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Au Japon, "socialisme" et "communisme" sont souvent confondus, mais, en tout cas, cela reste à un degré largement différent de l’influence du "socialisme" dans le reste du monde [1].
Le Japon est un beau pays où la gauche est inexistante. Il existe certes quelques hurluberlus qui peuvent se désigner comme des gens de gauche, mais il n’existe pas ce côté idéologique et révolutionnaire comme dans nos contrées. Bien qu’il soit difficile de mesurer ce genre de choses, il n’en reste pas moins que la gauche telle que nous l’entendons est une sorte de monstruosité antisociale qui tend à la dissolution de la société, malgré son nom trompeur.
Petite anecdote assez agréable. Au cours d’une promenade dans les rayons d’une librairie lambda, j’examine quelque peu les dernières parutions concernant la politique. Un ouvrage bien mis en évidence attire mon attention par son titre limpide : Pour le Japon. Je le saisis et j’en consulte le sommaire. Le premier chapitre s’intitule providentiellement : « De la dangerosité de la gauche au pouvoir ». Le message est clair : il est ici assez universellement admis que la gauche n’œuvrera jamais pour le pays, si elle ne s’attelle pas à sa destruction !
La gauche japonaise a ceci de particulier qu’elle a pu produire des soutiens de la monarchie qui ont donné les quelques nationaux-socialistes du Japon pendant l’entre-deux guerres – petite surprise pour ceux qui croiraient encore que le nazisme se trouve à droite : le nazisme est simplement la synthèse du socialisme et du nationalisme qui est aussi, d’ailleurs, une invention de la Révolution. Le Japon a heureusement eu la chance de ne jamais être contaminé par l’idéologie : l’incarnation de l’empereur l’a toujours protégé contre toute abstraction nauséabonde.
Les Japonais ne sont d’ailleurs pas dupes quant à cette tendance terroriste à tout théoriser, comme le rappelle par exemple ce chercheur en sciences politiques :
Le point commun entre tous les socialistes nationalistes [de l’entre-deux guerre] à propos de la maison royale, à commencer par Kita, en passant par Ishikawa et Tsukui, est leur froideur de vue. C’est-à-dire un point de vue rationnel et fonctionnel de la maison impériale [2].
Les gens réellement de gauche pouvaient accepter la maison royale, mais jamais pour les bonnes raisons. Après guerre, nous dit Umezawa, ces socialistes nationalistes, devenus sociaux-démocrates, reconnaissent le tennô et l’acceptent. La froide raison idéologique tue l’homme et la société.
Au Japon, la gauche n’a jamais été au pouvoir, sauf une fois pendant quelques mois il y a peu, intermède qui s’est rapidement terminé devant ces catastrophes ambulantes et ces démiurges des cataclysmes sociaux. Les Japonais ne sont pas fous : ils savent instinctivement et par expérience que la gauche dénature tout ce qu’elle touche. Pour être plus précis, le Japon ne comprend même pas l’idée révolutionnaire : elle est hors de son champs du conceptualisable.
En France, malheureusement, la gauche a converti la masse, et la droite est inexistante. Deux choses essentielles pourraient définir la droite : d’une part, la reconnaissance du mystère du monde et donc l’affirmation que la souveraineté vient d’en haut et, d’autre part, la revendication des devoirs de l’homme. S’ensuit que, par définition, aucun parti politique ne peut être à droite. La notion même de parti, outre sa compromission avec le principe de souveraineté populaire, constitue un dissolvant révolutionnaire corrodant le lien social et apportant la division. Il suffit de voir comment tout ce petit monde s’écharpe en ne cherchant que son profit personnel dans une rente de situation bien agréable... Même ceux qui sont droits dans leurs bottes ne peuvent qu’être victimes du parti et, imperceptiblement, ils joueront le jeu de la poursuite de l’opinion et perdront leurs convictions.
En fait, la notion de droite est viciée en soi car elle n’existe, et ne fut inventée, que pour faire exister la gauche. Comme au Japon, la droite était simplement tout le monde. La reconnaissance simple du fait naturel de la société et l’expérience du lien social rendent tout régnicole suffisamment autonome. Le malheur de la modernité est l’invention toxique de la politique ; hélas, de notre temps, il n’est plus possible d’utiliser ce noble mot sans qu’il soit irrémédiablement sali par le contresens que des illuminés lui ont donné ! Avant, la politique n’était rien de plus qu’œuvrer pour sa cité – entendez sa famille, son quartier, son village, son pays – à tous les niveaux, à commencer par soi-même. La politique ne se faisait pas : elle se vivait dans ses comportements quotidiens et dans le bien fait à autrui. L’occidental moderne, ignorant tout du Japon, croit naïvement que les Japonais se désintéressent de la politique. Grosse erreur : ils vivent tous la politique, mais ils se détournent tous de cette illusion de la pseudo-politique politicienne moderne.
Le malheur de l’homme social – qui tentait tant bien que mal d’aller vers le bien, qui vivait la politique et que l’on a arbitrairement désigné par la suite de « conservateur » et classé à droite – est qu’il ne peut pas utiliser les mêmes armes, lâches, que les antisociaux qui ne peuvent que détruire et jamais construire.
Le point sensible sur lequel les illuminés ont joué pour usurper la politique et en faire une chose monstrueuse consiste en une manipulation par l’assèchement spirituel : ce dernier permet l’effacement de la souveraineté qui n’est pas de ce monde. Oui, les formes de la politique-gestion peuvent se discuter : une communauté humaine, comme une entreprise, peut fonctionner de façons variées. Mais non, jamais la source de souveraineté – qui signifie en d’autres mots la reconnaissance des mystères et de notre finitude – ne se discute : elle est un fait. Aristote le premier pouvait discuter sans discontinuer de formes d’organisation des cités – et non de communautés de millions d’individus – mais jamais il ne se serait permis de mettre les hommes au-dessus des dieux. La démocratie athénienne – bien qu’infiniment imparfaite – reconnaissait la transcendance, et les décisions prises par les citoyens athéniens ne concernaient jamais les principes : le bien existe en soi, il n’est pas question de l’inventer, la seule question est de le chercher. De la même façon, les Japonais ne conçoivent pas un changement des faits naturels, et le tennô incarne cette reconnaissance du divin, dans une cristallisation millénaire d’un principe chaud et humain, à cent lieues de la glaciale machine destructive du relativisme d’hommes qui maquillent le mal en l’appelant « bien », qui maquillent l’égoïsme en « qualité », et qui appellent « égalité » la création forcée d’un homme nouveau...
Pour conclure, tout homme humain – qui vit socialement, qui ne se prend pas pour un dieu et reconnaît le mystère de la vie, même s’il est victime au niveau national d’une musique abêtissante – est de droite, dans le sens traditionnel du terme. Les (vrais) Français, par conséquent, sont en fait tous de droite sans le savoir, car il est tout de même naturel pour l’homme d’être un homme. Sauf pour une minorité, ou parfois une majorité, mais épisodiquement, d’acharnés. Ces fausses désignations politiques ne servent à rien. Il faut juste chercher le bien et résoudre les problèmes sans jamais entrer dans ces schémas vides et donc « politiques ». Être humain jusqu’au bout de ses actions, n’est-ce pas la seule voie du bonheur ?
[1] Shohei UMEZAWA, Les « socialistes » couronnées : Point de vue sur la famille impériale des « socialistes » et courants de l’époque pendant l’ère Showa (王冠を戴く“社会主義”、世界の潮流と昭和期日本の“社会主義”の皇室観), Université de Shobi, Sôgô Seisakuron, 2010, n°1 9, p. 1-2 : « 日本では、ともすると「社会主義」と「共産主義」が混同されるが、これは世界の「社会主義」勢力の実態と程遠い。 »
[2] Shohei UMEZAWA, Regards du national-socialisme sur la famille impériale (国家社会主義の皇室観), Université de Shobi, Sôgô Seisakuron, 2011, n° 12, p. 13 : « 北から始まり、石川といい、津久井といい、皇室について一見冷ややかだが、それは国家社会主義者の共通したものである。いわば合理的、機能的国家観、皇室観といえる。 »
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