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Le 2 octobre 2016 avait lieu à Notre-Dame des Champs une table ronde organisée par le Congrès Mission sur le thème Chrétien français ou Français chrétiens ? Cette table ronde d’un peu plus d’une heure animée par Guillaume Roquette réunissait Fabrice Hadjadj, Natacha Polony et Don Paul Préaux. Ce sont ces échanges que reproduit ici ce petit livre.
Le texte de ce débat est ainsi extrêmement bref et n’est pas un argumentaire détaillé et exhaustif de la question de l’identité et du rapport des catholiques à cette identité. Sans forcément rentrer dans les méandres d’une longue argumentation, ce débat fait ressortir nombre de traits saillants de la question de l’identité telle qu’elle peut être envisagée par un chrétien. Elle donne de grands axes, propose de grandes pistes de réflexions que le lecteur (ou l’auditeur pour ceux qui assistèrent à l’époque au débat) est invité à approfondir.
Fabrice Hadjadj rappelle que « le mot ‘laïcité’ vient du catholicisme et de la théologie catholique » ainsi que la façon dont il faut comprendre le terme : « Il faut être discret mais peut-être à la façon des cathédrales. C’est-à-dire au sens où elles ne s’imposent pas de manière écrasante, puisqu’on peut y entrer et en sortir mieux que dans un moulin ; néanmoins elles offrent une référence et un principe de fécondité pour l’art, pour l’intelligence, pour la vie intérieure des personnes. » [1].
Le fait même de s’interroger sur l’identité chrétienne montre bien la remise en cause actuelle du rapport et du fait d’être français et chrétien. Cette remise en cause a une triple cause.
La première, c’est la diminution de la pratique religieuse en France (et aussi dans le reste de l’Europe), entrainant par là même une méconnaissance culturelle évidente. « Le drame d’aujourd’hui, me semble-t-il, pour l’Église, pour les catholiques de France, c’est que la laïcité se confonde avec l’inculture. Quand on peut prendre un prêtre en soutane pour un avocat, cela veut dire que tout ce qui est représenté ici, dans cette église, est devenu incompréhensible. […] Cette inculture est extrêmement grave. Elle est grave, non seulement pour le chrétiens, pour les catholiques, mais pour les Français, qui sont ainsi amputés d’une partie de leur héritage » [2], note Natacha Polony.
La seconde, c’est la montée du communautarisme dans notre pays. L’islam est en effet présent en filigrane dans ce débat. Sur ce point, Fabrice Hadjadj souligne que « l’islam n’a pas de pensée de la laïcité […] à tel point que le croissant rappelle étrangement la courbure des sabres » [3].
De cette question de l’islam en France (et des tensions qu’elle provoque), naît en réaction une laïcité plus agressive qui vient remettre en cause la place des chrétiens dans la société et leur droit à s’exprimer publiquement en tant que chrétiens. Face à cette laïcité éloignée de ses racines chrétiennes, Don Paul Préaux prend la défense de la soutane comme signe visible du prêtre mais surtout comme témoin [4]. Natacha Polony le rejoint elle aussi sur ce point : « Je ne suis pas choquée ou gênée par le fait que des prêtres choisissent de porter la soutane, qu’on puisse voir des habits religieux dans l’espace public. D’autant plus qu’il s’agit là de personnes qui ont choisi une vocation pour la vie, un engagement total. Pour les laïcs c’est en revanche différent […] » [5].
La promotion de la culture chrétienne est une réponse nécessaire pour les trois intervenants, mais celle-ci ne peut en revanche être suffisante. Si Natacha Polony défend des racines chrétiennes mais aussi grecques et romaines [6], elle considère cependant que « le christianisme est mort avec Constantin » [7] et promeut plus une certaine idée du christianisme que le message de l’Église catholique. Fabrice Hadjadj souligne qu’il est paradoxal de déplorer la disparition d’une « simplicité évangélique » tout en défendant les racines latines et grecques alors que c’est justement l’intégration de la culture grecque et romaine qui a fait évoluer l’Église et a forgé sa culture. C’est là un point de divergence entre les intervenants car cette culture ne peut pas être qu’une culture morte mais doit être vivante et donc irriguée par la vie de l’Église. Vouloir séparer le culte et la culture est inimaginable pour un chrétien, et c’est d’ailleurs un risque pour l’Église de faire de cette identité chrétienne quelque chose de figé et qui ne serait pas ancré dans une véritable vie religieuse. C’est pourquoi Dom Préaux souligne que les chrétiens sont des citoyens sur cette terre mais appartiennent aussi aux cieux [8]. À ce titre, être chrétien est un combat permanent et l’identité chrétienne est une grâce. Cette identité chrétienne ne peut se vivre sans garder présente cette vertu chrétienne d’une grande importance qu’est l’espérance.
Le format de ce texte porte en lui-même ses propres faiblesses : une table ronde d’une heure et demie ne permet d’aborder que quelques points et il est toujours décevant de lire un débat par écrit. Tout d’abord parce que le dynamisme des échanges y est moins présent, mais surtout parce que l’écrit permet normalement d’apporter de plus amples développements et des références plus précises que l’oral. C’est pourquoi il faut plutôt voir ce bref débat comme une invitation à s’emparer du sujet, comme un ensemble de pistes à approfondir ; et se réjouir que la question de l’identité soit abordée autrement que pour le dénoncer. Les catholiques se sont emparés sans fausse pudeur de ce débat. On ne peut que s’en réjouir et souhaiter que de telles initiatives se multiplient.
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