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Arrêtons-nous à présent rapidement sur un point du Concile qui fut également source de débats au sein de l’Assemblée des pères : l’œcuménisme. Ces troubles furent en fait provoqués par des ambigüités dans le discours de l’Église ; par exemple, il paraît difficile de concilier au niveau purement pratique – hors des considérations théoriques – ces deux citations de S.S. le Vénérable Paul VI dont l’une, tiré de son encyclique Ecclesiam Suam de 1964, professe que « si vraiment l’Église, comme Nous le disions, a conscience de ce que le Seigneur veut qu’elle soit, il surgit en elle une singulière plénitude et un besoin d’expression, avec la claire conscience d’une mission qui la dépasse et d’une nouvelle à répandre. C’est l’obligation d’évangéliser. C’est le mandat missionnaire. C’est le devoir d’apostolat. [...] Nous le savons bien : ‘allez donc, enseignez toutes les nations’ est l’ultime commandement du Christ à Ses apôtres » et l’autre énonce « [qu’]à propos de cette impulsion intérieure de charité qui tend à se traduire en un don extérieur, Nous emploierons le nom, devenu aujourd’hui usuel, de dialogue. L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Église se fait parole ; l’Église se fait message ; l’Église se fait conversation ». Si tout catholique se doit d’être fidèle au Magistère et ne peut pas de iure voir l’hérésie là ou il y a maladresse, il est évident que certaines ambigüités ont pu laisser penser à certains que, notamment, le baptême dans l’Église catholique n’était plus une condition à l’obtention du Salut et que la paix sociale découlant du dialogue était à préférer à l’évangélisation, qui entraîne nécessairement – comme l’histoire des nombreux martyrs de l’Église nous l’enseigne – la violence derrière elle. Cependant, en l’an 2000, S.S. le Bienheureux Jean-Paul II a publié une déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, écrite par celui qui était alors S.E. le cardinal Joseph Ratzinger et intitulée Dominus Iesus, qui condamne « des théories relativistes, qui entendent justifier le pluralisme religieux, non seulement de facto mais aussi de iure » et professe que si « de fait, certaines prières et certains rites des autres religions peuvent assumer un rôle de préparation évangélique, en tant qu’occasions ou enseignements encourageant le cœur des hommes à s’ouvrir à l’action divine. On ne peut cependant leur attribuer l’origine divine et l’efficacité salvifique ex opere operato qui sont propres aux sacrements chrétiens. En outre, on ne peut ignorer que d’autres rites naissent de superstitions ou d’erreurs semblables et constituent plutôt un obstacle au Salut [1] ». En conclusion, cette déclaration ne permet plus aucune ambigüité puisque qu’elle énonce « [qu’]il faut [...] croire fermement la doctrine de foi sur l’unicité de l’économie salvifique voulue par le Dieu Un et Trine » et que si « cette vérité de foi n’enlève rien à la considération respectueuse et sincère de l’Église pour les religions du monde, [...] elle exclut radicalement la mentalité indifférentiste imprégnée d’un relativisme religieux qui porte à considérer que ‘toutes les religions se valent’. S’il est vrai que les adeptes d’autres religions peuvent recevoir la grâce divine, il n’est pas moins certain qu’objectivement ils se trouvent dans une situation de grave indigence par rapport à ceux qui, dans l’Église, ont la plénitude des moyens de salut ».
Étudions à présent ce qui fut le fruit le plus visible du Concile et aussi celui qui entraîna une irruption de nombreuses et violentes tensions au sein de l’Église : la réforme liturgique issue des réflexions initiées dans la constitution dogmatique Sacrosanctum Concilium. Comme énoncé précédemment, ce texte, qui fut refusé par seulement quatre pères conciliaires, se veut tout à fait conforme à la Tradition liturgique de l’Église et dans la lignée des réformes de S.S. le pape saint Pie X et de l’encyclique Mediator Dei. En effet, nombre d’éléments qui semblent communs à tout fidèle habitué à la « messe de Paul VI » et qui vont à l’opposé de ce qui se fait dans la « messe de saint Pie V » – c’est-à-dire dans la « forme extraordinaire du rite romain » selon les termes de S.S. le pape Benoît XVI dans son Motu Proprio Summorum Pontificum – ne viennent aucunement de Sacrosanctum Concilium ni même pour certains du Novus Ordo Missæ de 1969. S. Exc. Monseigneur Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana, célèbre pour avoir proposé au pape la rédaction d’un nouveau Syllabus condamnant les erreurs d’interprétation du Concile en 2010, énonce cinq « plaies » qui – à l’exception des nouvelles prières de l’Offertoire – ne furent jamais prévues par un texte de l’Église mais « introduites par la pratique d’une mode déplorable ». La première « plaie » est la disparition de la célébration ad orientem [2] que S.S. le pape Benoît XVI évoque en ces termes : « l’idée que le prêtre et l’assemblée doivent se regarder lors de la prière est née chez les modernes et elle est totalement étrangère à la chrétienté traditionnelle. Le prêtre et l’assemblée ne s’adressent pas mutuellement une prière, c’est au Seigneur qu’ils s’adressent. C’est pourquoi dans la prière ils regardent dans la même direction : soit vers l’est comme étant le symbole cosmique du retour du Seigneur, ou alors là où cela n’est pas possible, vers une image du Christ située dans l’abside, vers une croix ou tout simplement ensemble vers le haut ». La deuxième tient à la distribution de l’hostie consacrée dans la main, ce alors que la majorité du corps épiscopal avait voté en 1968 contre cette pratique qui n’a été concédée par indult [3] par S.S. le Vénérable Paul VI que plus tard [4]. La troisième se trouve dans les nouvelles formulations des prières de l’Offertoire qui évoquent moins le mystère du sacrifice de la Croix que les repas sabbatiques juifs, et ce à rebours de toute l’histoire de la tradition occidentale et orientale [5] et en contradiction avec le n°23 de Sacrosanctum Concilium qui dit « [qu’]afin que soit maintenue la saine tradition, et que pourtant la voie soit ouverte à un progrès légitime, pour chacune des parties de la liturgie qui sont à réviser, il faudra toujours commencer par une soigneuse étude théologique, historique, pastorale ». La quatrième est la quasi-disparition du latin des cérémonies à l’exception aujourd’hui de celles du Souverain Pontife : bien que la constitution ait effectivement reconnu que « l’emploi de la langue du pays peut être souvent très utile pour le peuple ; on pourra donc lui accorder une plus large place, surtout dans les lectures et les monitions, dans un certain nombre de prières et de chants », il est rappelé clairement au n°36 que « l’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins ». La cinquième et dernière « plaie » concerne la participation dans le chœur - essentiellement à travers la lecture à l’ambon - de laïcs non ordonnés et en habits civils, pratique déjà condamnée par le canon 14 du Concile de Nicée II en 787 [6] ; à ce propos Sacrosanctum Concilium professe que « dans les célébrations liturgiques, chacun, ministre ou fidèle, en s’acquittant de sa fonction, fera seulement et totalement ce qui lui revient en vertu de la nature de la chose et des normes liturgiques », ce qui ne s’oppose aucunement au fait que « la Mère Église désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui, en vertu de son baptême, est un droit et un devoir pour le peuple chrétien, ‘race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté’ », fait qui concerne avant tout la participation par la prière et la conscience pleine et entière du déroulement du mystère du sacrifice de la Croix. Quant à « l’archéologisme liturgique » professé par certains qui voulaient revenir à la messe telle qu’elle se célébrait dans l’Antiquité, il est nécessaire de préciser que cela fut condamné par S.S. le Vénérable Pie XII comme un principe janséniste [7] et protestant faisant fi de l’action de la Divine Providence dans l’Église et issu du Concile illégal de Pistoia de 1786. Finalement, encore une fois il apparaît que c’est « l’esprit du Concile » et non le Concile lui-même qui a permis la diffusion de telles déviances des lettres de la constitution, même si – ainsi que l’énonce l’abbé Guillaume de Tanouärn – la philosophie évolutionniste imprègne le texte. Cependant, dans la lignée de S.S. notre Pontife Émérite, grand liturge et restaurateur de la « messe de saint Pie V », reconsidérons les textes à la lumière de la Tradition de l’Église et voyons apparaître en filigrane cette déclaration du Concile de Trente : « Étant donné que la nature de l’homme est ainsi faite qu’elle ne se laisse pas élever facilement à la contemplation des choses divines sans aides extérieures, la Mère Église, dans sa bienveillance, a introduit des rites précis ; elle a eu recours, s’appuyant sur l’enseignement apostolique et sur la tradition, à des cérémonies telles que les bénédictions empreintes de mystère, cierges, encens, vêtements liturgiques et bien d’autres choses ; tout cela devrait inciter les esprits des fidèles, grâce à des signes visibles de la religion et de la piété, à la contemplation des choses sublimes [8] ». Cette volonté de « contemplation des choses sublimes » n’est finalement pas autre chose que ce que dit Sacrosanctum Concilium quand elle énonce au n°8 que « dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle » et au n°10 que « la liturgie est le sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu. »
Finalement, à tous ceux qui tiennent le Concile comme un événement extraordinaire, soit par la « Nouvelle Pentecôte » que certains voulurent lui faire imprimer à l’Église soit par son caractère « hérétique » et destructeur pour les âmes des fidèles, préférons la sagesse de S.S. le pape Benoît XVI qui, comme immense théologien, travailla sur les textes – il était alors peritus [9] de S.E. le cardinal Joseph Frings – puis sur les conséquences de l’interprétation qui en fut faite. Il s’agit avant tout de rejeter ceux – de tout bord – qui voient le Concile Vatican II comme un « Super-Concile » mais de le considérer uniquement comme ce qu’il est, c’est-à-dire comme le vingt-et-unième Concile œcuménique de l’histoire de l’Église catholique. Il est donc destiné à faire mieux comprendre le sens de la Révélation et du Mystère de la Croix tels qu’ils ont été explicités dans les vingt Conciles précédents, pas à en donner une interprétation nouvelle qui reviendrait à affirmer que l’Église s’est fourvoyée durant dix-neuf siècles et à insinuer que l’influence du Paraclet sur le corps mystique de Notre Seigneur Jésus-Christ est nulle. Faisons donc nôtre cette phrase que le pape prononça en conclusion de son discours à la Curie romaine du 22 décembre 2005 : « Ainsi, aujourd’hui, nous pouvons tourner notre regard avec gratitude vers le Concile Vatican II : si nous le lisons et que nous l’accueillons guidés par une juste herméneutique, il peut être et devenir toujours plus une grande force pour le renouveau toujours nécessaire de l’Église. »
[1] -Cf. 1 Co, 10, 20-21.
[2] -Littéralement en latin, « vers l’orient ». En effet, nombre d’églises ont été construites avec le chœur vers l’est, de manière à associer le mystère de la Mort et de la Résurrection de Notre Seigneur célébré sur l’autel et le symbole du soleil levant, ramenant le monde à la vie. Ainsi, se tournant vers l’autel, le prêtre, dos aux fidèles, se fait pasteur symbolique, les emmenant vers le Christ – symbolisé par la crucifix sur l’autel – et vers la victoire inéluctable de la résurrection sur la mort – symbolisée par l’est, où le soleil se lève.
[3] -Du latin indulgere, « être bienveillant ». Ce terme juridique désigne une faveur accordée par le Saint-Siège et qui dispense du droit commun de l’Église, soit au bénéfice d’une communauté, soit pour le bien d’un particulier.
[4] -« La chose la plus horrible dans notre monde aujourd’hui, c’est la communion dans la main. » Cette citation de la Bienheureuse Mère Theresa de Calcutta donne un bon aperçu des tensions et des affrontements qui ont suivi cet indult de Paul VI. En effet, quand nous prenons véritablement conscience de ce qu’est l’Hostie consacrée, c’est-à-dire le Corps réellement présent de Notre Seigneur Jésus-Christ qui se donne à nous personnellement comme Il s’est donné pour l’humanité sur la Croix, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger quant au bien-fondé de prendre Celui qui nous gouverne et nous sauve dans nos mains souillées par le péché. C’est ainsi que la Tradition de l’Église a toujours voulu que la réception du Saint-Sacrement se fasse à genoux, en signe de profonde déférence et de grande humilité, et sur les lèvres, pour que seul le prêtre, alter Christus, soit en contact avec Lui avant que nous Le recevions.
[5] -« Recevez Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, cette Hostie sans tache, que moi, Votre indigne serviteur, je vous offre à Vous, notre Dieu vivant et vrai, pour mes innombrables péchés, offenses et négligences, pour tous ceux ici rassemblés et pour tous les fidèles chrétiens vivants et morts afin qu’elle serve à mon salut et au leur pour la vie éternelle. Amen. » Cette prière de l’Offertoire de la messe tridentine est à comparer, pour illustrer notre propos, avec celle qui l’a remplacée dans le Novus Ordo de 1969 : « Vous êtes béni, Dieu de l’univers, Vous qui nous donnez ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes ; nous Vous le présentons : il deviendra le pain de la vie. »
[6] -« Il est parfaitement clair pour tous qu’un ordre a été établi dans le sacerdoce et que c’est le bon plaisir de Dieu que l’ordination soit respectée avec la plus grande attention. Pourtant, nous avons remarqué que certains jeunes gens, sans la grâce de l’imposition des mains, revêtent la tonsure cléricale : sans avoir reçu l’imposition des mains de l’évêque, il leur est défendu de lire publiquement à l’ambon durant l’office de la Messe. » (Actes du deuxième Concile de Nicée, canon 14)
[7] -Mouvement religieux issu de la pensée de Cornélius Jansen (1585-1638), évêque d’Ypres, le jansénisme se développe au XVIIe et XVIIIe siècles, notamment en France. Il se caractérise, tout comme le protestantisme, par un attachement très fort à la doctrine de saint Augustin sur la grâce : le libre-arbitre de l’homme étant grandement altéré par le péché originel, sa vertu ou son vice n’ont que peu d’importance sur son chemin vers la rédemption ; la grâce est donné par la toute-puissance volonté de Dieu qui, sans nier la liberté humain, arrive toujours à Ses fins. Radicalisant cette doctrine, jansénistes et protestants vont en arriver à la conclusion que la liberté humaine est inéluctablement anéantie et avec elle le rôle de l’Église terrestre, pensée qui aboutira par la suite à une critique politique de l’absolutisme tant royal que pontifical et à une condamnation par Rome en 1653.
[8] -Actes du Concile de Trente, sessio XXII, cap. 5.
[9] -Mot latin signifiant « connaisseur, expert » : dans notre cas, ce terme désigne un théologien accompagnant et conseillant un évêque lors d’un Concile œcuménique.
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