettre sous le patronage d’Étienne de La Boétie, et sa revue adopte pour devise et pour programme [2] l’une des citations les plus célèbres du Discours de la servitude volontaire : « Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres. »
C’est un parti pris idéologique intéressant, à bien des égards. La Boétie est une référence intellectuelle qui pourrait convenir à l’ancienne gauche (pour sa postérité chez les monarchomaques, les calvinistes et les anarchistes, entre autres) comme à l’ancienne droite (pour sa foi catholique, son talent littéraire et son caractère patrimonial, entre autres). Son fameux discours refuse dès l’incipit de poser la question épineuse du régime ; son humanisme le rend universel ou à tout le moins sympathique ; et surtout, sa critique de la tyrannie (et non de « tout pouvoir » comme l’indique Michel Onfray) est éprouvée et dynamique.
La Boétie explique que toute tyrannie repose sur le consentement du peuple qu’elle opprime plutôt que sur son exercice visible [3]. La tyrannie s’exerce via des chaînes réciproques de servitude : le tyran a besoin du soutien de cinq ou six personnes avec qui il partage ses privilèges et ses bénéfices, lesquels s’assurent en retour que le chef soit en capacité de les leur distribuer. Ces cinq ou six courtisans s’entourent eux-mêmes de six cents personnes, et qui en tiennent six mille sous leur dépendance, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il se trouve plus de gens « auxquels la tyrannie profite, que ceux auxquels la liberté plairait ». Le système tyrannique finit par lier et corrompre mutuellement la majorité des hommes.
Il s’en suit, comme le note à juste titre Michel Onfray, que la remise en cause de la tyrannie ne saurait se concentrer sur le tyran, au risque de renforcer les chaînes de servitude, et en cas de succès, de diviniser celui qui fut sacrifié. Et puis, à quoi bon ? le tyran est en fait interchangeable tant que le peuple oublie d’aimer la liberté. De même, il est inutile de dépenser ses forces contre les gardes, qui sont tout aussi interchangeables, et qui comme derniers maillons de la chaînes, en sont les gardiens les moins coupables. En revanche, d’après La Boétie, si le peuple cesse de participer et d’admettre ce système, le système s’écroulera de lui-même. Tout cela est juste, mais seulement cela.
À faire du Discours de la servitude volontaire une « méthode insurrectionnelle », et malgré toutes ses précautions oratoires, Michel Onfray en tord de fait le sens, et lui donne une portée radicale et performative qu’il n’a pas. Cette erreur lui vient d’une mauvaise compréhension de la nature de ce texte, que l’on peut imputer à Montaigne lui-même, qui a prétendu faussement que ce discours avait été écrit à l’âge de 16 ans pour en empêcher les récupérations politiques postérieures [4]. Mais le Discours de la servitude volontaire n’est pas un exercice scolaire écrit par un gamin dans la fougue ou le sérieux de ses 16 ans. Ce n’est pas non plus une exhortation à l’usage du peuple, un appel à la grève générale, ou un manuel de désobéissance civile [5]. Il s’agit en réalité d’une déclamation humaniste, à la manière de l’Enrichidion d’Érasme ou de La Donation de Constantin de Valla : un discours qui prétend être académique dans son énonciation et fictif dans ses énoncés, pour s’attaquer à des problèmes bien réels sous les apparences de l’exercice d’éloquence. Les déclamations humanistes sont des textes ambigus, qui renoncent à toute portée pragmatique immédiate et univoque, comme le comprenait très bien d’ailleurs le public cultivé auquel ils étaient adressés.
La réception du DSV s’en trouve profondément changée. Ce n’est plus la critique fondamentale du pouvoir que Michel Onfray aimerait y lire, puisque les propos les plus radicaux sont aussi les plus rhétoriques, et que toutes les préventions et précautions comptent, même quand elles sont tacites. Ce n’est pas non plus un guide populiste à destination du plus grand nombre, mais une interrogation sur la liberté destinée à des humanistes. La Boétie doute d’ailleurs explicitement de la possibilité d’adresser un discours délibératif au peuple [6] ; et en ce sens, il est douteux que le discours de Michel Onfray sur la notion abstraite de souveraineté soit plus efficace. Ce n’est pas enfin une théorie insurrectionnelle ou révolutionnaire. Quand Michel Onfray appuie le programme du Front Populaire sur de nombreux auteurs modernes et contractualistes, La Boétie se contente de citer les auteurs classiques et la bible : il ne veut pas créer une nouvelle société, mais simplement restaurer un ordre naturel.
« Si donc une nation, contrainte par la force des armes, est soumise au pouvoir d’un seul — comme la cité d’Athènes le fut à la domination des trente tyrans —, il ne faut pas s’étonner qu’elle serve, mais bien le déplorer. Ou plutôt, ne s’en étonner ni ne s’en plaindre, mais supporter le malheur avec patience, et se réserver pour un avenir meilleur. »
La Boétie
Le DSV est, en somme, un texte qui pose plus de questions qu’il ne donne de réponses [7]. La Boétie savait en effet que la liberté d’un peuple ne se décrète pas. Et s’il prône ardemment la liberté de ce peuple, il ne le pousse jamais à conquérir sa souveraineté, à la différence de Michel Onfray. Cette différence vient essentiellement de leur définition du peuple, que Michel Onfray résume souvent [8] comme « celui qui n’a pas le pouvoir et sur qui s’exerce le pouvoir » : la libération populaire ne peut donc pas passer que par la suppression du pouvoir, ou plutôt par son changement de mains, puisque la liberté telle que la conçoit Michel Onfray demande à s’exercer dans l’espace public [9]. Pour le philosophe normand, la liberté populaire est donc indissociable de la souveraineté populaire. L’humaniste bordelais, de son côté, s’étonnerait certainement d’une telle exhortation, qui plus est en son nom, mais il se défierait encore davantage d’une telle entreprise. La Boétie craint trop la tyrannie du nombre [10] pour la préférer à celle du seul.
Dans le DSV, tout au contraire, la liberté est avant tout une disposition personnelle. Cette disposition est instruite par la raison [11], et notamment par une connaissance réflexive de sa place et de son rôle dans la Cité, d’où l’importance des thèses du DSV, et d’où l’importance plus générale que l’humaniste bordelais accorde à la formation intellectuelle. La liberté a tôt fait de s’oublier autrement. Et il faut se la rappeler pour l’aimer, puis la reconquérir. L’homme retrouve sa liberté en convertissant son regard et ses intentions. Autrement dit, et au risque de désavouer une partie du programme de Michel Onfray, ignorer sa condition servile est un esclavage, mais se reconnaître sujet d’un ordre naturel est une liberté ; se soumettre par défaut est un esclavage, mais vouloir obéir à une autorité légitime est une liberté [12] ; être complice des chaînes de servitude est un esclavage, mais se mettre au service de la communauté est une liberté.
Quand cette disposition devient collective ou nationale, elle exige d’abord de « supporter le malheur » et de « se réserver pour un avenir meilleur ». Demain ne sera pas meilleur qu’aujourd’hui simplement parce qu’il est demain. Demain sera meilleur si la nation se maintient et se réserve, si elle préserve et renforce sa capacité à être. À la différence de la liberté personnelle qui suppose une conversion intérieure, la première liberté populaire est l’existence, qui suppose déjà une pérennité, sans laquelle toute aspiration à la souveraineté est illusoire. L’identité et la patience sont faites vertus nationales par excellence, et elles n’écrivent pas de constitution. Le peuple, son identité et son existence, priment toute action politique qui chercherait à traduire ses volontés.
Cet « avenir meilleur » réclame cependant une vie et une espérance communes. La Boétie invite ses lecteur à « s’entreconnoître » comme le disent les manuscrits. Selon La Boétie, c’est par la vie organique, par la vie « en compagnie », par la découverte d’une fraternité naturelle entre les hommes que ceux-là se reconnaissent humains [13]. La vie en société ne saurait donc reposer sur un accroissement des droits individuels, même contre un tyran, mais sur un accroissement de la fraternité. Cette fraternité n’exclut certes pas la négociation, mais elle récuse tout contrat social antérieur à la Cité. La justice et le partage, mis en œuvre par une vie sociale et caritative libre et intense, nourrissent alors l’amour national pour un bien et un avenir communs.
Au confinement idéologique permanent et à la distanciation croissante des élites dont nous parlions en introduction, La Boétie oppose « l’échange des pensées » et « la communion des volontés ». Sa République des Lettres [14], pour utopique qu’elle puisse sembler, vaut toujours mieux que les unions nationales et européennes qu’on nous impose, à coup de communication prescriptive [15] et d’enchaînements administratifs.
[1] Ce qui ne revient pas à dire que l’esprit crée le corps, et qu’une société puisse être le résultat d’une construction rationnelle ou d’un accord des volontés, comme le supposent les dogmes modernes que Michel Onfray reprend en partie.
[2] « […] et puis cette fameuse phrase, sublime parce qu’elle est programmatique : « Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres » ! » (ONFRAY Michel, https://frontpopulaire.fr/o/Content/co24850/soyez-resolus-a-ne-plus-servir-et-vous-voila-libres-la-boetie, 15 avril 2020)
[3] Ainsi, la tyrannie ne s’exerce pas d’abord par ses gardes physiques : ces derniers ne pourraient jamais être aussi nombreux que la population qu’ils surveillent. Les gardes ne sont cependant pas les seul signes visibles de l’exercice du pouvoir : la question du pouvoir des signes, des signes du pouvoir, et la puissance de l’imagination est autrement plus intéressante et complexe. Elle sera très discutée par Montaigne, Pascal et les auteurs de Port-Royal.
[4] Pour présenter le DSV comme un exercice scolaire afin de lutter contre toute récupération politique de celui-ci, Montaigne avait d’abord prétendu (au chapitre XXVIII des Essais) que l’auteur avait 18 ans, avant de faire passer l’âge d’écriture à 16 dans les manuscrits des Essais postérieurs à 1588. De nombreux critiques ont d’abord pensé, se fiant à la déclaration changeante de Montaigne, que le DSV avait été rédigé entre 1546 et 1549. Cependant, La Boétie y mentionne La Franciade de Ronsard (qu’il ne pouvait connaître avant 1554). Par ailleurs, il apostrophe un certain Longa, identifié comme Guillaume de Lur-Longa, mort en 1557 ; et nous savons que Montaigne a voulu le rencontrer à cause de ce texte, et leur rencontre date de 1557. Aujourd’hui, la plupart des universitaires concluent donc que le DSV a été écrit entre 1554 et 1557, ce qui n’enlève rien au génie de La Boétie (qui avait entre 24 et 27 ans), mais oblige les lecteurs à apporter plus de crédit et d’attention à ce texte.
[5] D’ailleurs, si La Boétie, comme parlementaire, a parfois défendu des opinions qui n’étaient pas celle de la couronne (ou plus précisément du chancelier Michel de L’Hospital et de la régente Catherine de Médicis), il s’est toujours soumis à celle-ci, et a mis en œuvre ses choix. Favorable à une politique de concorde, il applique pourtant une politique de tolérance vis-à-vis des protestants dès 1561. En 1563, alors que des protestants tentent de prendre Bordeaux, il dirige une centaine d’hommes pour la défendre. Il ne s’est pas mis en grève, il n’a pas cessé de payer ses charges. L’argument peut paraître faible : combien d’hommes ne sont pas à la hauteur de leurs convictions ? Il est cependant corroboré par une lecture attentive du DSV ou des textes de ses proches (comme L’Exhortation à son neveu de son beau-frère Lancelot de Carle). Enfin, c’est le renoncement de Montaigne (tout à la fois son meilleur ami, le grand admirateur du DSV, et le dépositaire de son œuvre) à la publication de ce texte, qui confirme que cette déclamation n’est pas faite pour tomber entre toutes les mains.
[6] « Les médecins conseillent justement de ne pas chercher à guérir les plaies incurables, et peut-être ai-je tort de vouloir ainsi exhorter un peuple qui semble avoir perdu depuis longtemps toute connaissance de son mal — ce qui montre assez que sa maladie est mortelle. »
[7] C’est un discours délibératif sans caractère pragmatique évident (il se pose certes la question de l’effet de son discours, mais sans le définir néanmoins), un discours judiciaire sans avis définitif (le propos est parfois radical, mais il est toujours introduit ou déminé), un discours épidictique sans nom précis (il loue la liberté, mais ne se prononce pas sur son contenu).
[8] Comme ici, par exemple : https://www.franceculture.fr/philosophie/le-peuple-cest-quoi
[9] La plupart des penseurs politiques prometteurs semblent subir l’influence néfaste d’Hannah Arendt sur cette question. Par une sécularisation malheureuse des thèses augustiniennes sur le mal, la liberté et la grâce, cette dernière a assimilé le mal, c’est-à-dire l’absence de bien, à la banalité, à la passivité politique. À ses yeux, l’engagement public positif et volontariste est donc capable de résoudre tous les problèmes, et seul lui le peut.
[10] La dénonciation de la tyrannie de plusieurs, et plus avant de la tyrannie du nombre, ouvre d’ailleurs l’incipit du DSV.
[11] « Il est hors de doute, je crois, que si nous vivions avec les droits que nous tenons de la nature et d’après les préceptes qu’elle nous enseigne, nous serions naturellement soumis à nos parents, sujets de la raison, sans être esclaves de personne. »
[12] La Boétie, qui est partisan d’un ordre naturel et juste, estime par exemple naturel d’obéir à ses parents : « Chacun de nous reconnaît en soi, tout naturellement, l’impulsion de l’obéissance envers ses père et mère. » En d’autres passages, il salue la légitimité du roi de France.
[13] « Ce qu’il y a de clair et d’évident, que personne ne peut ignorer, c’est que la nature, ministre de Dieu, gouvernante des hommes, nous a tous créés et coulés en quelque sorte dans le même moule, pour nous montrer que nous sommes tous égaux, ou plutôt frères. Et si, dans le partage qu’elle a fait de ses dons, elle a prodigué quelques avantages de corps ou d’esprit aux uns plus qu’aux autres, elle n’a cependant pas voulu nous mettre en ce monde comme sur un champ de bataille, et n’a pas envoyé ici bas les plus forts ou les plus adroits comme des brigands armés dans une forêt pour y malmener les plus faibles. Croyons plutôt qu’en faisant ainsi des parts plus grandes aux uns, plus petites aux autres, elle a voulu faire naître en eux l’affection fraternelle et les mettre à même de la pratiquer, puisque les uns ont la puissance de porter secours tandis que les autres ont besoin d’en recevoir. Donc, puisque cette bonne mère nous a donné à tous toute la terre pour demeure, puisqu’elle nous a tous logés dans la même maison, nous a tous formés sur le même modèle afin que chacun pût se regarder et quasiment se reconnaître dans l’autre comme dans un miroir, puisqu’elle nous a fait à tous ce beau présent de la voix et de la parole pour mieux nous rencontrer et fraterniser et pour produire, par la communication et l’échange de nos pensées, la communion de nos volontés ; puisqu’elle a cherché par tous les moyens à faire et à resserrer le noeud de notre alliance, de notre société, puisqu’elle a montré en toutes choses qu’elle ne nous voulait pas seulement unis, mais tel un seul être, comment douter alors que nous ne soyons tous naturellement libres, puisque nous sommes tous égaux ? Il ne peut entrer dans l’esprit de personne que la nature ait mis quiconque en servitude, puisqu’elle nous a tous mis en compagnie. »
[14] La Boétie aspire, au fond, à une sorte de version intellectuelle et sécularisée du Royaume des Cieux, la République des lettres. La plupart des humanistes l’appelaient de leurs voeux.
[15] On pourrait définir la communication prescriptive comme la manière dont certains journalistes et gouvernements cherchent à plaire et à imposer en prétendant se servir des outils de la raisons (informer, et conclure). Cette volonté d’avoir par la voie du cœur (par l’agrément) ou du corps (par la contrainte) ce que la raison ne peut obtenir est la définition même de la tyrannie selon Les Pensées de Pascal (fragments 91 et 92 de l’édition Sellier).
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