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Le dernier ouvrage de M. Zemmour fait couler beaucoup d’encre. Auteur d’un pamphlet épais et acerbe, le polémiste réactionnaire écume les plateaux de télévision afin de répondre de ses actes. Le suicide français dérange l’intelligentsia et fait le délice des lecteurs. Si ce succès fâche, c’est que Zemmour a parfaitement ajusté sa cible : mai 68. En habile duelliste, il a touché sa victime en plein cœur.
Ils chantaient « Interdit d’interdire » et « CRS-SS ». Ils se voulaient rebelles et se croyaient hors système. « Ils » ? Les soixante-huitards.
Aujourd’hui, ils sont les maîtres du jeu. Etudiants mi-bourgeois, mi-gauchistes en 1968, ils sont devenus journalistes, sénateurs, ministres, patrons de presse, financiers ou députés européens. Nouvelle aristocratie du pire, ces enfants de Mai 68 ont formé leur nouvelle société, dont ils sont les gardiens. La rebellocratie est née des Trente glorieuses.
Destructeurs de l’ordre naturel et traditionnel, contempteurs de la famille, de la nation et des attachements vitaux, les soixante-huitards se sont mués en fourriers du cospomolitisme, du village global, du Gender et de la finance apatride. Ils sont devenus une élite nouvelle, déracinée, nomade, exaltant une humanité atomisée et hors-sol, à l’instar de Jacques Attali.
Si le « moment révolutionnaire » de mai 68 fut un échec politique, vite submergé par le « raz de marée gaulliste », la victoire des progressistes fut en définitive totale. La droite a mis du temps à comprendre sa défaite ; Zemmour, en fin lecteur de Gramsci, analyse sous nos yeux la conquête culturelle de la gauche sans-frontières et l’étonnante réussite de la subversion. Le « mouvement sinistrogyre » [1], cette contamination de la droite par les idées de gauche, prend tout son sens dans les pages du Suicide français.
Année par année, événement par événement, Zemmour épluche la déconstruction progressive de la France. Son analyse est implacable. Rien ne semble lui échapper. Le mérite de Zemmour est de ne pas se focaliser sur un aspect unique de la déconstruction nationale. La morale, l’identité, le socle ethnique, la souveraineté, le droit, l’armée, l’économie, les arts : son analyse embrasse de multiples faits de société, rendant son essai étonnamment complet.
Exhaustif, l’ouvrage d’Eric Zemmour l’est assurément concernant les quarante dernières années. Toutefois, l’origine du mal n’est pas toute entière à rechercher dans mai 68. Il faut aller plus loin : la Révolution.
Disons le tout net : Zemmour n’est pas tendre avec les révolutionnaires de 1789. Dès les premières pages, il esquisse un parallèle entre les hystériques jacobins et les idéologues des années 60 : « Comme les révolutionnaires parisiens de 1789 imposèrent leurs foucades idéologiques successives à une province fascinée et passive, les Enragés de 68 ont enseigné leur vision du monde à "ce pays", comme ils disent, à un peuple rétif mais résigné » [2].
Le parallèle entre la Révolution de 1789 et la subversion de 68 aurait sans doute gagné à être approfondi. Car enfin, la gangrène du déracinement n’est pas apparue ex nihilo dans la seconde moitié du XXè siècle. La France est malade depuis deux siècles. Les gloires et sursauts français n’ont, depuis lors, constitué que de brefs épisodes. Le suicide français, s’il est patent depuis les années 60, trouve ses racines dans la peste des droits de l’Homme (1789) et le parricide du 21 janvier 1793.
Les révolutionnaires ont tué la Patrie en la modelant selon leurs délires universalistes. Dignes héritiers du cosmopolitisme (ubi bene, ibi patria), ils n’ont vu la France que comme le support de l’expansion de leur idéologie ; les tenants de la French theory de 1968 allaient agir de même.
Disciples du contractualisme rousseauiste, les révolutionnaires ont façonné une conception politique et idéologique du peuple, faisant fi de l’héritage et de l’enracinement. Ils ont fait du passé table rase. Comment pas voir ici les racines du mal soixante-huitard ?
En proclamant que la loi était l’expression de la volonté générale, aux dépens de tout respect de la loi naturelle, les hommes de 1789 ont frayé le chemin à un froid positivisme juridique. Ce dernier allait accoucher de réformes absurdes et de lois iniques. La loi pouvait dès lors tout se permettre. Comment ne pas voir ici l’origine d’une législation de mort, illustrée par la loi Veil (1975) ?
Les quarante dernières années ont vu la désagrégation de la famille et la mort du père. Mais la famille n’est-elle pas profondément affaiblie et le mariage dénaturé depuis que les révolutionnaires ont instauré le divorce, le 20 septembre 1792 ?
Assurément, Zemmour a vu juste en brocardant avec force les quarante piteuses nées de 1968. Les « déconstructeurs », de Cohn-Bendit à Attali, ont tué le corps de la France.
Ils n’ont fait que suivre l’exemple des « glorieux aînés » de 1789 qui, cent cinquante ans plus tôt, ont perverti son âme et transpercé son cœur.
Le « suicide français » est la conséquence du « parricide ».
[1] lire à ce propos les articles du politologue Guillaume Bernard, relatifs aux mouvements sinostrogyre et dextrogyre
[2] voir p. 15, in Le Suicide français, Paris, 2014, éditions Albin Michel
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