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« Le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles. Elles sont devenues folles, parce qu’isolées l’une de l’autre et parce qu’elles vagabondent toutes seules. » [1] Nous devons nous en réjouir : même devenues folles, les valeurs chrétiennes imprègnent notre société, façonnent notre manière de vivre et sont la raison du rayonnement de notre modèle de civilisation à travers le monde.
En effet, notre vision de l’Homme et de la société est l’héritage de plusieurs siècles de christianisme. Nos « droits de l’Homme » n’ont pu émerger que grâce à une société imprégnée de christianisme. Ses penseurs et ses rédacteurs baignaient dans une culture chrétienne et gréco-latine. Ils se sont rebellés contre le christianisme et ont rejeté leur mère l’Église dans sa totalité, alors que même un adolescent en crise souhaitant s’affranchir de l’autorité de ses parents ne rejette pas le lien de filiation qui le lie à eux. Ces penseurs et ceux qui se sont revendiqués comme leurs « descendants spirituels » ont participé par leurs attaques à l’effondrement du cadre qui a permis à nos valeurs d’émerger. La charité, la dignité de chaque Homme, l’équilibre entre l’intérêt accordé à la sphère privé et à la sphère publique, l’égalité, la liberté d’expression, d’opinion, la tolérance, la complémentarité Homme/Femme, la rédemption, l’universalisme, le progrès, notre modèle social et divers fondements de nos sociétés n’ont pu émerger que dans une société façonnée par le christianisme.
Mais coupées de Dieu, coupées de leur source, nos vertus dites « républicaines » s’étiolent et sont devenues folles. Notre société, si elle récolte encore les fruits du passé, n’arrive plus à semer pour l’avenir. Refusant la transcendance, elle n’arrive plus à proposer de cadre et de valeurs cohérentes. « Le modèle républicain de la IIIe République, simple laïcisation de l’Évangile adapté aux progrès des Lumières, avait le mérite de la clarté. Cohérent, directif, il n’était pas une porte ouverte à toutes les aventures. Il rassurait. Il ne semble plus en mesure, à la suite de tant de déréglementations, d’apporter la réponse qu’attend la société d’aujourd’hui. » [2]
La charité [3], une des trois vertus théologales du catholicisme, est ainsi une de ces vertus devenues folles. L’Église depuis des siècles accueille les sans-logis, soigne les malades, nourrit les affamés, etc. Cette attention aux plus faibles, aux plus pauvres a été reprise par l’État et s’incarne entre autres par nos systèmes attractifs de sécurité sociale et nos nombreuses allocations. Elle est un héritage de la vision chrétienne de l’Homme : issu d’un même Père, nous sommes tous frères et devons veiller sur les plus faibles d’entre nous.
Mais la charité est désormais souvent dévoyée. Elle peut ainsi insulter la dignité de l’être humain lorsque l’attribution d’aides sociales n’exige aucune contrepartie. Bien sûr, la charité est gratuite, infinie et il ne s’agit pas d’attendre quelque chose en retour lors de soupe populaire ou d’hospitalisation des plus pauvres. Mais, pour d’autres, elle atteint leur dignité lorsqu’elle les fait tomber dans l’assistanat. L’Homme doit, dans la mesure du possible, tirer son revenu de son action et non de son inaction. L’Homme a besoin de justifier son « salaire » pour se sentir valorisé. Un équilibre, compliqué certes, se doit d’être recherché par la société.
L’immigration massive, au nom de l’accueil de l’Autre, est aussi un exemple parfois frappant de la dégénérescence de la charité en "principes humanistes". L’immigré est accueilli au nom de ces grands principes, mais il est souvent vu par les organisateurs de cette immigration comme une main d’œuvre à bas coût. La charité est dévoyée lorsqu’elle n’offre au nouvel arrivant que pour seul horizon un ghetto, une école en panne et une crise d’identité. Le sentiment de dépossession d’une partie du peuple français face à ces vagues migratoires est aussi un élément clé à prendre en compte. Les nations, leur culture, leur histoire, sont essentielles au développement et à l’épanouissement de l’Homme et ne peuvent être négligées [4]. L’Homme n’est pas un être désincarné et a besoin de se sentir enraciné dans une histoire, un pays, une identité. Cela vaut pour les français qui se sentent en insécurité culturelle et pour les immigrés dont certains sont déracinés. L’immigré ne peut être vu comme une variable d’ajustement économique. L’amélioration visible de sa condition matérielle par rapport à son pays d’origine ne peut faire oublier sa dimension spirituelle [5]. Un riche déraciné n’est pas forcément plus heureux qu’un pauvre riche de son identité. Paralysés par notre morale primaire, nous ne sommes plus capables de maitriser notre immigration avec justice.
La charité ne consiste pas non plus à laisser ses enfants faire ce qu’ils veulent mais à les éduquer (et donc à les punir s’il le faut) pour les rendre libre. Éduquer un enfant, c’est lui apprendre aussi que le monde ne se plie pas à sa volonté, à ses désirs. La rigueur, la discipline, l’exigence, l’obéissance sont des valeurs comme la tolérance, la générosité à enseigner à ses enfants. Ses valeurs sont trop souvent oubliées par la société alors qu’elles sont essentielles à l’épanouissement de l’Homme. L’Homme n’est pas un être auto-engendré. Avant d’apprendre par lui-même, il est éduqué par des « pères » qui vont l’aider à être libre.
Dans la Genèse, « Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance […]. Et Dieu créa l’homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu : il les créa mâle et femelle. » [6] La Genèse a façonné la vision occidentale de l’Homme : chaque Homme étant à l’image de Dieu est digne par nature. Chaque être est unique et a le droit d’être heureux.
Mais désormais l’individu est tout puissant : avant d’avoir des devoirs, il a des droits. Autrefois le groupe (la famille, la nation, etc.) primait trop sur l’individu : nous sommes passés d’un excès à un autre en passant à la primauté absolue de l’individu sur le groupe. Notre société hédoniste et individualiste se focalise sur les désirs de l’individu réduit à un être consommateur. Elle exacerbe les droits des individus au détriment de leurs devoirs. Dans le champ politique, elle ne se pose plus la question de la pertinence de la revendication mais préfère y répondre sans résoudre le réel mal-être qui s’exprime derrière. Que ce soit la loi sur le mariage gay ou les lois mémorielles, l’État répond à des attentes, des angoisses, comme un médecin distribuerait un antidouleur sans résoudre la maladie. Et la personnification d’un sujet de société permet avec l’effet médiatique de paralyser un gouvernement. Le malheur ou le mal-être d’une personne affichée sur la place publique peut faire perdre de vue le Bien Commun.
En effet, il est difficile de s’opposer au désir d’un individu. Nous sommes tombés dans le sentimentalisme. Comment pourrait-on s’opposer à des gens qui disent s’aimer ? Comment ne pourrait-on pas accueillir des gens qui fuient un pays pauvre ? Comment peut-on dire non à un enfant qui réclame ? L’élan amoureux (donc irraisonné), l’instant présent (propre au plaisir immédiat) sans vision de long terme priment.
L’individu prime tellement sur le groupe que désormais le renoncement d’un Homme pour un collectif (pour sa famille, son pays, etc.) est souvent dévalorisé ou incompris. Le renoncement à un « plaisir » personnel pour un Bien plus grand semble d’une autre époque : toute forme d’ascèse (le jeûne, la chasteté), le renoncement au mariage pour les prêtres, une femme mettant entre parenthèse sa carrière pour l’éducation de ses enfants, les militaires [7], etc.
Sans ordonnancement à une instance transcendante qu’elle soit religieuse ou charnelle (par exemple la patrie), l’égalité « s’abâtardit en principe d’identité » [8]. Comme le décrit si bien A. de Saint-Exupéry dans Pilote de Guerre, le sergent lorsqu’il salue et obéit au capitaine honore par cet acte la nation (et non le capitaine). Le sergent et le capitaine n’ont pas les mêmes droits et les mêmes devoirs dans le cadre de leur fonction mais pourtant ils sont égaux. Désormais les Hommes ne souhaitent pas se limiter à l’égalité devant la loi ou à l’égalité des chances à la naissance de réussir (la méritocratie), parce qu’ils seraient fils d’un même Dieu ou d’une même patrie, mais veulent la similitude avec leur voisin même à situation différente. Or, c’est bien dans la différence de classe sociale, de genre, d’éducation que réside la richesse de la diversité et non seulement dans la différence ethnique.
Il est absurde que les individus et les communautés revendiquent de plus en plus, au nom de l’égalité, les mêmes droits que les autres. Ils oublient le principe qu’ « à situation différente, droit différent » [9]. Malheureusement les hommes politiques, par électoralisme ou sentimentalisme, s’inclinent souvent devant les revendications de communauté en quête d’identité seulement dans la recherche d’une pseudo-égalité. Leur identité n’est plus ce qui les caractérise ou les différencie mais se résume à l’acquisition des mêmes droits que les autres. Ainsi l’affirmation de leur différence réside paradoxalement à vouloir être identique aux autres !
La conception de la liberté en Occident, même celle de la République Française ou de l’Union Européenne, trouve sa source dans le christianisme [10]. L’Homme est un être responsable, véritable sujet créé à l’image de Dieu, et libre de refuser Dieu. Il est libre de choisir le Bien ou le Mal : ce qu’on appelle le libre arbitre, et non la liberté ! Être libre, c’est exercer son libre arbitre pour tendre vers le Bien : le Bien libère, le Mal asservit. Si l’Homme est libre, choisir de faire le Bien le rends plus libre que de faire le Mal. L’Homme par le choix de ses contraintes, par les liens qu’il choisit de créer, peut accéder à la liberté : tous les choix ne se valent pas. Choisir la fidélité est exigeant mais est un chemin vers la liberté : « L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. » (A. de Saint Exupéry)
Désormais, la liberté mythifiée (et non heureusement forcément vécue) est réduite à un « Jouir sans entrave » tant qu’il ne nuit pas à autrui. Elle est vue comme le droit de faire ce que l’on veut tant que l’autre n’est pas dérangé [11]. Or la vraie liberté est définie par une maxime de Saint Augustin : « Aime et fais ce que tu veux », qui ne signifie pas « Aime et fais n’importe quoi ». Elle implique ainsi la responsabilité car elle a pour fondement un amour en vérité des autres. Faire croire à une jeunesse qu’elle est là pour s’éclater, dire que tout se vaut, dire que l’on peut faire ce que l’on veut tant qu’autrui n’est pas touché est délétère pour notre société. Elle déresponsabilise l’Homme et mène à la gueule de bois après l’ivresse. Tout acte engage.
Nos déterminismes sont aussi vus comme une atteinte à nos libertés : nous sommes nés dans une famille donnée, un pays donné, avec une éducation orientée. Or justement, ce sont mes déterminismes qui me rendent libre. Il ne s’agit pas de nier qu’ils peuvent aussi altérer la liberté, mais on ne pourrait être libre sans déterminisme. Comment pourrais-je être libre en étant sans identité, sans passé, sans éducation ? Ce sont les cours de solfège et la répétition des gammes qui ont rendu libre le pianiste sur son piano. La liberté telle qu’elle est comprise n’existe pas. Prenons un exemple : si je suis parachuté au milieu du désert sans aucune indication géographique, suis-je libre de choisir ma direction ? Qu’est ce qui diffère entre aller ici ou là ? Comment puis-je poser un acte libre ? Par contre si quelqu’un est passé avant moi et a posé des panneaux indicateurs vers différentes villes, je peux poser un acte libre et choisir ma direction. Le combat pour faire de tout Homme un être libre consiste au choix des panneaux les plus justes pour baliser la société. Je suis libre par héritage : la connaissance reçue me permet d’exercer ma liberté.
Au nom de la liberté, on n’ose pas nommer le mal et dire aux autres qu’ils se trompent dans leur choix de vie. La tolérance, le respect de la liberté d’autrui, se sont métamorphosés en relativisme. Toute la difficulté se trouve dans l’équilibre à trouver entre 2 écueils : être relativiste ou juger les autres [12]. Le christianisme enseigne que l’Homme est marqué originellement par le péché, que l’Homme qui se repent en vérité peut-être sauvé par Dieu : on ne peut réduire une personne à ses actes, la dignité de l’Homme est innée et non conséquence de ses actions (ou de son utilité pour la société). Certains actes sont condamnables mais la miséricorde infinie de Dieu sauve l’Homme qui se repent. Et s’il n’est pas le rôle des hommes de juger leurs frères, il est de leur rôle de vouloir leur bien, de leur enseigner l’exigence : qui aime bien, châtie bien.
La place de la femme en Occident qui diffère d’autres civilisations est bien sûr liée au christianisme : « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni maître, ni esclave ; ni homme, ni femme. Vous n’êtes qu’un dans le Christ Jésus. » (lettre aux Galates 3, 28). L’émergence de l’Église dans l’Empire romain va révolutionner la place de la femme dans la société. L’Église se battra pendant des siècles pour l’égale responsabilité de l’homme et de la femme dans le mariage (l’adultère d’une femme permettait à son époux de la répudier, sans réciproque concernant l’adultère de l’homme) [13], et pour la liberté de consentement des époux (afin de combattre le mariage forcé des femmes). La place des femmes évoluera au cours des siècles de son statut inférieur dans le droit romain à sa mise sous la tutelle de son mari dans le code civil de 1804.
L’égalité homme-femme devant la loi est une vraie avancée mais la complémentarité homme-femme, l’altérité se sont aujourd’hui travestis en parité, en mixité, en égalitarisme. L’État œuvre pour la parité en politique et dans les conseils d’administration. Les gouvernements tendent à avoir autant de ministres hommes que femmes. Il existe un ministère des Familles, de l’Enfance et des droits des Femmes. L’État impose les congés paternité. Un discours moralisateur souhaite une répartition équitable des tâches ménagères dans les couples. Ne supportant pas les différences qui subsistent, les résistances de la société, une certaine élite veut faire accepter l’idée que les différences hommes-femmes puisent leur source dans une construction, dans des stéréotypes. L’homme et la femme deviennent interchangeables, discours renforcé par les lobbys LGBT : je peux être né homme ou femme, choisir d’être homme ou femme et être attiré sexuellement par les hommes ou les femmes. Ces lobbys souhaitent l’avènement de l’homme sans limite, sans identité, qui se définit par lui-même. Le soutien massif de l’élite médiatique et intellectuelle à des mesures comme le mariage gay sont des indices révélateurs du poids de ces nouvelles tendances qui vont vers l’individualisation et non vers la complémentarité homme/femme. Ils sont aussi révélateurs de l’absence de cohérence d’une société perdue : l’État prône la parité et par l’adoption homosexuelle nie la complémentarité homme/femme vitale dans l’éducation des enfants. Mais si ces tendances sont portées par une élite, il faut reconnaitre que la majorité de la population est indifférente : jusqu’à laisser les politiques voter les lois qu’ils veulent.
L’homme et la femme diffèrent et n’ont pas la même vocation. L’élite ne parvient plus à faire la différence entre ce qui effectivement peut relever de stéréotype (couleur bleu pour les garçons, rose pour les filles [14]) et ce qui relève de la nature : comment une femme pouvant porter un enfant pendant 9 mois pourrait avoir la même sensibilité qu’un homme ? Les femmes sont plus présentes que les hommes dans les métiers à caractère social, les hommes sont plus présents dans les métiers physiques ou dans certains postes à responsabilité. Les femmes sont par nature plus douce, plus à l’écoute et les hommes plus aventuriers, plus impulsifs. Ce qui n’empêche pas que certains hommes soient plus à l’écoute que certaines femmes ou que certaines femmes soient plus impulsives que certain hommes : on parle de tendance globale. Les femmes évoluent moins vite dans les entreprises : les congés maternité ralentissent évidemment leur carrière. Mais leurs maris continuent à travailler et à évoluer. Est-ce une injustice ? Oui, si on considère qu’une personne ne s’accomplit que dans l’égalité, seulement individuellement et qu’il n’y pas d’aspirations spécifiques aux hommes et aux femmes. Non, si on reconnaît la différence et la complémentarité homme/femme et qu’on compare en terme de couple. Il n’y a pas d’injustice si une femme peut s’accomplir par sa maternité, son couple, son métier ou ses activités qu’elle reprendra et si l’homme peut s’accomplir par sa paternité (permis par la maternité de sa femme), par son métier et ses activités. Mais avec le divorce de masse et l’individualisme, ce raisonnement ne peut plus être entendu. Rappelons par la même occasion que la majorité des femmes a toujours travaillé à travers les siècles, et que la lutte des féministes contre les femmes « asservies » au foyer se calque sur une vision bourgeoise de la femme du XIXe siècle (qui ne travaillait pas).
L’homme et la femme, par nature, ne seront jamais égaux. Les hommes acceptent qu’au bord de la mort, un homme gémisse en appelant sa mère, et non son père. Les hommes acceptent que les enfants qui pleurent préfèrent se réfugier dans les bras de leur mère. Les féministes ont voulu l’avortement, la pilule, le sexe sans amour. Elles ont libéré en partie les femmes mais ont surtout déresponsabilisé certains hommes qui n’ont plus à assumer leur sexualité. La lâcheté est souvent considérée comme le 1er péché de l’homme masculin [15] : leur révolution émancipatrice a rendu service à la lâcheté de l’homme, et les femmes seules avec enfant à charge n’ont jamais été aussi nombreuses. La mixité, la parité ne sont que les paravents d’une guerre permanente d’affrontement des sexes.
L’Occident est une des seules cultures à être capable d’introspection sur son Histoire. Les peuples européens arrivent à prendre du recul, à juger leur histoire, à se repentir. C’est une des grandes forces de notre civilisation, héritage de la confession de ses péchés à Dieu qui pardonne l’Homme qui se repent. Mais cette force tourne désormais à une repentance masochiste, là où la repentance dans le Christianisme libère l’homme grâce à la miséricorde de Dieu. Cherchant la rédemption, nous sommes paralysés dans la défense de notre civilisation : l’Homme européen a honte de son passé réduit à un passé esclavagiste, colonisateur et fasciste. La notion chrétienne de Bien et Mal a pris le dessus dans l’analyse de notre passé. Par un enseignement manichéen et une vision anachronique et simpliste de l’Histoire, nous établissons forcément à chaque époque un camp du Bien et un camp du Mal sans enseigner la nuance, sans voir que souvent le Bien et le Mal sont mêlés dans chaque camp. Nous jugeons le passé à l’aune des valeurs du présent. C’est l’exploitation de ces failles occidentales qui a permis la victoire sur le plan moral des décolonisateurs, qui empêche de revenir sur l’immigration légale massive, qui amène la démission de l’enseignement de notre histoire et de tout sentiment patriotique. Nous n’arrivons plus à assumer notre rôle dans le monde : notre passé nous pèse.
L’universalisme est une des valeurs phares de la pensée occidentale. C’est en son nom que nous avons voulu penser pour le monde entier, que nous avons colonisé, que nous souhaitons voir la démocratie se répandre partout. Le Christ n’est pas venu pour sauver un peuple en particulier mais pour sauver tous les Hommes (cf. ci-dessus : lettre aux Galates 3, 28). Mais les nouveaux apôtres de la tolérance, les nouveaux humanistes baignent souvent dans un universalisme abstrait. Ils aiment l’Autre en théorie, l’immigré loin de chez eux, mais méprisent le mode de vie, la culture et le vote populiste de leurs voisins ou leurs concitoyens. Si nous devons aimer tous les Hommes, l’amour n’est pas une abstraction qui flotte au dessus de nous. L’amour s’incarne dans des actes concrets et envers des personnes réelles. Il s’agit d’abord d’aimer sa famille, ses voisins, ses compatriotes quel que soit leur milieu d’origine. Qui aime l’Autre qu’il rencontre, aime par médiation tout les Autres.
Le Progrès ou sens de l’Histoire est aussi une conséquence de la manière chrétienne d’envisager le temps. De la Genèse à l’Apocalypse, de la naissance marquée par le péché originel au salut, le temps est linéaire. L’Homme se doit de « progresser » pour parvenir au Salut. Mais cette conception du progrès ne fait pas table rase du passé. Si le message du Christ est révolutionnaire, la révélation de sa parole se fait bien au sein d’un peuple, d’une terre et d’une tradition choisie (le peuple juif en Israël). Cette parole révolutionnaire, nouvelle ne rejette pas le passé : « N’allez pas croire que je sois venu pour abolir la Loi ou les Prophètes ; je ne suis pas venu abolir mais accomplir. Pas un iota, pas un tiret ne passera de la Loi. » (Mt 5,17-18) La nouvelle religion du progrès a pervertit le sens originel du progrès. Les valeurs du passé sont décriées et vues comme dépassées. Ce qui est nouveau en technologie, en art, en schéma familial profite de l’argument d’autorité du progrès, alors que le Moyen Âge, la monarchie, la nation, la famille traditionnelle sont caricaturées. En France, toute une frange de la politique et des médias utilise comme argument d’autorité le progrès contre la supposé barbarie du passé et se persuade par exemple que le Moyen Âge est une époque barbare ou que la France est née en 1789. La conception actuelle du progrès qui ne saurait exister sans l’héritage chrétien, empêche la société de progresser à la lumière du passé et de ce qui est bon pour l’homme [16].
Seul paradoxe : le principe de précaution qui empêche parfois le progrès. Mais ce principe de précaution réponds à une autre attente : la volonté de l’Homme de tout contrôler, de ne pas prendre de risque. Nos sociétés modernes n’acceptent pas que des choses lui échappent, que l’agriculture dépende du climat, que la naissance et la mort lui échappent, etc. Il suffit de voir la panique à la Une des journaux télévisés quand la neige tombe et que l’État est accusé de ne pas être équipé pour faire face à 2 jours de blocage de routes.
L’angoisse de l’Homme est millénaire. La réponse hédoniste de notre civilisation est nouvelle. Elle risque d’amener notre disparition. Sans colonne vertébrale, coupée de sa source, dénuée de mystique, l’Occident se cherche. Nos vertus chrétiennes devenues folles, le relativisme, l’individualisme, l’hédonisme et le sentimentalisme ne peuvent bâtir une « civilisation de l’Amour ». La « charité dévoyée » ne permet pas à l’Homme de s’épanouir. Par faiblesse, par réduction de la charité au sentimentalisme, nous n’avons pour seul objectif que de répondre aux premiers désirs, aux élans trompeurs et non au réel besoin de l’Homme. Par excès d’humanisme, l’Occident gâche le potentiel humain [17]. Dire non, être exigent, mener des politiques fermes est vue comme injuste. Or si il est « bon d’être charitable, il vaut mieux tuer le diable que, par excès de vertu, se laisser tuer par lui. » [18]
[1] « Orthodoxie » de G.K. Chesterton.
[2] « Mariage pour tous. La rue ne dit pas oui », Paris Match 18/01/2013, Jean-Marie Rouart, de l’Académie Française.
[3] « Si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. » Saint Paul, (1 Co 13,2).
[4] « Veillez par tous les moyens à votre disposition, sur cette souveraineté fondamentale que possède chaque nation en vertu de sa propre culture. Protégez-la comme la prunelle de vos yeux pour l’avenir de la famille humaine. » Jean-Paul II, 2 juin 1980, discours à l’Unesco, Paris.
« L’Église reconnaît ce droit à tout homme, sous son double aspect : possibilité de sortir de son pays et possibilité d’entrer dans un autre pays à la recherche de meilleures conditions de vie. » Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale des migrations 2001
« Dans le même temps, les États ont le droit de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières, en garantissant toujours le respect dû à la dignité de chaque personne humaine. En outre, les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale. » Benoît XVI, Message pour la Journée mondiale des migrations 2011.
[5] « Il est urgent, certes, que l’homme mange, car s’il n’est point nourri il n’est point d’homme. Mais l’amour et le sens de la vie et le goût de Dieu sont plus importants. […] Je me demande d’abord quel homme sera prospère, abrité et heureux. » (Citadelle, A. de Saint-Exupéry).
[6] Genèse, 1 25-27.
[7] Étonnamment, les militaires sont mieux vus depuis les attentats de 2015 !
[8] « La démagogie s’introduit quand, faute de commune mesure, le principe d’égalité s’abâtardit en principe d’identité. » (Pilote de guerre, A. de Saint-Exupéry).
[9] « Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un ou l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit. » Conseil Constitutionnel.
[10] Préambule du Traité de l’UE modifié par le Traité de Lisbonne : « S’INSPIRANT des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit. »
[11] « Mais, ayant oublié l’Homme, nous avons défini notre Liberté comme une licence vague, exclusivement limitée par le tort causé à autrui. Ce qui est vide de signification, car il n’est point d’acte qui n’engage autrui. » « Appelles-tu liberté le droit d’errer dans le vide ? C’est plutôt un renoncement à notre vocation d’homme. » A. de Saint-Exupéry.
[12] « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » Évangile selon St Matthieu (7 ; 3).
[13] « L’épouse qui déshonore le lit nuptial subit les dures sanctions de la loi. Mais l’homme trompe impunément sa femme. » Condamnation de Grégoire de Naziance, évêque de Constantinople (IVe siècle).
[14] Le combat contre les stéréotypes relève d’une volonté de lutter contre la différence homme/femme.
[15] Pour la femme, c’est la séduction dont elle peut user facilement pour obtenir quelque chose d’un homme.
[16] « Quand on me présente quelque chose comme un progrès, je me demande avant tout s’il nous rend plus humains ou moins humains » Georges Orwell.
[17] « Ce qui me tourmente, c’est en chacun de ces hommes Mozart assassiné. » (Terre des hommes, A. de Saint-Exupéry).
[18] Frédéric Mistral.
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