L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.
R&N : Pouvez-vous nous rappeler le(s) objectif(s) de votre association ?
Victor Aubert : Permettez-moi d’emprunter le titre d’un ouvrage paru récemment : nous sommes la génération des « déshérités » [1] ! Academia Christiana s’est donnée pour but de former la jeunesse française, en lui donnant les bases intellectuelles indispensables à tout sursaut politique, moral, social ou religieux. Notre objectif principal est la reconquête des esprits, basée sur une métaphysique réaliste, rendue accessible à tous. Notre travail, à l’instar de celui du mouvement soixante-huitard en son temps, consiste à diffuser une pensée, à la vulgariser, à « recruter », à toucher un maximum de jeunes, en leur faisant découvrir ce qui par la force des choses est devenu la dernière véritable contre-culture, face à l’idéologie dominante. Depuis deux ans, nous avons formé plus d’une centaine de jeunes en leur transmettant des principes qu’on appellera par commodité « classiques » ou « réalistes ». La connaissance de ces principes est la condition sine qua non pour aller plus loin, elle permet de hiérarchiser les problèmes, d’avoir une vision cohérente et complète de ce qu’est l’homme, de ce qu’est une société, mais aussi de donner une connaissance du christianisme dans ces grandes lignes.
R&N : Pourquoi l’engagement politique est-il si important à vos yeux ?
Victor Aubert : Quand nous parlons d’engagement politique, nous voulons parler d’engagement politique au sens large. Il ne s’agit pas pour nous d’envoyer tout le monde au « casse-pipe » sur des listes électorales. En revanche, il s’agit bien d’un engagement, ce qui implique la nécessité de passer à l’action. Une fois que l’on a reçu une bonne formation, de grands principes, il faut leur trouver une application sous peine d’être incohérent. Parmi les causes des maux que nous déplorons, nous avons constaté qu’il y avait d’une part le manque de formation, mais aussi et surtout le manque de cohérence ou de volonté.
N’étant pas fatalistes, nous pensons que si la jeunesse vient se former, puis s’engage au service du bien commun dans des voies en accord avec les principes que nous enseignons, notre action aura une certaine efficacité que nous ne pouvons pas encore bien mesurer tant que nous sommes dans l’étape des préparatifs.
Par ailleurs, il est aussi manifeste que la politique est un monde à réinvestir par des hommes qui ont le sens du sacrifice, qui ont reçu une certaine éducation morale et philosophique, et nous voulons pousser les choses dans ce sens à notre mesure.
La politique est par essence l’affaire de tous, c’est donc du devoir de chaque membre d’une société de participer d’une manière ou d’une autre à la politique. Mais tout le monde n’est pas fait pour être chef, ou même conseiller, nous proposerons donc aussi d’autres possibilités d’engagements moins directement politiques, comme l’enseignement, le développement d’alternatives économiques au système consumériste et mondialiste, le journalisme ou l’écriture, la recherche ou les arts, en bref tout ce qui peut participer de près ou de loin à transformer notre société vers une amélioration globale, donc politique.
R&N : L’affiche annonçant votre soirée du 4 octobre titre : "Théorie du genre, grand remplacement, casse sociale, souveraineté bradée, traité transatlantique... Guerre totale au mondialisme !" Quel est le rapport entre tous ces phénomènes ?
Victor Aubert : Loin de croire au complot ou à une explication du mal réductible au nombre de facteurs le plus restreint, nous pensons néanmoins que les maux que traversent nos sociétés contemporaines peuvent participer d’orientations idéologiques semblables. Je m’explique : ni les échanges économiques mondiaux, ni la technique ne sont des maux en soi, pris dans l’absolu. En revanche, couplé à des idéologies néfastes (libéralisme, marxisme-léninisme), l’avènement de la technique, qui a permis l’accroissement des échanges que nous appelons mondialisation, conduit les acteurs politiques ou économiques à ne plus raisonner qu’en termes de rentabilité économique à court terme, à se désintéresser du réel complexe pour n’envisager le monde qu’à travers le prisme de la technique et de la matière. Les problèmes sociaux se résolvent par une sorte d’égalité arithmétique abstraite, on s’aveugle sur la complexité des histoires particulières des peuples, sur l’importance de facteurs immatériels : la morale, la foi, la culture, l’identité charnelle. Tout cela est balayé, relégué dans le champ des sujets sans importance, la seule chose qui compte désormais pour la génération de ceux qui nous gouvernent c’est le maximum de profit, pour le maximum de plaisir, garanti par le maximum de pouvoir. Or, en laissant le monde avancer ainsi, nous nous rendons complice de cette marche vers toujours plus de déshumanisation, car ce qui fait l’homme c’est avant tout son identité (ses codes, ses valeurs, ses lois morales, son histoire, ses savoirs ancestraux, sa famille, ses symboles, ses rites, ses croyances, sa couleur de peau, sa terre, sa culture…) plus que la prétendue bonne santé économique du système auquel il appartient.
Ce que l’on a appelé dans les milieux conservateurs « gender » procède de la même façon, on balaye les différences immatérielles entre homme et femme pour en faire des esclaves de la rentabilité économico-technique. Mais il n’y a pas que le « gender » de la différence sexuelle qui doit faire partie de nos préoccupations, car dans l’esprit de ceux qui nous gouvernent, tous les constituants immatériels de notre identité que j’ai énuméré de façon non exhaustive font aussi partie des « constructions sociales » à abattre pour nous émanciper de je ne sais quelle aliénation.
Comme Chesterton le disait pour rire à propos du féminisme, les chantres de l’émancipation avaient un slogan : « on ne nous dictera rien »… puis elles devinrent toutes rapidement sténodactylos !
Si nous ne nous mobilisons pas contre tous les « genders », c’est à dire si nous restons plantés là, sans proposer autre chose, d’autres modèles de société qui ne soient pas une caricature de la chrétienté médiévale, nous laisserons ce monde aller à la dérive et porterons la responsabilité de cette déshumanisation. Tout est à faire et nous partons quasiment de zéro.
R&N : Pourquoi le mot "guerre" ? Les chrétiens ne sont-ils pas des pacifistes en tout ?
Victor Aubert : En effet, il peut paraître paradoxal aux yeux de certains que les catholiques partent en guerre. Mais permettez-moi d’envisager les choses sous un autre rapport : le christianisme demande au chrétien de se soumettre aux épreuves permises par Dieu, mais dont le but est la sanctification, la purification de nos péchés, la confession publique de la foi. Il s’agit là d’une attitude surnaturelle dans laquelle, à la suite du Christ, tout chrétien doit se placer. Mais le Christ demande aussi à ses disciples de lutter contre le mal, de proclamer la vérité, d’être non seulement justes mais miséricordieux et aimants en particulier envers les plus pauvres. Si l’on adopte une vision chrétienne où, le péché originel a blessé la nature humaine - bonne à l’origine puisque créée par Dieu -, l’homme se retrouve placé dans une relative incapacité à faire le bien. Il doit donc lutter contre la déchéance de sa nature, et l’on peut comparer cela à une guerre. Au niveau politique, toute société humaine, depuis le péché originel, est menacée par la décadence, c’est en ce sens que la politique est un combat. Être pacifiste envers le mal, on voit bien aisément vers quelles absurdités cela nous conduirait. Si le Christ avait été pacifiste, il n’aurait jamais été crucifié, il aurait vécu dans son monde sans faire de vague, en prenant soin de ne point offenser la bien-pensance des bourgeois de son temps. La croix est un combat : « les chrétiens sont nés pour le combat » a dit le pape Léon XIII. De même, nous chrétiens du troisième millénaire devons combattre le mal, avec douceur ou par la force s’il le faut.
R&N : Pourquoi organiser cette soirée la veille de la Manif Pour Tous ?
Victor Aubert : Academia Christiana s’inscrit dans le même puzzle d’initiatives auquel appartient la « Manif Pour Tous ». Cela ne signifie pas que nous partageons absolument tout avec les cadres de ce mouvement, mais néanmoins nous pensons que l’élan général est bon. Le combat de LMPT est limité à la question de l’éducation à l’école, des lois sur la procréation et le mariage homosexuel, ce qui s’explique par le contexte de leur lutte.
Nous aimerions rappeler aux jeunes que PMA, Gender, mariage homosexuel, etc. ne sont que les effets d’un certain modèle de société : disons libéral pour faire simple.
Nous voulons surtout inviter les jeunes qui gravitent autour de cette mouvance à réfléchir sur la dimension globale que doit prendre ce combat. Il ne s’agit pas d’un enjeux électoral entre les forces conservatrices et les forces progressistes.
Il est aussi important que notre action politique, en tant que jeunes catholiques, ne se résume à la participation aux Manif Pour Tous, même si c’est déjà un premier pas pour beaucoup d’entre nous.
Il faut essayer d’instaurer une régularité entre mobilisations et formation qui permette d’abord d’acquérir une cohérence personnelle, mais qui débouche ensuite sur des engagements toujours plus concrets au service du bien commun.
[1] François-Xavier Bellamy, Les Déshérités ou l’urgence de transmettre, Plon, 2014.
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