L’infolettre du R&N revient bientôt dans vos électroboîtes.

[CAUSERIES JAPONAISES] La femme à la maison – et l’homme avec

Causeries Japonaises

XXI - La femme à la maison – et l’homme avec

Automne MMXIII, à Hiyoshi

Trop d’Occidentaux aiment à jaser sur la place de la femme dans la société et se font un plaisir de souligner l’arriération d’un pays où les femmes ne travaillent que peu dans les grandes entreprises et n’arrivent jamais à de hauts emplois. Ils ne comprennent rien, malheureusement, à la situation de la femme au Japon, qui est celle de la femme dans une société traditionnelle.
Il est en effet nécessaire – afin de bien comprendre le sujet – de se placer du côté japonais : il est très agréable, pour une personne qui déplore la décadence de nos sociétés du Couchant, de constater que ni les hommes ni les femmes ne trouvent une gêne dans le fonctionnement actuel de leur société nippone. Pire – enfin : mieux –, si l’on aborde le sujet avec une femme, elle pourra vous citer une étude qui conclut qu’une femme au foyer est en général plus heureuse qu’une femme qui travaille. Cela porte un coup de taille à la petite suffisance dogmatique qui existe par chez nous. Les Japonais ne trouvent rien à redire à la situation actuelle, ou plutôt ils déplorent la désertion des foyers et l’ambition mal placée.

S’il nous était permis de présenter la chose de façon brutale, nous dirions que le problème a été inversé par l’Occident. Il n’est pas question de savoir comment faire sortir la femme du foyer, mais comment y faire revenir l’homme.

Commençons d’abord par expliquer pourquoi il est vital pour la société que la femme soit au foyer. Il se trouve que, quand nous nous promenons au Japon, nous sommes frappés par l’atmosphère de village qui se retrouve dans tous les lieux où des gens vivent. À proprement parler, le Japon ne connaît pas le concept de « ville ». Ici, tout est village, tel que nous l’entendons dans nos campagnes. Tokyo n’est ainsi pas une capitale, mais un amoncellement de petits villages. La ville n’est pas particulièrement associée à la déshumanisation, au déracinement, à l’isolement, aux dangers et à la criminalité, à l’immigration et à la saleté. Ses habitants reproduisent la vie du village, même en ville : enracinement dans le quartier, multitude de petits magasins tenus par les locaux, calme et sécurité, enfants qui s’amusent et diversité des classes sociales et des âges. Pour être tout à fait exact, les Japonais eux-mêmes dénoncent les phénomènes de déracinement et de désertion des campagnes à vives voix, mais cela ne signifie rien d’autre que la chose suivante : la ville japonaise est notre village français ; le village français n’existe certainement presque plus chez nous hormis quelques enclaves héroïques, et il faut espérer que le Japon ne connaîtra jamais l’enfer de nos villes...

Se pose alors une question cruciale : pourquoi le Japon est-il protégée contre la destruction de cette atmosphère de localité ? Parce que la femme est au foyer. Cette présence quasi-constante de la femme au foyer permet de faire vivre avec force les localités et de maintenir aussi les hommes dans la localité, en évitant l’explosion individualiste et déshumanisante. Il ne faut pas se méprendre sur le sens de « femme au foyer ». On peut être au foyer et travailler : cela explique que de nombreuses familles entretiennent encore de petits commerces locaux, ce qui est rendu possible par la présence constante de la femme. Il existe aussi un phénomène au Japon qui nous dépasse complètement, tellement notre société est disloquée, mais qui est en fait la chose la plus naturelle au monde : les associations de voisinage sont nombreuses, actives et puissantes sur le plan des politiques locales et de la vie locale, associations souvent animées par des femmes. Comme elles sont là tout le temps, elles tissent des liens forts avec le voisinage, et ces liens se concrétisent en associations, amicales, clubs, cercles, puis se transforment en forces politiques – au sens noble et propre du terme, c’est-à-dire s’occuper de la cité au sens premier, ici la cité étant la localité [1]. Il est assez effarant, après ce genre de constats, de voir que – chez nous – ceux qui veulent soi-disant retrouver la bonne vie de nos campagnes et la solidarité locale, soient aussi les premiers à revendiquer la prétendue libération de la femme, la prétendue liberté de faire n’importe quoi, l’individualisme, et qui détruisent irrémédiablement tout le lien de la société. Encore plus ironiques sont ceux qui voient dans ces associations de voisinage des sortes de partis avant-gardistes et socialistes incarnant la démocratie locale. Ils inversent cause et effet. Ces soi-disant innovations existent en fait depuis l’origine des temps au Japon, et c’est parce qu’il a su garder ses traditions que le lien social est fort. Un esprit véritablement social ne peut être que traditionaliste.

Bon, d’accord, nous voulons bien reconnaître qu’il est nécessaire qu’une personne reste au foyer en continu pour le bien personnel et commun, me direz-vous, mais pourquoi pas l’homme ? Effectivement, la question mérite d’être posée. Comme nous l’avons déjà dit ailleurs, comme la femme est plus précieuse que l’homme, et que ce dernier peut bien disparaître sans que la famille soit entièrement détruite, il devient naturel que ce soit lui qui ait le devoir de s’arracher de sa terre, si et seulement si cela est nécessaire, pour protéger sa famille et servir sa société. Cela reste toujours une charge. Ne trouvez-vous pas que ces femmes qui veulent faire carrière comme ces hommes-démons qui ne pensent que par l’ambition et par l’égoïsme sont folles à lier ? « Vanité des vanités tout est vanité [2]... »

Le problème n’est pas là. Il ne s’agit pas de savoir qui faire sortir du foyer, mais comment y faire revenir l’homme. L’état en effet idéal est que tout le monde soit au foyer et vive localement. Sortir de son foyer est toujours un mal pour la société, pour la famille et ses enfants, pour sa localité. Pour soi-même. Consciemment ou inconsciemment. Il est ainsi démoniaque que nos temps modernes aient forcé les gens à partir de chez eux. Même le Japon qui, au moins, n’a jamais remis en cause l’idéal et le principe de localité, s’est vu forcé d’arracher ses enfants à la terre afin de ne pas se faire anéantir par les ogres occidentaux qui désiraient leur apprendre le mal de l’individualisme.

Le vrai problème que nous devons résoudre est celui de savoir comment reconstituer les localités. Le problème politique n’est certainement pas de se poser des questions idiotes et dangereuses à propos de la pseudo-égalité des femmes, mais comment permettre à tout le monde de revenir au foyer. À l’ère du numérique, personne n’ira dire qu’il est impossible de travailler chez soi, comme l’écrasante majorité des femmes et des hommes l’ont toujours fait dans l’histoire. À l’époque, comme aujourd’hui, partir était un déchirement – parfois signifiant la mort pour les hommes qui partaient à la guerre – et une mort symbolique.

Rejoignez – fondez – vos foyers et ne les quittez plus !

Paul-Raymond du Lac
Pour Dieu, Pour le Roi, Pour la France

[1Voir Jean-Marie BOUISSOU, « La démocratie japonaise entre crise et réinvention », Revue d’études comparatives Est-Ouest, volume 28, 1997, p. 63-93, qui donnent des chiffres et des descriptions de ces associations.

[2L’Ecclésiaste.

Prolongez la discussion

Le R&N a besoin de vous !
ContribuerFaire un don

Le R&N

Le Rouge & le Noir est un site internet d’information, de réflexion et d’analyse. Son identité est fondamentalement catholique. Il n’est point la voix officielle de l’Église, ni même un représentant de l’Église ou de son clergé. Les auteurs n’engagent que leur propre conscience. En revanche, cette gazette-en-ligne se veut dans l’Église. Son universalité ne se dément point car elle admet en son sein les diverses « tendances » qui sont en communion avec l’évêque de Rome : depuis les modérés de La Croix jusqu’aux traditionalistes intransigeants.

© 2011-2025 Le Rouge & le Noir v. 3.0, tous droits réservés.
Plan du siteContactRSS 2.0