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« Égalité-citoyenneté » : la dernière symphonie de l’Anti-France

Point besoin de tonitruante sonnerie pour rappeler aux députés que l’heure estivale a sonné. Dès le soleil levé sur les luxueuses étales de la place du Palais-Bourbon, les brasseries ont vidé l’hémicycle de ses ventripotents protagonistes. De ci, de là, on s’affaire, un œil sur le projet de loi en discussion, l’autre égaré vers les gloussantes assistantes aux idées aussi longues que leurs jupes raccourcies. Une oisive légèreté qui fait bien des ravages : car si frivole qu’elle paraisse, la majorité n’en oublie pas son combat. Et c’est une déferlante de projets de lois [1], plus idéologues les uns que les autres, qui ont assailli l’Assemblée nationale en cette fin d’année.

« L’émancipation des jeunes »… par l’invasion des esprits

À l’image du projet « égalité et citoyenneté », voté le 6 juillet dans l’indifférence générale. Pas de branle-bas de combat, de duels rhétoriques échevelés, ni de vaillantes saillies à l’encontre d’une sémantique doctrinale aisément réversible. Non, les combattants semblaient avoir déserté le champ de bataille avant même que la retraite n’ait sonné. Et pourtant : les scories de ce texte parlementaire sont nombreuses, s’insinuant de toute part dans des champs inattendus, s’immisçant dans les recoins les plus intimes de l’esprit… La jeunesse en sera la première victime.

Les grands moulinets d’une droite exceptionnellement présente [2], les amendements non défendus du Front national, la mollesse d’une UDI qui — comme l’indique son nom — ne se prononce pas, ont beau jeu. Un article sur le renforcement des contrôles des écoles libres, aux résultats trop resplendissants [3] pour ne pas décrédibiliser l’école de la république ; un autre sur l’enseignement de l’éducation sexuelle aux jeunes gens [4], instruisant l’auditoire féminin sur la façon dont, proprement, il convient de mettre fin à une vie grandissant au sein de ses entrailles… Le résultat escompté ? Une jeunesse formatée, dénuée d’esprit critique, à même d’alimenter la glose relativiste ambiante. Vermine du monde infatuée, grande hérésie du siècle à la recherche minutieuse de sa concupiscente délectation…

Le clairon de l’Anti-France

Il est vrai, le « combat », quoique feint, est pénible et exige de la patience : « Il reste 854 amendements à examiner ; au rythme où nous sommes, cela fait encore trente-huit heures de débats », s’impatiente de sa voix mécanique la présidente de séance le 30 juin. Il est cinq heures du soir… Bientôt les moelleux fauteuils rouges seront vides et laisseront un boulevard à l’Anti-France pour parsemer de « mixité sociale » tout fragment de législation qui avait eu la chance d’en être épargné. Une touche de vivre-ensemble dans les commerces, le logement… n’ayons pas la main leste, ces quelques prérogatives en faveur des étrangers sont destinées à lutter contre les discriminations ! Discriminations toutes sélectives : car les Français, eux, n’en auront pas l’usufruit. Injustice pointée à l’égard de l’individu allogène, à peine regardée lorsqu’elle se dresse à l’encontre des siens.

Le glas de la complémentarité

Joyeusement, le Parlement déracine en toute quiétude… Mais de ces cultures désertées doit émerger la nouvelle semence : celle de « l’égalité » des sexes en est un bourgeon fondamental. Et les rapporteur.e.s (sic) sans grâce de s’adonner à l’ardent entretien de leur nouveau-né. Abscons verbiage sur la nécessité d’instaurer l’égalité homme-femme partout où bon leurs semble : couches, foyers, institutions, établissements scolaires… un savant saupoudrage. La rhétorique est simple et a bénéficié d’une préparation coordonnée avec des laboratoires d’idées qu’on jure indépendants. Au lendemain du vote de la loi, le Haut conseil à l’égalité se félicitait de se voir octroyer un statut légal, détaché de toute influence gouvernementale. La manipulation est grossière : car le volet sur l’égalité avait été préparé de toute pièce, un jour de novembre 2015 [5], au sein même du ministère de la Santé, des Affaires sociales et du Droit des femmes. On se souvient alors comment Pascale Boistard, « secrétaire d’État aux personnes âgées et à l’autonomie », était venue saluer l’initiative de ses vieillissantes congénères — un guide pratique pour lutter contre les « stéréotypes de sexe ». Profitant des voies offertes, la loi a désormais institué le sexisme comme circonstance aggravante dans les crimes et délits… Et dans tous les projets de loi en cours de discussions, la dialectique prolifère : en commission des lois, le rapporteur de la loi — Marie-Yvonne Le Dain (député de l’Hérault) — ne soulignait-elle pas le caractère phallocratique de la primauté grammaticale du genre masculin ?

Les idéologues y perçoivent une loi "ambitieuse" au "service de notre démocratie progressiste" [6]. Invasion dans les esprits de demain, reniement des racines, réécriture du réel : voilà pourtant quelles étaient les perspectives d’un projet de loi dangereux, adopté dans une parfaite indifférence. À l’aube de l’été, alors que coule le sang des nouveaux martyrs de l’Eglise qu’on oubliera bientôt, que les syndicats font taire leur tumulte au profit des prolétaires auspices pour lesquels ils se sont durement battus, le Parlement fait voguer sa galère. La majorité récolte ce qu’elle sème, en coalition avec une opposition aussi absente qu’irrationnelle. Pourtant, une telle généralisation de la négation de la nature risque de semer la destruction… Rythme de croisière pour le Parlement… gardons-nous que ses rivages fussent ceux du Styx.


[1Projet de loi sur la justice du XXIe siècle ; nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité ; liberté, indépendance et pluralisme des médias.

[2On notera la présence de certains d’entre-eux, notamment Isabelle Le Callenec ou Jean-Frédéric Poisson. Parmi les non-inscrits, Jacques Bompard (député de Vaucluse) a défendu nombre des 96 amendements déposés sur ce projet de loi.

[4Article 17 du projet de loi : « Chaque jeune bénéficie d’une information individualisée transmise par les organismes gestionnaires des régimes obligatoires d’assurance maladie sur ses droits en matière de couverture santé, sur les dispositifs et programmes de prévention ainsi que sur les examens de santé gratuits tels que celui prévu à l’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale auxquels il peut avoir accès. Cette information est dispensée à trois moments, à seize ans, lors de sa sortie du statut d’ayant droit à l’assurance maladie et à vingt-trois ans, selon des modalités prévues par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. »

[5Voir Boulevard Voltaire, "Stéréotypes de sexe : luttez, c’est pour l’égalité", novembre 2015.

[6George Paul-Langevin, La loi Egalité Citoyenneté, une ambition au service de notre démocratie progressiste, Le Monde, 28.07.2016

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