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[EX-LIBRIS] Vatican II. Une histoire à écrire (1/5)

Un concile se prépare

Cet article est le premier d’une série de cinq billets consacrés à l’analyse d’un livre historique sur le concile Vatican II. Il sera suivi, dans l’ordre, par : « 1962 : la première session », « 1963 : la deuxième session », « 1964 : la troisième session », et « La quatrième session (1965) et l’immédiat après-concile ». Ce chapelet de brèves recensions est pour nous l’occasion de saluer le cinquantième anniversaire de la clôture du concile Vatican II, alors qu’un synode des évêques sur la famille doit s’ouvrir à une date symbolique. C’est une parenthèse riche en célébrations qui se referme ; celle-ci s’était ouverte avec trois analyses de l’œuvre de Julien Green : « Le catholicisme d’après-guerre vu par Julien Green (1/3) », « Vatican II vu par Julien Green (2/3) », et « L’après-concile (1965-1966) (3/3) ». On pourra également se rapporter, avec force profit, à l’étude en trois volets menée par Mesnie de Gournay sur votre média préféré.

Introduction générale et particulière

Roberto de Mattei est un historien catholique réputé et un intellectuel bien connu en Italie. Professeur d’université et chercheur, il a exercé d’importantes fonctions, étant entre autres vice-président du Conseil national de la recherche en Italie. Dirigeant quelques organes de presse écrite, il est en outre le fils du baron Rodolfo de Mattei, lui aussi universitaire respecté pour ses travaux littéraires, notamment pour ses recherches dédiées au registre autobiographique.

Mattei a écrit il y a quelques années, en italien, un ouvrage retraçant l’histoire du dernier concile en date : Vatican II (l’Église en a reconnu 21 qui soient œcuméniques ou généraux). Ce monument a été traduit il y a peu en français, sous le titre : Vatican II. Une histoire à écrire [1]. Peu d’auteurs – si ce n’est aucun ? – s’étaient risqués sur ce sentier épineux, car ce ne serait pas exagérer que de dire qu’un tel sujet est tabou. Pourtant, le résultat des recherches de Roberto de Mattei est essentiel ; son œuvre constitue un manuel digne de figurer dans toutes les bibliothèques et dans toutes les facultés d’histoire contemporaine, car c’est bien là la production d’un pionnier en la matière. Il est d’ailleurs très curieux que Vatican II. Une histoire à écrire n’ait pas fait plus de bruit, et qu’il se soit heurté à une certaine loi du silence. Si la revue mensuelle Lecture et Tradition lui a consacré une excellente recension sous la plume du professeur Jean-Baptiste Geffroy, on peinerait à trouver d’autres publications qui aient fait honneur à l’ouvrage dont il est question. Sur Le Rouge & le Noir, nos considérations se feront cependant moins générales, et nous nous intéresserons de plus près au texte lui-même, en plusieurs articles, afin de suivre pas à pas un événement si important pour l’histoire de l’Église aux XXe et XXIe siècles.

Certaines vérités dérangeront. Des citations directes, ou issues de sources de première main, sont déplaisantes. On aurait préféré que certaines paroles ne fussent jamais proférées. Cependant, la vérité historique est ce qu’elle est. Rappelons que Roberto de Mattei ne se fait pas ici théologien ou philosophe, mais seulement historien. Il rassemble un nombre incroyable de faits et de citations, et les combine de façon à produire un livre d’histoire pur et dur. Il y a des mots et des anecdotes qui déplaisent, mais toujours prononcés par les principaux protagonistes du concile. Les jugements de l’auteur lui-même, toujours portés à la manière d’un historien, s’appuient sur la documentation qui précède, selon une méthodologie que nous retrouverions naturellement dans n’importe quel ouvrage sérieux sur la guerre de Sécession ou les troubles de la Fronde… C’est donc le concile en tant qu’événement d’hommes et daté dans l’histoire qui est la cible d’analyses historiques très serrées.

Quelques précisions fondamentales

Histoire ou théologie ?

Vatican II. Une histoire à écrire s’ouvre sur une très claire introduction, précisant qu’il s’agit d’un livre d’histoire, mais faisant état des différents points de vue pouvant exister autour d’un même fait. Il présente notamment l’herméneutique de la continuité telle que souhaitée par Benoît XVI (Roberto de Mattei en montre les faiblesses dans un ouvrage postérieur, Apologie de la Tradition, que nous ne manquerons pas d’étudier), sous le feu des projecteurs au moment de l’écriture de l’ouvrage. L’historien soutient dès lors que Vatican II, sur fond de crise, est une assemblée unique parmi tous les conciles, d’un genre nouveau, faisant un parallèle avec les assises de Nicée qualifiées de nouvelle Pentecôte par Eusèbe de Césarée :

« Il faut préciser qu’il existe une différence fondamentale entre la situation de crise intervenue après le concile de Nicée et celle d’après le concile Vatican II. La crise intervenue après le concile de Nicée n’a pas été déclenchée par un conflit d’herméneutique sur les canons du concile de 325, mais en réaction ouverte à ses décrets [2] [c’est nous qui soulignons, et ce dans la totalité des citations]. »

Se cantonnant au champ de l’histoire, la tentation est forte, dès qu’il s’agit d’Église et a fortiori de concile, de s’en aller chasser sur des domaines étrangers, qu’ils soient juridiques ou théologiques. Roberto de Mattei refuse d’outrepasser les bornes de ses compétences d’historien, et s’en remet aux théologiens pour porter des jugements théologiques. Il s’intéresse au déroulement de l’événement et aux données historiques tangibles, et non aux textes produits, même si l’on peut remarquer dans leur contenu un changement de style et de ton conforme à des inflexions intellectuelles. Il cite notamment, pour clore cette question, monseigneur Brunero Gherardini, qui fait autorité au sein de l’École romaine, dont l’anti-langue de bois contraste assez violemment avec les propos couramment colportés au cœur de l’Église gallicane :

« “ses doctrines [de Vatican II] qui ne sont pas réductibles à des définitions précédentes, ne sont ni infaillibles, ni irréformables et donc pas non plus contraignantes ; celui qui les nierait simplement parce qu’elles émanent de Vatican II ne serait pas formellement hérétique. Et celui qui les imposerait comme infaillibles et irréformables irait contre le Concile même”. Si le concile Vatican II a une nature éminemment pastorale, il est licite de ne lui reconnaître une nature dogmatique que là où il propose comme vérités de foi les dogmes définis lors de précédents conciles ; “en revanche, les doctrines qui lui sont propres ne pourront absolument pas être considérées comme dogmatiques, pour la bonne raison qu’elles sont dépourvues de l’indispensable ’formalité’ définitoire et donc de la voluntas definiendi correspondante [3]. »
Des tendances intellectuelles et culturelles nouvelles

Autre point majeur du concile Vatican II : sa couverture médiatique. Très peu de fidèles ont lu les constitutions du concile, et ils ne l’ont souvent connu qu’à travers le prisme de la presse écrite, de la radio et de la télévision, toutes sources globalement progressistes. Dans ce même contexte culturel, on peut pointer du doigt une confusion entre spirituel et temporel, alors même que l’on se glorifie d’une « laïcité » enfin conquise… Le marxisme est une idéologie dominante dans bien des milieux qui font l’opinion :

« Il est aisé de discerner dans la “primauté de la pastorale” qui s’imposa dans les années du concile, la transposition théologique du “primat de la praxis” énoncé par Marx dans ses thèses sur Feuerbach […] La praxis, c’est-à-dire le résultat historique de l’action politique, est pour Marx le critère suprême de la vérité et des idées, parce que l’action contient implicitement une doctrine, même sans l’énoncer [4]. »

La volonté de changement est au rendez-vous, et introduite depuis longtemps, culturellement parlant, dans l’esprit des catholiques lambda. Julien Green dénonce dans son Journal, à de nombreuses reprises, cet état de fait qui semble irréversible dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce présentisme n’est toutefois pas catholique :

« La formule de l’aggiornamento, selon laquelle ce ne sont pas les hommes qui se conforment aux enseignements sacrés, mais les enseignements qui s’adaptent aux hommes, renverse, d’après O’Malley, l’axiome du cardinal Egidio da Viterbo dans son discours d’ouverture du concile de Latran V (1512) : “homines per sacra immutari fas est, non sacra per homines [5]. »

L’histoire de l’Église aux approches du concile

Le gouvernement de Pie XII

Le professeur de Mattei commence sa rétrospective préparatoire avec le pontificat de Pie XII, car bien des choses semblent s’accélérer à l’occasion de la Deuxième Guerre mondiale. Il faut rappeler la condamnation pontificale du relativisme et de la « nouvelle théologie » dans l’encyclique Humani Generis, doublée de la canonisation de Pie X en 1951. Force est cependant de constater que la vigueur de ce document est de loin inférieure à celle dont fit preuve ce fameux pape saint Pie X en 1907 contre le modernisme (Pascendi). Il s’agit d’un ensemble hétéroclite d’erreurs, dont les plus importantes sont la « méthode » historico-critique en exégèse (de Loisy, qui a fini par apostasier), la libre interprétation des Écritures, la « religion du cœur » (de Blondel, excellemment réfuté par le jésuite Joseph de Tonquédec), l’« anti-infaillibilisme » et son aspect d’opportunisme politique (à l’exemple du cardinal Lavigerie), etc. Dans ce contexte très tendu, une logique toute moderne – et politique – se met en place : les deux extrêmes, modernisme et antimodernisme, sont présentés aux masses de manière aussi dépréciative l’un que l’autre, comme la République avait essayé, en d’autres temps, d’amadouer Charette par de piètres compromis… On croit devoir éviter les deux, à savoir abandonner le Christ de la même façon que Satan :

« La disparition de l’antimodernisme, remplacé par la politique ecclésiastique du “Troisième Parti” [du nom d’un mouvement hérétisant anti-infaillibilistes pendant Vatican I] favorisa dans les années trente la naissance de courants et de tendances qui, d’une manière ou d’une autre, récoltaient l’héritage du modernisme : le “mouvement biblique”, le “mouvement liturgique”, le “mouvement philosophico-théologique”, dont la “nouvelle théologie” fut l’expression [6] »

Regardons de plus près ces nouveaux « mouvements », renaissant des cendres encore fumantes du modernisme. S’agirait-il de groupes réformateurs comme il y en eu tant dans l’histoire de l’Église ? Seraient-ce des avatars des saints François, Dominique et Ignace… ? Pas le moins du monde :

« Dom Prosper Guéranger, le grand restaurateur de la liturgie romaine au XIXe siècle, avait compris le renouveau de la vie monastique comme un retour à la liturgie romaine traditionnelle, après les dévastations opérées par le protestantisme et, au sein même de l’Église catholique, par le gallicanisme et par le jansénisme. Le nouveau mouvement liturgique avait une inspiration antiromaine et il œuvrait de manière autonome par rapport aux indications du Saint-Siège, et souvent aussi, contre ce dernier [7]. »

C’est ainsi que des apprentis liturgistes ont expérimenté des messes « vers le peuple » (en clair : dos (ou cu*) au Seigneur) avec dom Pius Parsch ou encore une « liturgie populaire » horizontale (jésuite Joseph Jungmann). Fort heureusement, l’encyclique Mediator Dei, complétant à merveille Mystici Corporis, s’est efforcée de mettre fin, en 1947, à ces aberrations devenues normalités aujourd’hui (y compris dans le code droit canonique de 1983 en ce qui concerne l’apparence des autels). Parallèlement, il y eut des tentatives œcuménistes, notamment en Écosse à l’égard des protestants ou encore à Paris (avec Jacques Maritain, Nicolas Berdiaev et le dominicain Yves Congar). Ces œcuménistes sont la cible d’une autre encyclique de Pie XII : Orientalis Ecclesia, en 1944.

Face à toutes ces condamnations successives par le souverain pontife comme par le Saint-Office, les modernistes – consciemment ou inconsciemment – changent de stratégie : fini les attaques frontales. Les techniques de subversion marxiste ayant fait état de leur efficacité, elles pouvaient être réemployées à tous les desseins. C’est ce qu’explique Ernesto Buonaiuti : « réformer Rome sans Rome, ou peut-être contre Rome » n’est plus possible ; dorénavant, il faut que les prétendues réformes passent « à travers les mains de ceux qui doivent être réformés ». Ce procédé est selon lui… « infaillible », bien que « difficile » à mettre en œuvre !

C’est une redondance que de le rappeler : aujourd’hui, le terme « intégriste » est servi à toutes les sauces et en toute occasion. Il n’est pas l’apanage d’une presse bien-pensante façon L’Immonde ou L’Inanité, mais a également envahi le champ de pensée des sphères catholiques « bien dans leur peau et bien dans leur temps ». Mais nous aurions tort de croire que cette disqualification sémantique digne de Godwin (et les Lumières doublées de la Révolution française n’ont pas agi différemment à l’égard du langage philosophique, comme Philippe Pichot-Bravard a pu le démontrer dans sa récente Révolution française, Versailles, Via Romana, 2014) soit une nouveauté : elle est en action depuis fort longtemps, et, dès 1949, Mgr Fenton commentait ainsi la « pastorale » du cardinal Suhard :

« Celui qui lit sans faire attention la Pastorale du cardinal Suhard pourrait peut-être en arriver à la conclusion dangereusement erronée que le modernisme et l’intégrisme, tels que nous les connaissons, sont deux doctrines opposées, l’une à la gauche et l’autre à la droite de l’enseignement catholique naturel. Or rien, absolument rien, ne peut être plus éloigné de la vérité. Le modernisme, dans le langage technique de la doctrine catholique, est le nom employé pour définir la série d’erreurs condamnées par le décret Lamentabili sane exitu, dans l’encyclique Pascendi domini gregis, et dans le motu proprio Sacrorum antistitum. Le pape Pie X a parlé du modernisme comme d’“un conglomérat de toutes les hérésies”.

L’intégrisme, d’autre part, est essentiellement l’enseignement ou le comportement de ceux qui ont travaillé pour la présentation d’un catholicisme intégral, c’est-à-dire du dogme catholique établi ainsi de manière précise et exhaustive. […]

l’intégrisme n’a été rien d’autre que la contradiction du modernisme hérétique. Il n’a été en substance que l’exposition de la vérité catholique. »

En bref, une espèce de lobby s’est mis en branle au sein d’une institution à la fois divine et humaine qui semblait parfaitement étrangère à ces logiques mondaines. Pourtant, une figure de tiers parti de compromis, désirable et aimable, s’est doucement imposée par différents moyens, et doit continuer de nous faire rougir aujourd’hui. Une certaine logique de partis ou de tendances s’est mise en place, de sorte qu’avec un système d’alternance calqué sur le monde politique des démocraties libérales le centre tire toujours son épingle du jeu, et c’est en son sein qu’ont intérêt à se concentrer les opportunistes, à l’image de nombreux maçons en France. Pour résumer, si les partis démocrates-chrétiens semblent morts et exsangues sur la scène politique temporelle, ils ont plus que triomphé au sein même de l’Église, les diocèses n’étant plus gouvernés, pour la plupart, comme la curie romaine à bien des égards, que selon des principes démocrates-chrétiens !

Parallèlement, pour en revenir au temps de l’avant-concile, le progressisme catholique glisse insensiblement vers le marxisme (les prêtres ouvriers en furent peut-être l’expression la plus remarquable). Digne héritier de la terminologie du grand Karl, le dominicain Yves Congar, dans Vraie et fausse Réforme, explique qu’une réforme authentique ne peut être qu’une Révolution… Il ne connaissait vraisemblablement pas l’adage Cartusia numquam reformata, quia numquam deformata, et souffrait de quelque déficience en matière d’histoire de l’Église ! Mais il n’allait pas jusqu’à prétendre faire table rase de l’Évangile, fort heureusement… Cette prétendue Réforme doit se faire à l’intérieur même de l’Église, « sans schisme », et le Con-gar va jusqu’à regretter que Rome ait condamné toutes les hérésies du passé au lieu de les laisser prospérer et fructifier… « Il n’est pas besoin de faire une autre Église, ce qu’il faut, c’est faire une Église différente. » Un parfait curriculum vitæ pour devenir cardinal !

L’élection de Jean XXIII et la convocation d’une foultitude mitrée

Fin connaisseur des conclaves du passé, Roberto de Mattei explique rapidement le mode d’élection du souverain pontife, évoquant la grâce de l’intervention extraordinaire du Saint-Esprit, laquelle demande cependant de la part des hommes en question « une pleine disponibilité et une correspondance [8] ». L’élection de Jean XXIII est décrite à partir de différents auteurs et sources. Et le rôle de Charles De Gaulle n’est pas des plus glorieux, semblant renouer avec certains épisodes du règne de Louis XV :

« L’action diplomatique la plus envahissante fut celle menée par la France du général De Gaulle, qui ne renonçait pas à ses traditions gallicanes. De Gaulle avait prescrit à son ambassadeur près le Saint-Siège, Roland de Margerie, de tout faire pour empêcher que soient élus les cardinaux Ottaviani et Ruffini, considérés comme “réactionnaires” et liés à Pie XII, le pape qui avait béatifié Innocent XI, le champion de la résistance du Saint-Siège à Louis XIV [9]. »

Nous pouvons dès lors nous concentrer sur la personnalité de l’heureux élu, patriarche de Venise, bien vu de Tisserant et autres Français – il fut nonce apostolique pour notre vieille Gaule. Jean XXIII serait en effet le pape du concile, lié – semble-t-il – à aucun groupe en particulier, même si le Kremlin ou Hans Küng se réjouirent de ce choix. Face au modernisme toujours renaissant, les catholiques intégraux appelaient de leurs vœux un concile redresseur de torts. Mais ils avaient cependant peur qu’une telle assemblée empiétât sur les prérogatives pontificales et donnât lieu à la formation de partis épiscopaux nationaux très gênants et fort peu catholiques – nous pouvons également parler de « conférences épiscopales »… Le danger était réel.

Quelques anecdotes curieuses ponctuent ce pontificat relativement court, à commencer par un certain dédain affiché devant le troisième secret de Fatima, qui fait encore beaucoup jaser de nos jours. « Fatima ne concerne pas les années de mon pontificat. » Il ne semble d’ailleurs ne concerner aucun pontificat, aucun siècle, aucun ecclésiastique… Il y a parallèlement la persécution du Padre Pio, ce bienheureux capucin, dont Jean XXIII avait connaissance, puisqu’il avait initié la terrifique inspection de Mgr Maccari en 1960 – ce n’était cependant pas la première vexation subie par ce saint capucin.

Très logiquement, Roberto de Mattei s’attarde sur les vota des Pères conciliaires avant que ne se tienne la sainte assemblée. Beaucoup comparent cet exercice aux cahiers de doléances de la Révolution française. Dans les faits, ces doléances sont très différentes des fruits du concile, d’où cette conclusion sans ambiguïté :

« Le concile n’a pas exaucé les demandes qui ressortaient des vota des Pères conciliaires, mais il a soutenu les revendications d’une minorité qui, dès le début, avait réussi à se placer à la tête de l’assemblée et à en orienter les décisions. Voilà ce qui ressort de manière irréfutable des données historiques [10]. »

Tout cela se joue dans un contexte très particulier, avec de nombreux chrétiens qui penchent à gauche – et l’Italie n’est pas exempte de cette tendance. Différents mouvements s’organisent en vue d’aborder le concile avec un maximum d’efficacité : l’École romaine, la commission théologique d’Ottaviani, le secrétariat pour l’Unité des chrétiens œcuméniste du cardinal Béa, la rencontre de Metz en 1962 (le pape, par l’entremise du cardinal Tisserant, garantit à Moscou que le concile ne prononcera aucune condamnation du communisme, contrairement aux vœux unanimes qui ressortent des vota, notamment en Amérique latine et en Europe occidentale), les anti-latin de la Domus Mariæ dominés par Bugnini se heurtant déjà au pape (constitution Veterum sapientia), le groupe des évêques d’Europe centrale…

Le concile qui s’annonce promet de n’être point ennuyeux…


[1MATTEI (Roberto de), Vatican II. Une histoire à écrire, Paris, Muller Éditions, 2013, 500 p., 25 €.

[2Ibid., p. 11.

[3Ibid., p. 12.

[4Ibid., p. 15. Un peu plus loin, nous lisons encore : « Dans l’après-concile, la praxis historique est devenue un “locus theologicus”, pour lequel “la théologie n’est pas qualifiable comme science pure, mais toujours comme moment d’un processus historique [Giuseppe Ruffini]”. Le rapport vérité-histoire a été reformulé en soulignant la dimension historique de la théologie, qui adoptait la praxis historique, en tant que “théorie critique de la praxis chrétienne et ecclésiale [Kasper]”. »

[5Id.

[6Ibid., p. 28.

[7Ibid., p. 32.

[8Ibid., p. 64.

[9Ibid., p. 63.

[10Ibid., p. 80.

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