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« Le système sent le sol se dérober sous ses pieds » : entretien avec Gabrielle Cluzel

Gabrielle Cluzel est rédacteur en chef de Boulevard Voltaire. Membre du jury des Bobards d’Or, rendez-vous incontournable de la réinformation [1], elle revient avec Le Rouge & Le Noir sur les plus beaux bobards de l’année passée.

R&N : Avec près de cinq ans d’existence, Boulevard Voltaire est un média militant pour une liberté d’expression totale, comme ses créateurs (Robert Ménard et Dominique Jamet) l’avaient imaginé. Dans sa charte, il déclare « Boulevard Voltaire n’est pas… le cache-sexe d’un parti politique. » Pourtant, il est de façon récurrente accusé de « rouler » pour l’extrême droite. Cette assertion… est-elle un bobard ?

Gabrielle Cluzel. C’est même un paléobobard, un bobard fossilisé, qui date de la nuit des temps : dès lors qu’un média donne la parole à une voix dissidente, il est accusé de « rouler pour l’extrême-droite », tandis que les autres médias, bien sûr, ne roulent pour personne. En paraphrasant Woody Allen, on pourrait dire que la presse aujourd’hui est parfaitement objective, elle se contente seulement de tronquer l’information. Elle roule tout court, dans le sens transitif du verbe… ses lecteurs !

Quant à Boulevard Voltaire, en cette période pré-électorale, il devient une véritable plate-forme de débat accueillant divers points de vue — que nous devons d’ailleurs parfois modérer… Vous savez que les Gaulois que nous sommes avons vite tendance à nous invectiver : il n’est pas frais, mon poisson ? — et l’on nous accuse alternativement, selon les publications du moment, de rouler pour Marine Le Pen ou pour François Fillon. Un peu moins pour Mélenchon, Macron ou Hamon, je dois le reconnaître. Non pas que nous refusions d’accueillir les contributions militantes de ce côté-là de l’échiquier, mais parce que vous savez comment est la gauche, elle ne se mélange pas à la plèbe pouilleuse qui vote à droite ! Et surtout elle a, aujourd’hui, horreur de la contradiction.

R&N : En tant que rédacteur en chef de Boulevard Voltaire, pensez-vous faire partie de cette mouvance de réinformation que vilipende la grande presse à grand renfort de plateformes de « désintox », « décodeurs » ?

Gabrielle Cluzel. Oui, peut-être, sans doute. La vérification minutieuse des sources est le souci constant d’Emmanuelle Duverger, notre directrice de publication. Nous passons un temps infini à vérifier les informations dont nous nous faisons le relai, et à ne pas céder à la tentation — elle existe — de la désinformation à l’envers, ou de l’emballement consistant à s’auto-alimenter et à tourner en boucle dans la réacosphère, que d’aucuns appellent si affectueusement la fachosphère…
Mais cela, hélas, importe peu à la grande presse. Elle s’est fait une spécialité de tordre la vérité en tous sens pour lui donner, avec des airs doctes d’expert indépendant, des allures d’intox.
Elle « décode » en réalité les faits qu’elle n’a pas pu « encoder » dans son système. Il faut donc arroser l’arroseur, décoder le décodeur, c’est bien ce que s’appliquent à faire les Bobards d’or, par la dérision, qui est encore le meilleur antidote.

R&N : Après avoir présenté la cérémonie des Bobards d’Or l’année passée, vous faites désormais parti du jury qui décidera quel journaliste de grande presse a mérité de monter sur le podium des menteurs de l’année. Pensez-vous que cette année ait été particulièrement chargée en terme de désinformation ?

Gabrielle Cluzel. Oui, bien sûr, 2016 a été spécialement faste car le système sent le sol se dérober sous ses pieds. On tire le tapis sur lequel il était confortablement installé, et il sait bien que l’heure approche où il se trouvera cul par dessus tête. Pour se défendre, il désinforme donc tous azimuts. Et plus la vérité devient voyante, plus le mensonge doit être gros pour la dissimuler. Forcément. Je crois aussi, que d’année en année, nous prenons un peu plus conscience de l’ampleur de cette désinformation. Et cette conscientisation est le fruit du travail des médias alternatifs.

R&N : L’Assemblée Nationale vient d’adopter une législation visant à sanctionner des plateformes (« tout moyen ») qu’elle qualifie de « désinformateurs », au motif qu’ils apportent une vision alternative au message du gouvernement sur l’avortement. Que laisse présager une telle loi pour les plateformes se réclamant de la réinformation ?

Gabrielle Cluzel. Le politiquement correct était déjà une casuistique très complexe, qui faisait de nous des funambules en équilibre sur leur fil, mais là, nous allons réellement finir bâillonnés…

R&N : Comment expliquer que cette loi, qui contrevient pourtant directement à la liberté d’expression, ait été adoptée si promptement ? La droite n’est-elle pas censée s’ériger contre cette restriction des libertés ?

Gabrielle Cluzel. Comme cette loi touche à l’IVG, elle n’émeut pas grand monde. J’ai déjà remarqué sur Boulevard Voltaire et ailleurs, que le camp dissident, celui qui prétend s’opposer au « système », guerroie la plupart du temps en myope. Il n’a pas de vue d’ensemble du combat qui se joue, et il n’y a pas seulement de « solidarité négative », pas d’alliance d’opportunité : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Non, on est plutôt soulagé que le knout soit tombé à côté. Sans voir que ce n’est que reculer pour mieux sauter et qu’un coin a été enfoncé : ces mesures feront évidemment jurisprudence pour bien d’autres sujets.
La loi dite « égalité et citoyenneté », dont on a fait peu de cas jusqu’à présent, ne va pas arranger les choses, notamment avec les dispositions contenues dans son chapitre censé « améliorer la lutte contre le racisme et les discriminations »… Les Bobards d’Or, par leur scan transverse de tous les domaines de la dissidence, peuvent aider à cette cohérence complète.
La droite, vous dites ? Pour donner une bonne illustration du concept même de « Bobard d’Or », je crois que vous avez trouvé le mot.


[1La cérémonie des Bobards aura lieu le 6 février, Théâtre du Gymnase Marie Bell, 38 boulevard de la Bonne Nouvelle, Paris Xe. Inscrivez-vous dès maintenant sur la plateforme en ligne (https://www.weezevent.com/les-bobards-d-or) et choisissez les plus beaux professeurs de bobards sur nos réseaux en ligne (site des Bobards d’Or : http://bobards-dor.fr/ @bobardsdor / Facebook : Bobards d’Or).

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