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Les réacs ont-ils une âme ?

7 février 2012 Jean Herbottin

« Je ne peux pas te laisser dire ça », « tu tiens des propos nauséabonds », « ces propos me dégoûtent »... nous avons tous entendu ou lu ce genre de commentaires. Peut-être même en sommes-nous les auteurs ou les destinataires. Qu’il s’agisse de débats de société ou de sujets politiques brûlants, l’indignation vaut comme argument, l’exclusion étant toujours plus aisée que la discussion. A vaincre sans péril, on évite beaucoup d’ennuis !

En somme, qu’on soit contre l’avortement, le mariage des homosexuels ou n’importe quel élément du corpus idéologique progressiste, le marteau tombe, la sentence est lancée, insusceptible de recours : c’est nauséabond, digne des HLPSDNH, bref, il ne faut même pas en parler... Qu’ils soient anathèmes !

On en vient presque à se demander si les porteurs de tels discours sont humains, comme le suppose l’inénarrable article de 20 minutes sur la pseudo-enquête d’Arte sur les « catholiques intégristes ». « La vie ordinaire de jeunes gens misogynes, homophobes, royalistes… », lit-on dans ce commentaire engagé... L’amalgame ne fait visiblement pas peur… Mais enfin vous rendez-vous compte ? Ils seraient même capables d’aimer ! Ces procédés sont anciens, et très ancrés à gauche. La diabolisation est facile, car bâtir un contre-argument est chose autrement plus complexe... C’est ainsi que nous pouvons entendre ce discours ambiant qui qualifie ceux-ci de fondamentalistes, ceux-ci d’intégristes, de fachos ou autres suppôts de l’anti-France festive et citoyenne. Le seul souci, c’est de savoir ce que l’on entend-on sous l’appellation de « fondamentaliste ». Et qu’est-ce qu’un intégriste ? Si c’est tout simplement quelqu’un qui prend sa foi au sérieux, en refusant d’accomplir quelque chose de contraire à sa conscience, alors ils sont nombreux…

Alors c’est sûr, les modalités d’expression ne sont pas toujours très fines. Mais elles ne diffèrent pas de celles de la piétaille syndicale, qui, elle, fait figure de martyre dès lors que la matraque d’un CRS a l’outrecuidance de se faire sentir. Bref, « on ne peut pas les laisser dire ça ». Qu’ils se taisent, ces gens-là qui, certes, sont capables d’aimer, mais qui tiennent des propos « nauséabonds ». En somme, la liberté d’expression, c’est pas pour les réacs. Circulez, y’a rien à voir ! Que ce soient les propos du pape, bien que le vent tombe ces temps-ci, les intégristes sans cœur, ou presque, la droite populaire, le front national, ou les groupes pro-vie, tous tombent sous le couperet. En effet, tous ces conservateurs/réactionnaires [1] qui n’opinent pas du chef à chaque nouvelle lubie moderne… Pour un progressiste lambda, donc, un bon catholique serait un catho en phase avec son temps, fumeur de pétards, ouvert, tolérant, militant pour le mariage gay, porteur d’une religion sans tradition, peu importe que celle-ci soit première dans le catholicisme, épurée de toutes ses vieilles lubies transcendantales et autres transsubstantiations douteuses.

Outre le ridicule de ces assertions, il convient d’en admirer l’arrogance. Au nom de quoi devrait-on taire nos convictions, sitôt qu’elles heurtent les sensibilités de quelques-uns ? Et qu’est-ce que la liberté d’expression si l’on ostracise les contradicteurs ? Peut-on parler là de démocratie ? Alors on pourrait dire que les propos allant à l’encontre de certains droits devraient être tus. C’est là encore une idée fausse, et qui participe à la chape de plomb idéologique qui s’est abattue sur notre riant pays. Le droit des femmes à disposer de leur corps, par exemple, serait pour certains un absolu qui ne devrait même pas être discuté. L’avortement, de fait, ne doit pas pouvoir être remis en question, si l’on suit ce raisonnement. Oui, mais si l’on renverse le champ de vision, et que l’on se met du côté du fœtus, « amas de cellules », diraient certains, c’est le principe du droit à la vie qui l’emporte. Comment concilier les deux ? A l’évidence, c’est là une chose impossible. D’un côté est promue la liberté sans responsabilité. De l’autre la liberté en assumant ses choix. Peut-être est-ce là caricaturer, mais c’est ce qui ressort des débats que nous pouvons avoir, si, bien sûr, le débat est permis. Ces deux mondes ne peuvent se comprendre. Est-ce pour cela que l’un d’entre eux doive disparaître ?

Alors certains pourraient dire que nous nous victimisons. Peut-être... C’est la preuve que finalement, nous vivons avec notre temps. Mais se voir apposer le label « victimisation » après ce que nous avons pu lire depuis les manifestations contre les pièces blasphématoires, je dois dire que ça ne manque pas de sel. Le diagnostique de départ, à savoir la christianophobie, était à mon sens erroné. En effet, le "peuple", notion à la mode aujourd’hui, ne nous en veut pas, lui. Mais ce sont les associations anti-racistes, homosexuelles et autres progressistes de tout poil qui en ont après les réacs, en général. Il suffit de voir la chasse au Zemmour de l’an dernier pour s’en convaincre... Toujours est-il que les exemples sont légion de ces sujets où le débat se retrouve éludé : l’immigration, l’Europe, le devoir de mémoire, et bien d’autres encore, qui appartiennent à un consensus social presque hissé au rang constitutionnel. Que dire de l’état de la démocratie quand une candidate représentant 20% des électeurs ne pourrait pas se présenter ? Même en n’apportant pas mon soutien à cette formation politique, loin s’en faut, je me pose cette question. Terminons par ce vibrant appel… Oui, nous sommes des humains, et oui, nous sommes capables d’aimer, et, citant Shakespeare, rappelons :

« Un réac n’a-t-il pas des yeux ? Un réac n’a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion ; nourri avec la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé aux mêmes maladies, soigné de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été que les progressistes ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ? »


[1rayer la mention inutile

7 février 2012 Jean Herbottin

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